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N O U V E A U X VOY
Î701. rendez-vous qu'il lui avoit donné.
L'Anglois qui le vit venir, leva l'ancre
, éventa fes voiles, & commença à
faire fes bordées, afin de gagner le vent.
Breart s'avança toûjours fans fe foucier
de lui laiiTer prendre cet avantage, 6c
comme fa Barque étoit une excellente
voiliere, il le joignit en peu de tems, &
lui paiTant fous le vent , qui étoitaflez
frais, il lui envoya une furieufe décharge
de tous fes Canons paiTez d'un bord ,
chargez de mitraille, & de balles de
moufquet, accompagnée de fa moufqueterie,
qui fût fî meurtriere, quel'Anglois
eut près de foixante hommes hors
de combat, fans qu'aucun des nôtres
eût une égratigneure. L'Anglois eut
obligation de ce défaftre au vent, dont il
avoit voulu avoir l'avantage, parce que
dans cette fituation, fes gens étoient découverts
depuis la tête jufqu'aux pieds;
comme ceux qui fçavent la marine le
voyent aifément, au lieu que les nôtres
étoient entièrement couverts. Breart retint
le vent , après cette bordée, il rechargea
, & fit un feu fi viffur les Anglois,
qu'il les obligea à la fin de fe
frife'dii gabionner fous leur gaillard, & enfin
Cor/aire d'amener leur pavillon dans letemsque
Breart leur alloit fauter à bord.
Nous n'eûmes que deux hommes tuez,
& neuf bleflez dans cette affaire, qui
ne dura pas une heure; au lieu que es
Anglois eurent près de cent hommes
tuez ou bleflez. Breart conduifit fa Prife
à la Martinique, oij l'on trouva qu'elle
étoit bien plus de confequence qu'on
ne l'avoit cru d'abord, parce que ce
Corfaire ayant fait quelques Prifes fur
nos François qui fe retiroient de Saint
Chriftophle , il avoit retiré l'argent
monnoyé, l'argenterie, & autres meubles
précieux, qui s'étoient trouvez dans
fes Prifes, 8c les avoit mis dansfonBâtiment,
A G E S AUX ISLES
Cette efpece de Duel fit grand bruit s-oi;
dans les liles.Il rabattit beaucoup la fierté
des Anglois, fit bien de l'honneur à
Breart, & lui procura une chaîne. Se
une médaille d 'or , que la Cour lui en- '
voya.
Nous eûmes dans ce même-tems un Trmtremblement
de terre, qui fe fie fentir ¿^'»f
d'une maniéré très-violente à la Martinique,
oil il caufa beaucoup de dommage.
Nôtre nouvelle Maifon, dont la
couverture de plomb étoit ouverte en
bien des endroits par la violente ardeur
du Soleil, étoit abandonnée, &nosPeres
étoient retournez loger dans l'ancien
Bâtiment, parce que la pluie tomboic
dans la neuve de tous côtez. Cela donnoit
lieu de craindre qu'elle nefuccombât
enfin aux fecoufles qu'elle reflentoit.
Cependant elle y refiila, & en fut quitte
3our fept ou huit fentes peu confîdera-
)les dans le haut, fans que le refte eût
le moindre dommage, quoique fesfondemens
comme je l'ai di t , n'euflent pas
cinq pieds de profondeur. Je connus
par-là combien il étoit bon de ne pas
creufer beaucoup dans ces fortes de terrains,
6c de quelle confequence il étoit
de faire de bons empatemens, 6c de ne
rien épagner pour le mortier 6c la liaifon.
Car il y eut bien des maifons qui
tombèrent dans tous les Quartiers de
r i f l e , quoiqu'à entendre parler les gens,
elles fuflent fondées bien plusfolidement
que la nôtre.
J'étois alors dans les bois de la Guadeloupe
à faire fcier des madriers pour
les affûts, 6c les plates-formes de nos
Batteries. Je m'étoisaflîs fur une racine
d'arbre, en difant mon Bréviaire, lorfque
je me fentis balancer affez doucement
, comme s'il me fût monté quelque
vapeur au cerveau, qui me fit branler
la tête. Je me levai aufli-tôt, 6c je
voulus marcher, pour difliper cette vapeur
"ïi,-, -4 ••
"'ift:
F R A N C O I S E S
D E L 'AMERIQUE. ^z f
1-01. peurprétendûë: cardepuis deux.ans j'y
' ctois fort fujet, 6cje n'y avois trouvé
d'autre remede, que de me faire faigner
tous les mois, ayant reconnu que cela ne
de la Guadeloupe, comme celui qui l'avoit
précédé quelques années auparavant,
quiluifit jetterune quantité prodigieufe
de cendres fouifrées , 6c de
contraint deme rafléoir aufli-tôt, 6c de
crier à mes Ouvriers de fauter en bas de
leurs chevalets, de peur de tomber,
m'étant apperçû dans le moment, que
c'étoit un tremblement de terre. Il ne
fut ni long, ni confiderable. On s'en
reflentit plus dn.ns les hauteurs, qu'au
bord de la mer, quoique pluficursBarques
6c les Vaifléaux qui étoient mouillez
à la Rade, ou qui étoient en mer
entre les deux Ifles lereilèntiflent fi vivement,
qu'ils crurent avoir touché,
ou que quelque Baleine avoit pafle fous
leur quille.
Il y avoit à quelque pas de l'endroit où
je fai fois travailler, les attelages de quatre
Cabroiiets, c'eft-à-dire, feizeBoeufs
que l'on avoit dételez, 6c attachez avec fon pouvoir qu'aux Religieux de fon
des liannes pour les laifler paître,_en Ordre. Il chargea le Pere Giraudet fon
~ Vice Préfet, Se Supérieur de la Miffion
de la Martinique, d'en faire la Publication,
6c vint à la Guadeloupe vers la
fin du mois de Septembre.
attendant qu'on pût charger les Cabroiiets
du bois que je voulois envoyer
au bord de la mer. Ces animaux fentirent
avant moi, les fecoufles de la terre.
Ils rompirent leurs liens, s'aflemblerent
en meuglant,6c montroientunefraïeur barraflante pour le Viee-Prefet, parcc
extrême, dont il nefutpas faciledeles
faire revenir après que le tremblement
fut fini. La même chofe étoit arrivée au
bord de la mer.
M'étant depuis informé fi on avoit
remarqué cette frayeur dans les animaux
à la Martinique, on m'aflûra que les
mouvemensextraordinaires qu'on remarqua
dans tous les animaux , excitoient
dans les efpritsdes hommes des mouvemens
encore plus éfrayans que ceux que
caufoit le tremblement de terre.
On ne remarqua point que celui-ci
fît de nouvelle ouverture à la Souphricre
Tom. IL
1701,
venoit que d'une trop grande abondan- pierres brûlées par l'ouverture qu'il y fit.
ce de fang. Je me levai donc, & jefus Ce qu'il produifit de meilleurfut
d'aider les Pafl;eurs à porter leurs Peuîles
à la penitence, pourgagner le Jubilé,
qui étoit alors ouvert par tout le
monde Chrétien.
Le Pere Cabaflon Prefet Apoftoîique,
6c Supérieur general de nos
Millions, que j'avois laiflé à,Saint Domingue,
avoit fait un voïage à Rome,
d'oii il revint à la Martinique dans
le moisdeMai: ilreçûtau moisd'Août
la Bulle du Jubilé,qu'ilavoitdemandce
avec un Bref, qui lui donnoit les pouvoirs
neceflaires, pour les publier, £c impofer
aux Fideles les conditions qu'il
jugeroit à propos, pour le leur faire
gagner. Ce Bi ef renfermoit la claufe ordinaire,
dene pouvoir communiquer
Cette Commiiîion n'étoit pas peu emque
les Miffions des différents Ordres
qui font aux Ifles, font indépendantes
les unes des autres, 6c ont une attention
finguliere de ne point laifler empieter fur
leur jurifdiébion, Le Pere Giraudet prévoyant
les difïicultez qu'on pourroit lui
faire, ne voulut rien entreprendre avant
d'en avoir conféré avec M. Robert Intendant
de Juftice, Police,Finances6c
Marine de Î'Amerjque Françoife. Ils
convinrent doncenfemble du tems, du
lieu, 6c des circonflances dontfcferoit
la Publication du Jubilé, après quoi ce
fagc, 6c pieux Magillrat parla aux Pe-
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