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y o i NOUVEAUX VOY
Ction à Tapas qui attiroitlcpoiflbn, &
on prétendoit que c'étoit de la graifle
humaine; je-n'ai pû m'éclairdrdecela
avec lui, parce qu'il s'écoit perdu en mer
quelque temps avant que j'arrivafle à la
Guadeloupe. Mais fon fils qui étoit prefque
auffi habile homme que lui , m'a
affuré que ce qui rendoi t fon perefiaflur
é d'apporter le poiiTon qu'on lui demand
o i t , étoit la longue habitude, & la
parfaite connoiiTance ^^u'il avoit des
bancs, où l'experience b i avoit fait connoîtreles
poiflbns qui s'y retiroient : car
les poiflbns de banc changent rarement
de demeure, &iè mêlent peu avec ceux
d'une autre efpece que la leur. De forte
qu'avec ces connoiiTances, & de la graiffe
de chien, dont îl frotoit Tapas & le
fil d'archal de fes lignes , il écoit trèsrare
qu'il manquât de prendre lepoiiTon
qu'il vouloit avoir.
J'ai remarqué dans un autre endroit
de ces mémoires, qu'un Requi n ou une
Becune prendra plutôt un Negre qu'un
Blanc, &un chien plutôt qu'un homme
quand il trouve ces trois animaux à la
m e r j & comme cela ne peut venir que
des corpufculesquifortentdifferemmenc
de ces trois corps, Scfrapentdifféremment
les organes des poiflbns , il faut
dire que la graifle de chien, dont Tapas
étoit f r é t é , répandoitune quantité coniîderable
de ces corpufculcs attrayans qui
frapoient vivement les organes des poiffons,
& les excitoiont à fe jetter avec irapetuoficé
fur Tapas.
Comme CCS bancs ne fe trouvent gueres
plus près deter red'une lieuë, & fouventdavantagc,
un Negre ne va jamais
feul à cette pêche. Quand le canot efl;
un peugrand, ony met troishommes:
mais pour Toi-dinaire les canots dont on
fefert n'ont befoin quededeux hommes;
ils connoiflent qu'ils font arrivez fur le
banc en fondant , ouens'alignantàdeux
A G E S AUX rSLES
pointes de TIfle qu'ils ont remarqué 1705.-
quand ils étoient juftement au lieu de
leur pêche, Pour lors un des deux pêche,
, & l'autre foutient le canot avec fa pagalle
contre les courans, & contre le
vent, afin qu'il demeure toûjoursau même
endroit. Onpêchelanuitcommele
j o u r , Se quandla nuit eft claire, c'eft un
très-bon temps pour la pêche.
Nous penfâmes perdre un de nos pêcheurs
d'une maniei'e aflez particulière.
La nuit étant fore éclairée, & la mer -
tranquille & fans vent , celui qui devoit
foutenirle canot étoit aflîsen repos pendant
que l'autre tenoit fes deux lignes &
pechoit ; 8c comme dans cette fituation
ils'ctoitaflbupi, ayantunbout defacafaque^
qui pendoit horsdu canot , celui f h é T
qui pêchoit apperçutun Requin dans le un pé".
moment qu'il alloit prendre ce morceau f^«»'"-
de cafaque; ileutlaprefeiiced'efpritde
fe jetter fur celui qui dormoit, & lui
ployant les bras en arrière , il aida au
Requin à le dépoiiiller de fa cafaque
qu'il emporta, fans quoi cet animal vorace
Tauroit infailliblement tiré dans
Teau & Tauroit dévoré.
Entre plufieurs poiflbns qu'on prend à
la ligne, il y en a deux qui meritent que
j'en fafle ici la defcription.
Le premier efl: lepoiflbn rouge. On poifjo»
l'appelle amfi , parce que fa peau & fes rougi,
écailles font d'une cou eurde feu aflez
vive. Il a beaucoup de la figure de la
tanche; fa chair efl très-blanche, &
très-délicate; fes oeufs font excellens;
il eft gras 8c ferme, ÔC également bon à
quelque faufle qu'on le mette. J'en ai
vû quipefoientprésde quarante livres;
mais ceux-là ne font pas communs. Ceux
qu'on prend ordinairement font depuis . .
quatre jufqu'à fept ou huit livres.
Le fécond eft prefque entièrement fem- depoifblable
à la Morue pour la forme du/"»?«»
corps, lapeau, la chair Se l'avidité qu'il j f f } ^
a de wonie^
Ï-VH- i.il ; I
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE.
Î70Î. a de mordre à l'hameçon,. JL^di^erence nequi o'étoitpasbiencuite, àce qu'on 170^.
qu'il y a entre ces poiflbnseft, quejene difoit, avoit penfé mourir; il avoit en-
<;rois pas qu'on trouve des Moruçs de riérement changé de peau, & étoit de- jf^'/T'
deux cens livres & plus, comme on meuré tout le refte de fa vie tremblant/-«X
trouve de ces poifons. On les appelle comme un homme qui a le friflbn. Je
des Vieilles.Leur chair eft b l anche , ten- doute que le défaut de euiflbn tout feul
dre, grafie, aflTez fermç, 6c séleve par ajtpû produire de fi mauvais cflèts, ce
écailles. L a peau eft g r i f t , épaife ôc graf- bon Pere en devoit être quitte felon les
f e ; elles font fi goulues, qu'elles fe j e t - règles pour une indigeftion qui ne devoic
tent fur l'hameçon auflî-tôt qu'elles Tap- pas avoir des fuites fi longues & ft funefperçoivent,
6ç Tavallent aveç avidité; tes; & c'eft ce qui me porte à croire
mais quand elles fe fentent piquées, elles que cette vieille avoit avalé quelques orfe
renverfent toutTeftomaç, comme fi dures qui Tavoient empoifonnée. Car
elles vouloient rendre par la gueule ce comme ce poiflbn eft fort goulu, il pouqu'elles
ont avale avec trgp d'avidité, voit avoir avalé des pommes de mancequoiquece
njouvçmentnefçrve d 'ordi - nilier, des galeres , & autres choies venaire
qu'à les étoufl-er p lutôt , & à les nimeufes qui ayent corrompu fa chair,
cmpecher de donner beaucoup d'exerci- & caufé ces accidens au Capucin
çeaupêcheur,àquicelanemanqueroit On dit que les pêcheurs qui vont fuipas
d'arriver, flellesfçavoientfefervir le bancdeter r e neuve appellent¿"îî^Sîde
leurs forces. , , Içs Morue s d'une grandeur extraor-
J e crois que ce poiflbn eft le même dinaire.Suppofé que mon idée f o i t j u f l e
que celui que les Anglois appellent Vieil- Sequela Vieille des Jfles foitune efpece
k s Femmes ; cependant comme les Au- de Morue, je doute qu'il fe foit jamais
teurs n'en font pas une delcript ion bien pris des San^orum de la taille Se du'
ejça£te, je ne veux rien aflwet là-deflus. poids dçs Vieilles que j'ai vû à la Gua-
QuoiquelachairdelaVieillefoitex - deloupe.
celiente, étant mangée fraîche, il eft A propos d e Vieilles,. nos pêcheurs
pourtant certam qu'elle eft plus délicate furent un jour à deux doigts de fe perquand
on la mange après qu'elle a été dre pour un de ces poiflbns Pendant
couverte de gros lei pendant cinq ou qu'ils le tiroient à bord de leur canot,
lix heures. On fe fert ordinairement un Requi n vint fort inci,vilement les dé^
de la tete pour faire de:la.foupe, ou charger d'une partie du fardeau qu'ils tipour
mettre au bleu , le refte du corps roient ,.en coupant en d e u x , 8c emporle
met a toutes fortes de faufles 6c de tant la moitiédela Vieillequ'ilsavoient
ragoucs, 8c également bien; ce qu'el- pris. Nos pêcheurss'étant piquez de cile
a de meilleur, eft qu'elle ne dégou- vilité, lui jetterent le refte des entrailles,
te j am^ s , 8c que bien qu'elle foit fort delà Vieille attachéà un hameçon enclanourriflanre
, die eft de très-facile di- védansune chaîne de f e r , à Textremité
geftion, pourvu qu'elle foit bien cuite; delaquelleily avoit une bonne 8c forte „
car qusnd cette condition lui manque ligne, dont le bout étoit amaré à l'avant T Z "
d l e e f t d a n g e r c u f e , d u m o i n s a c e q u ' o n du canot. Ils avoient encore felon la coudi
dans les Ifle^ rume une mafl^e de fer de fept ou huit
J ai connu un Capucin notnme le P e re livres, dont le manche eft aflez lone
Raphael, qui pour en avoir mangé d'u- pour atteindre,fraper 8c étourdir la bête,,
quand: