438 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
1703- trouvèrent, ou comme Volontaires, ou
à la tête de leurs corps, y firent parfaitement
bien, à leur ordinaire. Nôtre
Aide-Major la Poterie vouloit nous perfuader
qu'il avoit couru de grands rifques,
& que fa manche avoit été percée
d'une ballci un tailleur aiant examiné
la bleiTure, déclara qu'elle venoit du
tcms, Se que le plomb n'y avoit aucune
part.
Pendant que je confeflbis un de nos
blefl'ez qui mourut entre mes mains,
il y eut un de nos voifins, nommé Hugues
Boulogne, qui reçut un coup de
balle qui lui découvrit le crane de la
longueur de cinq à fix poûcesi il écoit
huguenot,quoiqu'il eut fait deux ou trois
abjurationsV comme il étoit d'ailleurs
homme de bien & de bon commerce, j e
l'aimois, & je lui difois fouvent que je
l'aififterois quelque jour à la mor t , &
qu'il fe convertiroit tout de boni il tomba
auprès de moi lorfqu'il eut reçu le
coup , & fut aflez long-tems fans parole
& fans connoiffance 5 je le fis porter
dans laFalaife, &je m'approchai de lui,
pour le faire penfer à fa confcience
quand il reviendroitj aiant enfiji ouvert
les yeux, Sc recouvré la parole : Ah,
monPere, me dit-il, vous me l'aviez
bien dit que je me convertirois en mourant
entre vos mains j. oui, je veux mourir
catholique, & je demande pardon à
Dieu de tout mon eoear : un Chirurgien
que j'avois fai tappelkr, aiant fondé
fa plaie, m'aiTura qu'il n'y avoit rien
à craindre pour le prefent y je le fis
emporter, pour m'en aller à d'autres
qui avoient plus befoin que lui demon
lècours.
M. de la Malmaifon fut rappellé le
jour fuivant des trois Rivieres, pour
venir commander au Camp des Gailions^
nous lui fîmes une cafe de l'autre
côté de la Chapelle, oàil demeura
jufqu'à la retraite des Anglois. 1703..
Dès les premiers jours que les An- ,
glois eurent mis pied à terre, j'avois mis
en pratique unechofe qu'onm'avoiten- pour h,
feigne il y avoit long-tems, ôc que je
trouvai très-bonne, pour ne pas manquer
de vivres quand on fe trouve éloigné
de chez foi : c'étoit d'avoir toûjours
quelque foie de veau, de vache, ou de
boeuf cuit à l'eau & au fel, ou, quand on
lep€ut, dans du vin aveodes herbes fines
j rien n'eil meilleur, Se d'une nourriture
plus fubftancielle : cela fert de
pain 6c de viande tout à la fois, 6c fe
confervetrès long-tems;un morceau gros>
comme le poing eft fuffifant pour nourrir
un hommependantvingt-quatre heures.
J'avois foin d'en avoir toujours dans
ma baraque pour les Negres qui me
fervoient, 6c pour moi j Se quand j'ailois
hors du Camp, j'en po^rtois toûjours
avec moi, parce que nous nous troi&-
vions quelquefois éloignez dans les hauteurs,
ou obligez d'attendre que des détachemens
ennemis plus forts que nous
fe fuifentretirez, 6c dans ces occafions
j'étois bien aiTuaé avec mon morceaude
foie de ne pas fouffrir la faim.
JLe loifir dont nous joiiiffioras dans ohfernôtre
Camp , en attendant qu'il plût aux y"''"
Anglois de fe retirer chez euxnous ¿"^VA
fit faire 6c réitérer plufieurs fois l'obfer- eam»,
vation fuivante. Nous fçavions que le
vaiflèau Anglois qui portoit le Pavillon
d'Amiral éroit j;uftement à une lieiie de
trois mille pas géométriques du lieu où
nous étions campez} iur cela nous remarquâmes
que quand il tiroit le matin
ô c l e f o i r , pourladiane, 6c laretraite,
nouspouvions compter depuis un jufqu'à.
foixante l'un, après l'autre, en difant
6c prononçant un , deux, trois, quatre,
cinq, 6ec. depuis le moment que
nous avions vû la lumiere du canon
jufqu'ice que nous entendiiTions le coup j
ceux
ÍÍ03.
F R A N C O I S E S DE L'AME RI Q_UE. 439
ceux qui avoient h parole plus libre, l'imprudence d'en maltraiter quelques- 1703:
coraptoientcinqoufixdeplus;onpour- ® jroit
pouffer plus loin cette experience
dont je ne donne ici que le commencement.
! %
uns, 6c eux de dépit allèrent fe rendre
aux Anelois, les conduifirent où étoit
leur maître, le firent prendre avec prefque
tout le rcibe de fes Negres, une
'roiTe fomme d ' a rgent , & tous íes meu-
)lesî on le conduifit au Général Codrington
Les deferteurs continuoient toûjours à
venir, Se afluroient qu'il en viendroit un
grand nombre fans la crainte qu'ils
qui le rcnvoia chez lui avec
avoient de trouver nosNegres armez,auD
une belle iauvegarde.
quels unjufte-au-corps étoit une furieufe
Cette capture fut caufe que les Ancn
tentation, pour tuer celui qui le portoit. glois qui n'avoicnt point été dans ces
Un pauvre Irlandois aiant été pris en quartiers-là depuis qu'ils y avoient mis
defertant, fut condamné à être pendu i à terre , remarquèrent qu'il y avoic
attendant l'heure de l'exécution il
fe fauvaj mais comme il étoit étourdi,
8c qu'il ne connoiffoit pas lepáis, il
fe jetta dans le pofte que les Anglois
avoient à Milet, après avoir paiTé la
Riviere, 6c grimpé la Falaiie avec des
peines incroiables, croïant être arnivé
dans «os poflesi ils le reprirent, 6c le
lierent dans leur corps de.garde, en attendant
qu'il fut jour , pourleremener
beaucoup de mahis 8c autres vivres dans
les habitation, 6c quantité de beftiaux
dans les hauteurs i ils firent un détachement
de cent cinquante hommes, commandez
par un Major, pour aller enlever
ces vivres6cces beftiaux, 6cbrûler
les maifons de ces quartiers-là.
L e lundi 7. Mai un deferteur nous don«
na avis que ce détachement venoit de
partir de leur Camp. M. Augerenvoia
au Bourg, car il étoit nuit quand il fe les Enfans perdus, 6c les Negr e s , pour
jetta entre leurs mains} mais le Senti- les harceler, 6c les empêcher de brûnelle
qu-i legardoit, s'étant endormi«, iill
s'échappa, 6c vint.au Camp de la Martinique,
n'aiant qu'un méchant calçon
fur le corps,. 6c les mains liées derriere
Pr'ift
1er les maifons. Plufieurs habitans de ces
quartiers-là s!échaperentdu Camp,pour
les joindre, 8c aller défendre leur bien.
Les Habitans étoient environ foixante,
le dos. Après qu'il fut revenu de la 8c les deux Compagnies faifoient ce jourfraieur:
qu'il avoit eu, il nous aiTura, lacent hommes i ils marchèrent par les
que les Anglois ne tarderoient pas à fe hauteurs, pour n'être pas apperçusdes
r'embarquer,que le GénéralCodrington vaiiTeaux, qui donnoient avis par un
étoit malade, qu'il y avoit beaucoup de
diflenterie parmi les Troupes 8c les
équipages, 6c qu'ils manquoient de vivres.
Le Jeudi 3. Mai les Anglois enlevé
iîtant'' ^^ nomméBouchu, dont l'habitacoup
de canon des qu'ils apperçevoienc
des gens armez. Les Enfans perdus, 6c
les Negres n'aiant pas voulu fuivre les
Habitans, 6c s'étantamufez àchercher
à faire quelque pillage dans les habitations
de la montagne Saint Loiiis, furent
^'X/fi tion étoit à la Riviere Beaugendre, au découverts par les vaiiTeaux. L'avis en
«/(¿«w. quartier des habitans} cette homme n'a- fut auifi-tôt porté au Major, à qui on
voit pas voulu fe retirer au réduit, étant cnvoia trois Compagnies de renfort >
malade, ou le contrefaifant, mais il mais avant que ce fecours lui fut arrivé,
s'étoit cantonné avec fes efclaves dans , k s habitans l'avoient attaqué au paifage
les hauteurs de ce quartier-là j il eut d'une ravine où ils s'étoientembufquezi
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