•fi
( '!• •
ft'.'
574 NOUVEAUX VOY
dre les parties du Cacao 6c du fucre -, mais
principalement pour la faire bienmouffer}
lorfque toute l'eau eit dans la chocolatiei
e, ôc qu'on a bien fait agir le moulinet
, on la met au feu, oîi on la laille
jufqu'à ce que l'écume ou la moufle
foit prête à pafler par deiTus. On la retire
pour lors, 6c on fait marcher fortement
le moulinet, afin que cette moufle
qui eil la partie la plus huileufe du Cacao,
fe répande bien par toute la liqueur
& la rende également bonne à la fin
comme au commencement. On remet
la chocolatière au feu, 6c on a foin de
faire agir le moulinet quand la maticre
venant à boiiillir, veut s'élever par deffus
la chocolatière j onlalaiiTe prendre
quelques boiiillons, afin de lui donner
une cuiiTon raifonnable, ôcon la retire
du feu i pour lors on fait agir le moulin
e t ; & à mefure que l'ecume s'amaiîe
en haut, on la fait tomber doucement
dans les taffes à l'aide de la petite plaque
ronde qui eil au deflLs de la pomme. On
agite ainfi la matière pour la réduire tout
en moufle, du moins autant qu'il eftpoffible,
6c enfuitc on parcage dans toutes
les tafles le peu de liqueur qui relie dans
la chocolatière.
Marques Plus le chocolat eil frais 6c bien préiu
cho- paré, 6c plus il produit de moufle> elle
des plantanes ou autres arbres fruitiers
autour, parce qu'il croît parfaitement
bien fous leur ombre: il faut outre cela
retrancher le pied des rejettons qui
l'empêcheroient de s'élever, bien nettoier
la place des mauvaifes herbes .
^¿Zen^ 6c fi legere qu'une tafle contenant plus
d'un demi feptier ne doit pas pcfer trois
onces.
Quand on veut mettre un tiers ou un
quart de lait avec l'eau, il n'eil pas neceffaire
d'y mettre d'oeuf , ni défaire boiiillir
l'eau 6c le lait avant de les mettre dans
la chocolatière, il fuflît que l'eau foit
bien chaude j on fait le relie comme je
viens de le marquer.
Il y a des gens qui au lieu de mettre la
chocolatière fur le feu,la mettent au bainmarie,
prétendant que cela rendlecho-
AGES AUX ISLES
colat plus délicat} j'en ai pris plufieurs
tois de cette maniéré fans y avoir trouvé
de difference fenfible d'avec celui qui
avoit été fait fimplement fur le feu.Tout
ce qu'il faut éviter, eil qu'il fente la fumée,
6c pour cela il ellplus apropos de
lefiure fur un feu de charbon ou de brail
e , dans un petit fourneau, ou fur un
rechaux, que dans la cheminée 6c à un
reu de bois.
C'eft une vérité con liante, 6c dont tou t
le monde peut s'afl^rer par les épreuves
qu'on en peut faire, que le chocolat
fait de cette maniéré eil d'une délicatefle
6c d'une bonté qui palFerimagi- •
nation. Heilleger 6ctrês-nourrifl-ant,il
loutient dans le travail lorfqu'on le prend
a jeun j 6c fi on le prend après le repas,
Il aide a la digeftion. En un mo t , c'eft
un aliment tellement propre à toutes fortes
de temperamens, que tous ceux qui
en ufent avec difcretion s'en trouvent
bien, 6c leur eilomach s'y accoûtume
tellement, qu'il a de la peine à s'en paffer,
6c qu'il femble préférer celui-là feul
a tous les autres alimens.
A u refteil ne faut pas s'imaginer que
l'ufage journalier du chocolat foit une
deçenfefort confiderable}. il m'cfl: fort
aifé au contraire de montrer que c'eft
une veritable épargne; je ne parle pas
de la prefente année 1720. où leschofes
de toute efpece font à un prix exceffif,
car elle ne doit pas faire de regie ; je
parle des années ordinaires les unes portant
les autres, où l'on peut avoir la
pâtede Cacao à vingt-cinq fols la hvre,
6c même à beaucoup moins, puifque
le Roi aréduit les droits d'entrée du Cacao
à deux fols par livre; 6c que la livre
de bon fucre en pain ne doit valoir que
1 4 ou i f fols. Celafuppofé il ne faut
pour huit tafles de chocolat que deux
onces de pâte, qui reviendront à trois
fols, 6c trois onces de fucre à deux fols
fix
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE. 37;
fix derniers, il ne faut pas pour fix de- du monde, dont on vient de nous donniers
de canelle, 6c pour un oeuf ou un ner la T raduél ionFrançoi f e imprimée à
poiflbndelaiton peut mettre encore fix Paris en fix volumes in la. chez Etien- timdû
deniers ; ce qui fait en tout fix fols fix de- ne Ganeau en 1719. La defcription que caca»
niers ou fept fols; de forte que quand on cet Auteur fait du Cacao eft trop finmettroitencoreurifolpourlefeujils'en
guliere pour ne la mettre ici tout au
fuivroit que la taffe de chocolat ne re- long.
viendroit qu'à un fol, 6c que quand un Le Cacao, dit le Sieur Careri, doit
homme occupé à quelque travail que ce tenir le premier rang entre les plantes
puifle être,feroit obligé de prendre deux des Indes, tant pour l'utilité qu'il raptafles
de chocolat le matin, il ne dléép"'e"n"-- porte à fes —maît-r es, q—u e pour être déferoit
que deux fols, 6c foûtiendroitt bien venu l'ingrédient d'une boiflbn, dont
mieux le travail, que s'il avoit pris du prefque tout le monde fe fert, & qui
pain 6c du vin qui lui auroient coûté bien eft fort agréable, fur tout aux Efpagnols.
davantage. ^ . ^
Cette dépenfe feroit encore moindre fi
on achetoit le Cacao, 6c qu'on le fit brûler
6c travailler chez foy; 6c qu'au lieu
de fucre en pain, qui eft toûjours plus
cher, on fe contenta de prendre de bonne
caflbnnade qui feroit le même effet 6c
feroit à bien meilleur marché.
O n femc le Cacao dans une terre chaude
6c humide, fon oeil en haut, 6c bien
couvert de terre : il paroît-au bout de
i j - j o u r s , 6c eft deux ans à croître de
la hauteur de trois palmes; alors on
le tranfplante en l'arrachant avec toute
la terre qui couvre fes racines ; on le
met enfuite en alignement à 18 pal-
J'avoiie que le chocolat préparé de la mes loin l'un de l'autre, 6c une efpece
maniéré que je viens de dire, eft un peu d'échalas à chacun pour le fupporter, 6c
pluslong6cplus difficile à faire , 6c qu'il
démande un peu plus de fujettion : mais
outre qu'on y eft bien-tôt accoûtumé,
peut-on nier que cette petite fatigue ne
foit bien recompenfée par la délicateffe,
8c la bonté que l'on y trouve. Il n'y a _
qu'à comparer celui-ci,avec celui qu'on prendre garde que la plante ne fouffre
fait à la maniéré ordinaire pour être du froid, du trop d'eau 6c de certains vers
bien-tôt perfuadé de la vérité que j'a- qui ont coûtume d'y venir; au bout de
cinq ans elle devient épaiiTe comme le
vanee.
Il y a un grand nombre d'Autheurs poing, haute de fept palmes, 6craportc
qui parlent du Cacao, 6c du Chocolat du fruit. Ses feiiilles font femblables^ à
quien eft compofé. Beaucoup n'ont fait celles du chataignier, mais un peu plus
qu'effleurer la matiere, d'autres en ont étroites; la fleur croît par tout fur le
parlé fur le rapport d'autrui; 6c après
avoir été trompez, ils ont trompé les
autres;6c d'autres enfin en ont parlé comme
les aveugles-nez parlent des couleurs.
Je veux bien par honnêteté mettre dans
cette derniere claffe le Sieur Gemelli Careri
, Auteur Italien d'un voïage autour
tronc 6c fur les branches comme aux
jaffemins, mais à peine en refte-il la
quatrième partie ; il fort de la fleur un
petit épi , comme celui du bled des Indes,
de couleur verdatre quand il n'eft
pas meur, 6c lorfqu'il l'eft, de couleur
de chataigne , ôc quelquefois jaune ,
B b b z blanc
' 1 : : %
lÊii