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Il ' f :
1700,
148 NOUVEAUX VOY
de ces méchans animaux. On voit des
couleuvres, qu'on appelle covrefles dans
le pais, mais elles ne font point venimeufesi
elles font même très-utiles, en
ce qu'elles font la guerre aux rats, & en
détruifent bien plus que les chats, auflî
ie garde-t'on bien de leur faire du mal.
Il y a à la Dominique des fer pens trèsgros
qu'on appelle têtes de chien, parce
qu'ils ont la tête groiTe, courte , &
ronde i ils n'ont point de venin, ils font
la guerre aux rats, 6c aux poules. Leur
:graiire eft excellente pour les douleurs
des jointures de quelques caufes qu'elles
puiflent venir ; on s'en fert auflî pour la
goûte, dont elle appaife les douleurs.
J'en ay parlé dans un autre endroit.
Nous moiiillâmes à Saint Vincent le
Samedy 14. Septembre fur le midi. Cette
Me paroît avoir 18. à zo. iieiies de
tour, elle eft par les i î . degrez de latitude
Nord. Son afpe£t n'a rien que de
fauvage 6c de défagreable. Elle eft fort
hachee, pleine de hautes montagnes ,
couvertes de,bois. Ojq voit à la vérité de
petits valons où il y a des défrichez dè
peu d'étendue au tour des riv ieres qui y
font en bon nombre. C'eft-là le centre
de la Republique Caraïbe : c'eft l'endroit
où les Sauvages font en plus grand
nombre, la Dominique n'en approche
pas. Outre les Sauvages, cettelile eft
encore peuplée d'un très-grand nombre
de Negres fugitifs., pour la plûpart de la
ö^mi Barbade, qui étant au Vent de Saint
rincent. Vincent donneaux fuyards toute lacommodité
pofiîbk de fe fauver des Habitations
de leurs maîtres dans des canots
ou fur des piperis ou radeaux, 6c defe
retirer parmi les Sauvages, les Caraïbes
les ramenoient autrefois à leurs-maîtres
lorfqu'ils étoient en paix avec eux, où
•bien ils les portoient aux François, où
aux Efpagnols, à qui ilsles vendoient.
Je ne fçai par quelle railon ils ont change
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SAUva-
¡csap.
pllee
Saint
AGES AUX ISLE s
gédemethode, & ce qui les a portez à les 17.00,
recevoir parmi eux, & à les regarder
comme ne faifantqu'yn mêmepeuple.Ils
s'en repentent à. préfènt très-fort, & ^X'ít
trèsrinutilement : car le nombre des ásai,,
N egres s' eft tel le ment accru ,ou par ceux '''"'«i
qui les font venus joindre de laBarbade,
ou qui font nez dans le pais, qu'il furpafle
de beaucoup celui des Caraïbes,
de forte qu'ils les ont contraints de pL.rtager
rifle avec eux, 6c de leur cederla
Cabefterre. Mais ce n'eft pas encore cela
qui chagrine le plus les Sauvages, c'eft
l'enlevement frequent de leurs femmes,
& de leurs filles, dont les Negres fefaifiilent
quand ils en ont befoin, Sc qu'il
n'eft pas poffible de retirer deleurs mains,
parce qu'étant plus braves, & en plus
grand nombre, ils ièmocquent des Ca-
Taibes, les maltraitent, & les obligeront
peut-être un jour d'aller chercher
une a.utr£ Ifle, fi tant eft qu'ils veulent
bien leurlaiiTer la liberté, & ne les faire
pas travailler pour eux comme leurs
efclaves, ce quipourroit bien arriver;
il femble qu'ils le prévoyent, & qu'ils
en ont peur. Ils fouffrent impatiemment
les outrages des Negres, ils feplaignent
hautement de leur ingratitude, & follicitent
fouvent les François, Scies Anglois
de les délivrer de ces Hôtes dangereux
, mais ils n'ont ofé jufqu'à prefent
prendre les armes, & fe joindre aux
Européens, qui ayant autant d'intérêt
qu'eux, de détruire cet afile de leurs efclaves
fugitifs les auroient puiiTam nent
aidez à fe délivrer de ces mauvais voifins.
J'ai fouvent entendu parler de cette
affaire; on a fouvent áiit des projets
d'armemens, pouraller enlever ces Nègres,
& les porter vendre aux Efpagnols
pour leurs mines : car il ne feroit pas à
propos de s'en fervir aux Ifles du Vent ,
on rifqueroit de les perdre bien-tôt par
une
F R A N C O I S E S D
, J7C0. une nouvelle fuïtc, & de les voir débaucher
ceux dont on fe fert aétuellemenc,
& qui ne penfent pas peut-être à fe fauver,,
faute de içavoir où trouver une
retraite. ; • . ,
Enfin l'annf'e derniere t/rg. :lcs:Ca^
raïbes aiantrcnouvelié leurs plaintes, Se
jromis de fe joindre aux François, M.
e Chevalier deFeuquieres General des
Mes propofa l'affaire daps un Confeil,-
où l'on dit qu'elle fut agréée plûtôtpar
refpeft pour celui qui la propofoit que
par aucune efperance d'un heureux fucçes.
Les SieursPoulain deGuervilleMajor
de la Martinique, 8c du Bucq Lieutenant
Colonel des Milices de la Cabefterre,
fe chargèrent de lever des gens
de bonne volonté, qu'ils devoient com^
Amqut mander pour cette expedition. • Ils crur
que cinq cent hommes fuffiroient,
rom de ^c partirent dans plufieurs Barques rems.
Vin- pIisd'efperance,parcequ'ilscomptoient
fur unepuillante diverfion que les Sauvages
devoient faire, & qui étoit abfolument
neceiTaire; mais ceux-ci fè tinrent
en repos, ils regardèrent le jeu tranquillement
fans s'en mêler, & quoique
ce fut autant pour leur avantage que
pour le nôtre qu'on avoit fait cette en-
, treprife, ils ne fe donnèrent pas le moindre
mouvement, de forte qu'elle échoiia.
-, Nous mîmes nos gens à terre, les Negres
fe retirèrent dans les montagnes, 8c
dans les endroits les plus difficiles, d'où
ils ne fortoientquelanuit, pourfemetire
en embufcade, & furprendre nos
gens. Cette maniere impertinente de faire
la guerre leur réùiTit parfaitement,
pas un d'eux ne fut pris, ils nous tuerent
bien du monde, Se entr'autres le Sieur
Poulain, de forte qu'on vit bien qu'il
falloit bien plus de gens qu'on nefe l'étoit
d'abord imaginé, pour venir a bout
de cette entreprife. On écrivit donc à la
Martinique, pour avoir du fecours, 6c
E L'AMERIQ^UE. 149
comme perfonne ne feprcfenta , on crut 1700;
qu'on devoit forcer les Negres libres,
qui font dans l'Ifle en allez bon nombre,
d'aller à cette expedition, mais ils le re- Si 'L
fuferent abfolument, 8c on ne fe crut pas i^'ntreenétat
ou en pouvoir de les y contraindre;
cependant le flux de fang fe mit
parmi nos gens, 8c obligea le Sieur du
Bucq de faire rembarquer fon monde,
& de s'en revenir. Heureux encore fi
Cette entreprife mal concertée n'attire
pas une guerre avec ces Negres longue,
8c cruelle, 8c qui peut-être très-pernicieufe
à la Colonie de la Grenade, 8c
encore plus à celle que l'on recommence
d'établir à Sainte Aloufie.
Il eft certain , qui fi les Sauvages
avoient pris les armes cantre les Negres,
"ceux-ci étoient perdus fans reflburce;
parce que les Caraïbes mêlez avec quelques
François les auroient attaquez par
les montagnes, auroient enlevez les femmes
8c les enfans qui y étoient retirez, 8c
obligé les hommes à quitter le centre de
riilè 8c les hauteurs dont on fe feroit d'abord
emparé, ce qui les auroit mis entre
les deux armées, 8c obligez defe rendre,
ou defe faire tous égorger. Ce qui
s'eft paiTé en cette occafion apprendra à
nos François à ne pas faire de pareilles
tentatives, fans prendre mieux leurs mefures,
8c fans avoir aflez de gens pour ië
pouvoir paifer des Caraïbes.
A peine nôtre Barque fut mouillée,
qu'elle fut remplie de Caraïbes 8c de
Negres, qui venoient nous voir, 8c nous
demander de l'Eau-de-vie. Tous ces
Meflieurs étoient rocoùez, c'eft-à-dire,
peints de rouge, avec une petite bande
de toile fur leurs parties du moins la plûpart.
Cet habillement uniforme n'empêche
pas qu'on ne diftingue aifément
es Caraïbes des Negres, ces derniers
ont les cheveux crefpus 8c fins comme
de la laine, au lieu que Içs Caraïbes les
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