i7oj.
I f i
i n
47A NOUVEAUX VOY
kiíTei- la plus grande partie à terre, à
la garde des oifeaux, donE cette Ille ell
quelquefois toute couverte.
Cettenouvelle prife fît prendre d'autres
mefures à nos gens} ils avoient refolu
d'aller en droiture à Saint Chriilophle
mettre nos deux Dames à terre, 8c
recevoir, ficelaétoit poiEble, l'argent
dont on étoic convenu avec e l les, pour
le prix de leurs Efclaves. Ils demandèrent
au Capitaine de la barque 6c de la
caiche, s'i s vouloient racheter cedernier
bâtiment avec tout ce dont on le
pourroit charger ; ils en convinrent,mais
commeils n'avoient pas de credit à Saint
C h f i f l o p h l e , & que nos gens ne vouloient
point aller à Nieves, ni à Antigües
, ils refolurent d'aller à Saint Thomas,
où ilsétoient bien fürs de vendre
leur caiche & fa charge, ii les deux
Capitaines ne trouvoient pas là du cred
i t , pour payer la fomme dont onétoit
convenu avec eux.
Cependant nous donnâmesun couroi à
nôtre barque, & nous chargeâmes la
caiche j ony mit jufqu'aux mâts, verg
u e s , canons , aifffïû"ut sts, ,&& marchandifes,
dont nous ne pouvions , ou dont nous ne
jugeâmes pas à propos de nous charger.
Daniel mit dans la fiennc ce qu'il y avoit
de meilleardansle vaiiTeau échoi ié,com -
me argenterie, franges & galons d'or,
dentelles, rubans, toiles fines, bas de
foie & d'eftame, fatins, étoffes des Indes,
brocards, draps d'écarlatte, 5c autres,
iàns compter ce que nosgens jugèrent à
propos de s'approprier comme pillage.
Ils s'équipèrent de chapeaux,, plumets,
peruques, bas, rubans, & autres nipdes
d'utie maniere la plus plaifantc du
monde. C'étoit un plaifir de les voir en
caftor bordé avec un plumet magnifique,
une peruque, & un grand ruban or &
foie au col d'une chemife bleûe ou raiée,
, avec un calçon gaudronnéfans juf te-au-
A G E S AUX ISLES
corps, bas, ni fouliers. Ce n'eil pas i-po^j.
qu'ils n'euiîentpû s'accommoder plus re- ^ju/ie
gulierement ; mais l'ufage établi parmi
e u x , eft d'avoir toûjours leurs habillemens
dépareillez. J'en ai vû fouvent à
la Martinique, 6c autre part aller dans
lesruësavec unjuftc-au-corps galonné,
un chapeau bordé & un plumet, fans bas,
ni fouliers > d'autrefois des fouliers fans
bas, ou des bas fans fouliers.
Nous fçûmes par les Negres qu'o»
avoit enterré que ques cailles de marchandifes
fines, 6c de l'argenterie dans,
un endroit de l'Iile. Sur cette découverte
on refolutde confronter la fa£l:ur&
du vaifTeau avec l'inventaire de ce qu'on
avoit trouvé i 6c comme il fe trouvoic
de manque beaucoup de chofes de prix,
nôtreQuartier-maître dit à l 'Ecr ivain du'
vaifTeau, que s'il ne faifoit pas trouver
ce qui manquoit, on lui donneroit la
gêne à la maniéré de la Flibufte. La
peur lui fit tout découvrir, & on en
profita.
Enfin nôtre groiTe barque, & la caiche
étant chargées, 6c aiantprisdans la nôtre
tout ce qu'on y pouvoit mettre,
fans être hors d'état de combattre, nous
fifmes partir nôtre grolTe barque pour
k Martinique} on y oïit dix Flibuiliers
6c quatre Angloispour la conduire. On
mit quatorze Françoi s £c fix Angloisfur
la caiche, 6c tous bien munis de viandes
falées, detortuës en vie 6cboucannécs,
de vins de Madère 6c de Canarie, de j,
cidre 6c debierre. Nous mîmes àla voile jpsle
Mercredi 28. Janvier fur les neuf heud'Avta,
res du mat in, kiflant le vaiiTeau 6c quantité
des chofes ,dont on pouvoi t s'accommoder
, pour ceux qui pourroient y venir
après nous.
Nous prîmes la route del'Ifle à Crabes
, pour y laver nos étoffes 6c nos toiles,
6c les y faire fécher avant d'aller
à Saint Thomas, , où nous n'euffions pas
c a
F R A N C O I S E S DE L'A M E R î Q^U E . '47^
eu la même commodi té, parce qu'il n'y a jefuis fûr que fonmilieu cftplusdehuit
joint de rivieres, au lieu que I'lfle à Crajes
en efl: très-bien pourvûë. Il ne fe paffa
rien dans cette petite traverfeej nôtre
caiche pcfante 6c trop chargée nous obligeoit
d'avoir taiijour&nôtre grande voile
à mi maft. Pour furcroît de malheur,
nous eûmes i f k i 6 heures de calme par
le travers de Ste. Groixjde forte que nous
ne moiiillâmes à Boriquen, où l'Ifle à
Crabes, que le Samedi dernier jour de
Janvier, fiir le midi.
Mais avant de m'éloigner davantage de
r i i l e d ' A v e s , ileiljufte d'en dire ce que
_ 'en fçai, je m'y fuis aiTez promené pour
toifes au deffus du bord de la mer ; il y a
d e s r e c h i f s à l ' E f t , 6cauNord-Ef t , qui
avancent confidcrablement dans k mer 5
le reftc m'a paru affez ihin. Nous étions
moiiillez au Sud-Ouef t à demi-portée de
piftolet de terre, fur trois braffes & demie
de Jfond de fable blanc.
L e terrain de cette Ifle eft fabloneux
prefque par tout y fon milieu eft mêlé
de pierres, 6c d'une terr-e grife, que
les ordures des oifeauxengraiffent continuellement
î ils étoient fi fiers dans les
commencemensjqu'à peine fe vouloientils
donner la peine de fe remuer de leurs
a connoître; car,excepté 'équipage An- places pour nous laiffer paflêr y à force de
glois qui y a demeuré onze jours plus . es frequenter , Se de les corriger, ils
que moi,, je doute qu'il y ait des François
qui y aient fait un plus long fejour,
Scqui s'yfoient moins ennuiez que moi.
C e t t e l i l e q u i eft>parlesquinze degrez
6c demi de latitude Septentrionale, n'a
; )as plus de deux lieues en tout, ou au
)lus trois lieiies de tour. Elle a à
Oueft 6c au Nord-Oueft deux IfletS'
Difcrip- oùje n'ai pas été,^ qui en font éloignez quoique en échange il y ait plufieurs ma-
T i l i f ' ^^ ^ ' rn'ont pa.- res 6c petits étangs d'eau falée , ou plus
J^ves. comme dj es rochers /flie-.r iTle..s , cou- de demi falée, qui fervent de retraites
verts 6c tous blancs des ordures des oifeaux
qui s'y retirent. A la vûë ils peuventavoirun
quart delieùedetour. Ils
font joints à l'Ifle par des hauts fonds,parfemez
debrifans, qui le découvrent de
Baiîc-Mer, qui font remplis de Coquillages
6c de Gengembre, c'cft-à-dire,de petits
morceaux de chaux,arracher du fond
de l ame r , dont k fuper f ici e eft devenue
I
170Î4
devinrent plus polis , 6c nous avions à
k fin befoindufufil, pour nous familiarifer
avec eux, au lieu que le bâton,
ou les pierres fuffifoient dans les premiers
jours. Il eft inutile de chercher fur ce
rocher des ruiffeaux ou des- fontaines,
ou des mares pour conferverleseauxde
pluie,, tout cela y manque abfolumentjà
une infinité de gibier de mer. Je croi
pourtant que fi on fouilloit à cent cinquante,
ou deux cens pas du bord de la
mer, on pourroit fdre des puits dont
l'eau feroit potable} cependant il faut
avouer que ceux qui fe laiffent mourir
de foif dans de femblables endroi ts, font
de vrais innocens i puifqu'il eft certain,
qu'on trouve par tout de l'eau bonne à
unie, à force d'être roulez par les lames boire. Voici le moïcn de n'en pasmanfur
les roches du bord de lamer. Quoi- quer: faite avec k main ou une pelle
que cette Ifle, qui eft beaucoup plus un trou dans le fable, cinqou fix pieds
longue que large, neparoiffedeloinque au-deflùsde l'endroitoù vous préfumez jf'«»
comme un banc de fable, prefque de ni- que les plus greffes lames ne couvrent ^¿rX"
veau avec k furface de l'eau} elle pa- pas le terrain j vous n'aurez pas creufé ïeau
roit toute autre chofe, lor fqu'on eft def- huit dix ou douze poûces , que vous
£iis. Je ne l'ai pas mefuréc,. Se cependant trouverez l'eau j prenez cette premiere
P o o 3 eau
' H lili I
n
LTí Mht^T