1703
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N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
trois ou quatre coups avant que les ennemis
fuflènt hors de portée. Le Gouverneur
revint fur le foir , & parut
fort Content de la maniere dont nosbatterics
avoicnt été fervics, & de la bonne
volonté que les habitans avoient témoigné.
L e lundi 29. k Flotte ennemie fe
raproclia deterre, endefcendantdu côté
de riflet à Goyaves, elle étoit toute
raiTcmblce, & les chaloupes pleines de
monde, dcforte que nous crûmes qu'ils
vouloient faire leur defcente à l 'Ance à
la barque, comme ils avoient fait dans
k guerre precedente. Monfîeur le Gouverneur
s'avança jufqu'au fond des habitans,
& fit prendre le devant au Major
avec les enfans perdus, les Negres
armez & la compagnie dePillet à Goyaves
; il lui ordonna de fe tenir fur le
haut du Morne de l 'Ance à la barque.
J e pris avec moi un nombre de Negi-es
qu'on avoit commandé avec des haches
& des fcrpes, & je fis couper les arbres
par tout le chemin & es fentiers
qui defceiident dans le fond de cette Ance,
lefquels étant déjà très-difficile par
eux-mêmes, devenoient tout-à-fait impratiquables
par ces abbatis. Les ennemis
nous voïant fixes à demeurer fur
la hauteur de cette Ance, & beaucoup de
Troupes dans le fond des habitans, repris
rent le large.
L e Gouverneur, IcLieutenant de R o i
& les Volontaires fe retirèrent au Bourg
de la BaiTeterre. Je demeurai avec leMajor
Se les T roupes au fond des habitans.
L e Pere Vincent Capucin qui en étoit
Curé nous donna à fouper, c'eft-à-dire
au Major, à quelques Officiers de fes
amis Se à moi. Les habitans du quartier
apportèrent genereufement des vivres en
abondance pour les Troupes qui s'accommoderenc
comme elles purent dans
les corpi degarde k dans les maifonsles
FRA NCOI SES D
plus voifinesdu bord de la mer , après 170^
qu'on eut établi des gardes & des patrouilles,
6c qu'on eut envoié quelques
canots armez pour obferver les mouvcmens
des ennemis.
L e mardi 20. environ deux heures
avant le jour, nos canots de garde nous
avertirent que la Flotte reportoit à terre ,
6c qu'elle s'étendoit du côté de Goyaves,
comme elle avoit fait le jour précèdent.
Onenvoia un Cavalier en donner
avis au Gouverneur, & l'avertir
qu'en attendant fes ordres nous allions
occuper nos poiles du jour précèdent.
On fit déjeûner les Troupes, 6c nous
nous rendîmes à nos poftcs un peu après
lelcverdufoleil, Jevifitaiavec le Major
les avenues de certains petits fentiers de
l'Ance à la barque & de k riviere Beaugendre,
où j e fis encore abbatre des arbres
pour les embarrafler, après quoi
nous demeurâmes en repos attendant ce
que les ennemis feroient.
L e Gouverneur nous manda de nous
tenir- dans nos poftes, fans permettre
à perfonne de defcendre dans l'Ance à
k barque, de crainte que quelqu'un ne
fut enlevé par les ennemis, dont le deffein
paroiiToit être de nous attirer du
côté de Goyaves, afin de nous couper
en faifant une defcente derriere nous ,
ou de faire des prifonniers, pour fçavoir
des nouvelles, 6c avoir des guides
pour les conduire dans les hauteurs. Il
ordonna encore au Major d'envoïer un
Officier du quartier de Goyaves avec
quatre ou cinq hommes par les chemins
des hauteurs les plus fürs 6c les moins
fréquentez, afin de vifiter ce quartier-là,
6c faire fortir des maifons ceux qui pourroient
y êtrereftez, 6c les obliger de
fe retiter fur le champ dans les hauteurs.
Les ennemis continuèrent à s'appracber
de terre çns'étendant depuis l'Ance
à
1703. à k barque jufqu'à celle de Goyaves j
mais nous voïant immobiles dans nos
poftes, 6c que toutes leurs feintes n'é-
• i toient pas capables de nous attirer plus
,j loin, i firent defcendre quatre ou cinq
cent hommes dans l'Ance de Goyaves
fur les trois heures après midi. L'Officier
qu'on avoit envoié le matin étoit
fur k hauteur où le presbitcrre efl: b â t i ,
il obfervoit les ennemis avec fes gens 6c
trois ou quatre Negres armez qu'il avoit
rencontré} il vit que les Anglois ne trouvant
perfonne qui leur fit rcfiftance,
s'étoient débandez pour piller les maifons
qui étoient autour de l'Eglife : il
crut qu'il en pourroit prendre quelqu'un;
il difperfa fa petite Troupe qui n'ctoit
que dix hommes, de deux endeux, leur
dit ce qu'ils avoient à faire, 6c leur ordonna
fur toutes chofes de ne tirer que
l'un après l'autre, à coup fur, 6c fans
s'engager.
A peine avoit-il fait cette difpofition
qu'il vit un gros de quarante à cinquante
hommes qui montoit au presbitcrre;
il attendit qu'ils fuiTent à moitié
de k hauteur dans un coude que fait le
chemin, parce que dans cettefituation
ils lui préfentoient le côtéj il fit figne
de tirer à deux de fes gens, qui tirerent
fijufte, qu'ils jetterent par terre
chacun fon homme. Les Ai:glois firent
volte face, 6c dans ce moment il partit
deux autres coups qui eurent un pareil
fuccez ; les fix autres tirèrent l'un
après l'autre, 6c prefque auffiheureusement,
pas un coup ne fut perdu. Les
Anglois qui ne voïoient perfonne, parce
que nos gens étoient gabionnez derrière
les An- des arbres, prirent le parti de faire leurs
jWjî;./-décharges vers les endroits d'où le feu
ctnàmt^ étoit forti, 6c montèrent le refte du
•r« Morne le plus vite qu'il leur fût poffittràcnt
ble jufqu'au presbiterre: mais nos gens
¿«w»-s'étoient déjà retirez plus haut 6c les
E L'AMERIQ^UE. gpp
eanardoient autant de fois qu'il en trouvoient
l'occafion. Le presbiterre qui
étoit de maçonnerie les mit a couvert
des infultes de nos gens, ils y entrèrent,
s'y repoferent, pillèrent ce qu'il
y avoit, 6c y mirent le feu: en fe retirant
ils laiiferent une vingtaine de leur»
gens à couvert du bâtiment qui brûloir,
dans l^efperanceque ceux qui les avoient
inquiétez, les croiant partis, viendroient
Jour éteindre le feu 6c tomber oient dans
eurembufcade. L'Officier qui s'endout
o i t , leslaiiTa fe chauflFer tranquillement
jufqu'à ce qu'aiant fait un aiTez-grand
tour, il vint avec fon monde derriere
une haïe d'orangers à trente pas du
presbiterre, d'où il fit une décharge qui
tua quatre Anglois, 6c fit dénicher les
autres bien vite. Ceux qui étoient demeurez
au bas au Morne mirent le feu
à l 'Egl i fe, au corps degarde 6c aux mai- Hs hrU^
ions des environs, 6c fe rembarquèrent Um l'Efur
le foir. Il nous fut facile de voir ^
l'incendie de Goyaves de k hauteur où 'r
nous étions. LeGouverneurnousy vint/»«^''
omdrçi il témoigna être fâché contre
'Officier qu'on avoit envoié à Goyaves
qui avoit entamé une affaire malgré k
défence qu'on lui avoit faite , 6c fit fembknt
de le vouloir envoïer aux arrêts j
nous le priâmes de lui pardonner, 6c il
le fit d'autant plus facilement, qu'il n'étoit
pas fâché que les Anglois euiTent connu
par ce petit échantillon à qui ils auroient
à faire, 6c de quelle maniéré on
agiroit avec eux. Il nelaiikpasdedireà
l'Officier que dans la rigueur de kdifciphne
militaire il meritoit une fevere punition
j mais qu'il avoit montré trop de
conduite, pour ne le pas louer du fuccès
de fon entreprife. Le Gouverneur s'en
retourna après cela, 6c m'emmena avec
lui, kiiîhntleMajoroùnousavionscouché
k nuit précédente avec les mêmes
ordres.
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