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2r4 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
Le Sieur du CaiTe aïant fait charger
le butin, & rembarquer fes Troupes alla
faire fa fécondé defcente au Port JVIoc'eil:
ran
pointe de I'Eil de la même Ifle. Quoique
l'entré de ce Port fût défendue par deux
fortes redoutes, fur l'une defquellesily
avo:t dix-huit pieces de Canon, & fix
fur l'autre, laFlotteneiaiiTapas d'y entrer
un endroit confiderable à la
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: on y fit une nouvelle defcente, &
on pilla, 6c brûla quantité de Sucreries
avec lesVillages qui fe trouvèrent à trois
lieiies à la ronde, après quoi on fe rembarqua
une fécondé fois. Le Sieur du-
CaiTe détacha de cet endroit fon Major
le Sieur le Beauregard avec cinq Bâtimens
Flibuftiers, qui allèrent ravager,
piller, & brûler tous les Villages, &les
Sucreries de la Côte du Nord. Ils enleverent
auffi felon l'ordre qu'ils en
ayoïent reçu, toutes les Barques&Bâtimens
qu'ils trouvèrent, & les chargerent
de butin, les leurs en étant fi pleins,
qu'ils ne fçavoient oîi placer celui que
leurs détachemens apportoient à tous
momens.
Pour le Sieur du CaiTe, il allá avec le
gros de fa Flotte & de fes Troupes devant
le Fort Royal , & quoique fon deffein
ne fût que d'y donner unefaufle ailarme
» pour y attirer les Troupes & les
Milices de l'iiîe, iès gens emportez par
leur courage, nelaiiTerent pas d'y mettre
àterre, aïant écarté & diffip^ avec
une valeur furprenante, le grand nombre
de Troupes & de Milices, qui s'étoient
oppofées à leur defcente. Ils mirent
auiïï-tôt le feu à quelques endroits,,
ôc s'étant rembarquez pendant la nuit,
ils allèrent moüil er à Ouatiou, où ils
firent une quatrième defcente malgré la
vigoureufe refiftance de fept cent hommes
de pied, & d'un gros Efcadron de
Cavalerie, qui étoient couverts d'un bon
letrancheraent,^ foûtenu d'un Fort, où:
il y avoit douze pieces de Canon. Nos
gens les chalTerentl'épée à la main dece
retranchement, les mirent en fuite, prirent
le F o r t , s'y établirent, & pendant
huit jours entiers qu'ils ydemeurcrent,,
nos Partis qui étoient fans ceile en campagne,
battirent toûjours les Ennemis,,
ravagèrent, pillèrent, & brûIerent tout
le pars à quatre & cinq lieiies à la ronde
deforte qu'on comptoit que nous avions,
plus brûlé de Bourgs & de Villages à la
Jamaïque, que les Anglois & lesEfpagnols
n'avoient brûlé de maifons dans
nos Quartiers de S. Domingue. Le
Sieur du Cafle fit dans cet endroit un butin
prodigieux en Eiclaves, en argent
monnoyé, argenterie, meubles, uftenfiles
de Sucreries 5c marchandifes. Il fie
tout embarquer fans fe prcfler, 8c lorfqu'il
fut prêt à partir, il fit rafer le Fort j
Se crever les Canons, dont il ne jugea
pas à propos de fe charger. Il arriva à
Leogane le 17 du mois de Septembre
fans autre perte que d'environ cent cinquante
hommes, quoiqu'on eût livré
une infinité de combats, & qu'on eût
tué plus de fept cent hommes aux ennemis.
Le dommage que cette entreprife caufa
aux ennemis a été de plus de douze
millions, fans compter un Vaifleau de
Guerre de cinquante Canons qu'on leur
enleva, & quantité de VailTeaux Marchands,
gc autres Bâtimens qu'on pritj,,
ou qu'on fit échcoir, ou qu'on brûla fur
la Côte, Les Efclaves Negres qui furent
partagez, étoient au nombre de dix-huit
cent, mais ceux qui furent enlevez par
les particuliers, & qui ne furent point
rapportez à la mafie du butin, étoient en
bien plus grand nombre, & quand à
l'argent monnoyé ou travaillé, aux meubles,.
aux marchandifes,. & auxuftenfilesdes
Sucreries, il a été impoffible juf -
prfifent d'en, fixer aujufte lavaleur.
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ.UE; Zlf
f f ^ l Ilfuffitde dire, que ce qui a été rapporté
à la maiTe commune a enrichi un trèsgrand
nombre de Flibuftiers & d'Habitans
de la Côte, & que M. du Cafl'e &
• fes OiHciers y ont fait des fortunes fi
confiderables, qu'elles auroient pû faire
envie aux plus riches particuliers de
l'Europe.
CetteafFairc piqua extraordinairement
les Anglois i ils crurent qu'il y alloitdc
leur honneur de ne pas demeurer en refte
avec M. du CaiTe. C'eft pourquoi ils
raflèmblerent autant de Troupes qu'il
leur fut poflîble, ôc les mirent fur quatre
VaiiTeaux de Guerre qui leur étoient
venus d'Angleterre, 8cfiird'autresNavires
qu'ils joignirent à cctteEfcadre avec
îij des Bâtimens plats, pour faire des def-
¡bùca- centes. Ils parurent devant l'Efterre,
liZT- principal Quartier de Leogane, au comtiiîde
mencement du mois de Novembre de la
Wmt. même année 1694. 8c firent quantité de
marches, de contremarches, 8c de feintes,
tantôt d'un côté, 8c tantôt de l'autre,
pour attirer nos gens, 8c les fatiguer,
afin de trouver un moment favorable,
pour faire leur defcente. Maisle
Sieur du CaiTe mit fi bon ordre tout le
long de la Côte, qu'ils n'oferent jamais
tenterun débarquement : ils fe contenterent
de confommer quantité de poudre,
Se quatre ou cinq mille boulets, fans autre
fruit que de tuer cinq Hommes, 8c
quelques Chevaux , 8c d'abattre une
maifon. Ils prirent feulement deux mauvaisVaifleauxMarchandsvuides
8c abandonnez
, 8c en firent échoiier deux autres
qu'on déchargea, 8c qu'on brûla.
Tels furent les exploits de cette Armée
Navale ; ils répondirent fi peu à ce qu'on
en devoit attendre, 8c à la dépcnfe que
les Jamaïquains avoient faite pour cet
armement, qu'il y eut de grofles conteftations
entr'eux 8c les Commandans
de la Flotte. Ils furent heureux cependant
que nous n'avions pas alors un feul
Vaifleau de Guerre, 8c que tous nos
Corfaires étoient en mer : car felon les
apparences, ils ne feroient pas tous retournez
chez eux,
La Colonie de Saint Domingue fut za cohaugmentée
de celle de l'Ifle de Sainte »iede s.
Croix qu'on y trañffiorta lé 2. Février
1695-. le Sieur de Galifet Gentilhomme
Provençal, 8c Capitaine d'une Com-s.ddpagnie
détachée de la Marine, étoitàla «w^ae,
tête comme Commandant, Il devoit ce
poile au Comte de BlenacGouverneur
general des Ifles , qui l'avoit envoyé
pour commander à Sainte Croix, après
la mort du Gouverneur, en attendant
que la Cour y eût pourvû. Ce Sieur de
Galifet eût en arrivant à S. Domingue la
qualité de Lieutenant de R o i , puis celle
de Gouverneur Titulaire de S. Croix,
8c de Commandant au Cap , 8c enfin
celle de Gouverneur du Gap} il
y a demeuré jufqu'en 1715. qu'il eft repafle
en France avec des biens immenfes,
que le pilfege de Cartagene, fon induftrie
8c fon économie:lui avoient fait
amafler.
Le Sieti-r du Cafle à k fête de quatorze
ou quinze cent hommes de fa Colonie,
Habitans, Flibuftiers, 8c Negres , fervit
avec une diftinétion finguliere à la prifc
de Cartagene} 8c on doit dire, fans faire
tort à perionne, que le Sieur dePointis
qui commandoit cette entreprife, lui
eft redevable & à fes gens, de la gloire
8c du profit qu'il a tiré de cette expedition.
L'Efcadre du Sieur de Pointis qui
étoit partie de la Rade de Breft le 9 Janvier
1697, arriva au petit Goave dans
l'Ifle S. Domingue le 7. de Mars fui-'
vant. Elle'joignit lésTroupes duSieur du
Cafle le 18. au Cap Tiburón. Toute la ^^
Flotte en partit le z6. 8c moiiilla le j tiZ'il'
Avril à la Rade de Sombaye à l'Eft de cmagt^
E e a Ca r -«-
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