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570 NOUVEAUX VOY
fes parties en mouvement, lâns danger
de faire exhaler la meilleure partie de
fon huile, comme il ne manque jamais
d'arriver quand il eft trop brûlé. Auifi
remarquons-nous qu'il demande bien
plus de fuere que celui qui eft trop bmlé j
marque intaillible que fon huile n'eft pas
confommée , ôc que fa fubftance eft
dans fon entier.
On le travaille fur la pierre avec foin,
Se on ne neglige rien pour rendre la
pâte très-fine, & trcs-delicate.
• Soit qu'on le faiTepourleconfommer
dans le pais, ou pour l'envoier en Eu-,
rope, on n'y met jamais ni fuere, ni
épiceries. Le mufque, l'ambre ôc la
-vanille en font toûjours bannis. On
doit croire que ce »'eft ni le défaut de
ces drogues, ni leur cherté quien empêche
l'ufage; car on fçait ailezqu'il y
a peu de gens au monde qui fe falTenc
plus honneur de leur bien que nos lafulaires
; mais l'expérience qu'ils ont que
ces drogues changent entièrement la nature
du chocolat, & que d'une des
meilleures chofes du monde, elles en
font une des plus mauvaifes & des plus
dangereufes, de forte qu'ils fe contentent
de joindre au fuere qu'ils y mettent,
en le diifolvant, tant d'eau chaude, tant
foit peu de canelle en poudre, avec une
très-petite pointe de gerofle, comme
j e l'expliquerai ci-après.
On dit que les Efpagnols à l'incitation
des Indiens mettent de l'achiotte,
autrement durocou, dans leur chocolat
pour lui donner une couleur rouge. Je
doute que cela foit, à moins qu'ils ne
•mêlent cette couleur à mefure qu'ils
veulent s'en fervir : carj'ai vû bien des
fois du chocolat de la nouvelle Efpagne,
qui très^affurément n'étoit point rouge,
mais bien noir. J'en ai vû compofer
étant à Cadis , & je n'y ai point vû
msctre cette drogue j peut-être que cek
A G E S AUX ISLES
fe faifoit du tems J e Colmenero, Sc d«
Thomas Gage, oîi les gens étoient encore
aiTez fimples, pour donner dans
toutes lesidéetdes medecins j mais comme
»n fe^ fait fage à fes dépens, après
qu'on a été fouvent trompé, il eft à
croire que les Indiens & les Efpasnols
font revenus enfin de leurs préjugez en
faveur desmedecins, & qu'ils ont abandonné
une pratique qui tout au moins
...etoit tres-mutile, pour ne pas dire quelque
chofe de pis. On a vû parce que
j'ai écrit du rocou dans ma premiere
:iartie, que de quelque raaniere qu'on
le faiTe, il ne peut jamais avoir qu'une
odeur fort defagréable & quant à la couleur
qu'il donneroit au chocolat, il eft
certain qu'il y en faudroit mettre confiderablement,
pour qu'il l'emportât fur
la noirceur duCacaotrûlé au point qu'ils
le brûlent, puifque tout le mondeconvient
que le noirabforbe toutes les couleurs.
On avance quelque chofe de plus raifonnable,
quand on dit qu'ils mêlent
l'atolle avec leur ch ocolat. L'atolle eft
une cfpece de lait, fait avec les grains
de mahis ou bled d'Inde, lorfqu'ils font
encore fi tendres qu'ils fe fondent en lait
pour peu qu'on les preiTe. Cette compofition
ne peut être que très-nouriffante
j & s'il eft vrai que le mahis foit
rafraichiiTant, je ne puis defapprouver
cette manière, fur tout pour les Efpagnols,
dont la façon de vivre, & la
couleur de leur peau, marquent qu'ils
ont un extrême befoin d'être rafraîchis.
Il me femble qu'il eft auffi difficile de
trouver l'étimologie du nom de chocolat,
qu'il eft inutile delà fçavoir $ ce que
les Autheurs en difent fait pitié. Il eft
conftamment vrai que les Efpagnols en
ont trouvé le nom, & l'ufage établi
chez les Indiens, & qu'ils n'ont fait autrechofc
que d'en répandre la connoiffance
Eh'iu-
Utieris
V leur s
moulimtSi
F R A N C O I S E DE
fence & Tufage dans; les autres parties
du monde,après l'avoir rendu plus agréable
au goût ÔC à l'odorat qu'il n'étoit
auparavant.
Le vaiiTeau dont on fe fert pour faire
Ife chocolat s'appelle chocolatière, comme
on appelle caffetiere celui dont on;
fe fert pour le caffé. Il eft trop-connu
pour que je m'arrête à en faire la defcriptioni
on en fait d'argent, de cuivre
étamé, de fer blanc, & de terre. Ces
derniers ne valient rien , parce que
quand ils font une fois échauffez, ils
pouflent fans ceiTe la liqueur en boiiillons
qui la répandent dehors , fans
donner le tems de faire agir le mouT
linet pour la faire mouiferj ceux d'argent
ou de cuivre étamé peuvent y être
plus propres, pourvû qu'ils n'aient
pas un gros ventre, comme ils ont ordì--
nai rement, ce qui donne trop d'étendue
àia matiere.Sc fait perdre la plus grande
partie de l'aûion du moulinet. On en
fait de fer blanc battu, qui coûtent peu,
qui fe nettoient aifément, & qui durent
aifez long-tems, leur figure eft en cone
tronqué -, on en fait de plufieurs grandeurs,
ceux qui contiennent huit à dix
taffes, comme j'enfeignerai ci-après de
le taire, ont environ huit poûces de haur
teur, trois poûces de diamètre par le
haut 8c quatre par le bas.
Le moulinet doit être d'un bois dur j .
on fe fert de boiiis en France, nous en
avons aux liles une infinité qui y font
propres i on lui donne à trois ou quatre
lignes moins que le diametre du haut de
la chocolatière, & environ trois poûces
de hauteur i on lui fait plufieurs
hachures aiTez, profondes qui le font
reifembler à Une pomme de,pin, afin
que ces. inégalitez aident à divifer davantage
la matiere & la réduire en mouffe,
Scoiimetau-deifusdelapommeune
plaque ronde de même diametre qui fert
S L'AMERICLUE. 371
à tirer la mouiTe à mefure qu'on emplit
lestafles. La pomme eft jointe à un manche
, comme une hampe de treize à quatorze
poûces de longueur & de fix a
fept lignes de diametre, de même boisj
il doit être rond & bien uni, afin de
ne pas bleifer les paulmes des mains,
lorfqu'on le remue, &qu'onlefaittourner
dans la chocolatière.
Ç^and on manque d'ouvriers pour
faire un moulinet au tour, il n'y a qu'à
choifir une morceau de bois rond de la
longueur & de la grofleur que je viens
de dire, £c appliquer à un bout deux
petites planchettes bien minces qui fe
croilent en entrant dans les'deux fentes
que l'on a fait au bout du bâton, avec
une petite plaque ronde par deiTus > c'eft
unmoulinet bien-tôt tait 8c fans dépenfe.
Cet inftrument eft abfolument neceffaire
pour ieparer les parties de la pâte
qui auroient peine à fe diiToudre dans
la liqueur. On le remue fortement dans
la chocolatière , en le tournant entre les'
paulmes des deux mains que l'on tient
étendues. Ce mouvement acheve non
feulement de faire diflbudre les parties
de la pâte j mais ce qui eft plus confiderable,
il réduit la liqueur en mouiTe
plus ou moins épaifle fe on la bonté du
chocolat r car il eft conftant que plus
la pâte eft graife, huileufe 8c fraîche,
8c qu'elle a été bien travaillée fur la
pierre, plus elle produit de mouiTe,
dont l'extrême delicateile Sc la legereté
font la plus grande partie de la bonté
du chocolat.-
Il y a des gens qui negligentde faire
mouiTer le chocolat, & qui Sr'imaginent
qu'il fuffit que la pâte foit bien délaiée
dans la liqueur, 8c qu'elle l'ait rendue
épaifle. Je ne fçaurois laieux comparer ^^¡¡^
ces fortes ' de gens qu'à ceux qui ne ,és du
mettent point de différence entre un pain ¿»»ci».
leger Sc bien levé, 8c un autre gras-"'"^-
cuit.
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