i» NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
^ llllliri'ilii
1698. donné des preuves dans un grandnom
AHions d'occafions, & entr'autres à laprife
me va- deCartagcnei & 1' on Tçait ^ue toutes
les Troupes ayant été repouffées vivement
à l'attaqué du Fort delaBocachique,
lesNejgres qu'on avoit amenez de
Saint Domingue , l'attaquerent d'une
maniere fi hardie,& avec tant de vigueur,
qu'ils l'obligerent à fe rendre.
Ils ont conferve le Q^iartier du Prêcheur
, quand les Anglois attaquèrent le
Fort S. Pierre de la Martinique en 1(593.
Se ils les rellèrrerent tellement dans leur
Camp dece côté-là, qu'ils n'oferent jamais
s'en écarter, ni tenter de brûler Se
depiller le Quartier.
Ils firent parfaitement bien à la Guadeloupe
eni 70 3. oii l'on peut dire qu'ils
détruifirent plus d'ennemis que tout le
refte de nosTroupes .11 y avoit une Compagnie
de foixante Negres ou environ,
dont près de la moitié étoit de nôtre
Habitation. Un des nôtres tua un Officier
Anglois, qui étoit à la tête d'un
aiTez gros détachement, & foûtenudu
relie de fes compagnons; ils culbuterent
les ennemis, en tucrent un bon nombre,
rapportèrent deux tambours, trois hallebardes,
& quantité d'armes & d'habits j
6c nôtre Negre qui avoit tué l'Officier
Anglois, le dépoiiilla, & m'apporta fon
épée, fon efponton, & fon hauiTecol.
Quelques jours après ce Negre vintfe
îlaindre qu'un certain Officier François
ui avoit dit de lui apporter ces armes,
ou qu'autrement il le maltraiteroit j il
me di t , que fi cet Officier levoit la main
fur lui, il lui caiTeroit la tête tout comme
a un Anglois. Je lui défendis d'en venir
à cette extrémité, & lui promis de
parler à ce brave. En effet l'ayant trouvé
chez le Gouverneur, je lui dis de ne pas
fonger aux armes Angloifes , dont il
avoit envie, que s'il en vouloir, iln'avoit
qu'à fairecomme-k Negre qui me
les avoir apportées, & fur tout qu'il ne
fe mît pas en devoir de le maltraiter, '
1 r- ° ' parce que je Gonnoiflbis le Negre fort
Z t ' ^ Troupes ayant ete repouffees vive- refoiu à ne rien fouffrir. Il fuivit mon
i • ment alattaaueduFort delaRnrarlii- confeil avec beaucoup de fageire,&; bien
lui en prit.
On a vû par ce que j'ai dit de la nourriture,
que les Maîtres font obligez de
donner àleursEfcIavcs, qu'ils n'ont pas
de quoi faire grande chere. Heureux encore
fi leursMaîtrcsleurdonnoientexactement
ce qui eft porté parles Ordon-^'"'
nances du Roi:ilsnelaiffentpas cependant
de s'entretenir avec ce peu, en y
joignant les pois, les patates, les ignames,
les choux caraïbes, 6c autres fruits
de leurs jardins, les crabes 6c les grenouilles
qu'ils prennent, 6c furtoutlesi
figues & les bananes, dont leurs cafes
font toûjours très-bien pourvûës. Ils ne
tuent leurs volailles que quand ils font
malades, 6c leurs cochons que lorfqu'ils
font quelque feftin. Excepté ces deux
cas, ils les vendent, 6c employent l'argent
qu'ils en retirent.enpoiflbn 6c viande
falée, qui leur font plus de profit.
Le plus confîderable de leurs feftins r -
cil celui de leur mariage. Quoique le mark-
Maître y contribue beaucoup, cela ne g».
fuffiroit pas. Tous les Negres de l'Habitation,
6c tous ceux qui font invitez,
ne manquent pas d'apporter quelque
chofepourlefeilin, 6c pour taire un prefent
aux mariez.LesMaîtres leshabillent
de quelque belle toile ou étoffe legere,felon
fa libéralité, 6c le rang qu'ils tiennent
parmi les autres Efclavesi car il y a
delà diftinélion parmi eux, 6c ce n'eft
pas une petite affaire que la conclufion
d'une al iance,fur toutentre les Negres
Creolles: il faut bien des cérémonies
avant d'envenir-là. Outre le confente- !
ment du Maître, il faut avoir celuides
Parains 6c Maraines,de tous les parens 8c
des principaux amis des deux familles.
i l
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. M
tÔ'J^. Ilfautbienexaminers'ilsfontd'unenaif- ceux qui ne les^connorffent pas. '«ySfance
égale; de maniéré que la fille d'un Quelques-uns de nos Religieux nou-
Commandeur,oud'unouvrier,nevou- vellementarrivez de France, me deman- tent
S pas époufcr le fils d'un Negre de derent fi les jeunes Negres qui nous fer-.«i«-
iardiiTc'eft-à-dire, qui travaille fimple- voient a table connoiffoient les monment
à la terre, & ainfi des autres dégrez noyés} je leur dis, qu'ils pouvoient s en
quileur tiennent lieu de Nobleffe. Les éclaircirpaseux-memes.Ilss adreff^-ent
Negres nouveaux ne font pas fi difficiles, juftement aceluiqm me fervmt, 6c Iw
6c on les contente à moindre frais. Ce- prefenterent un fol marque. 11 le prit, le
pendant de quelque maniéré que ce foit, tourna deux ou trois fois, comme s il
il eft de la prudence des Maîtres de ne n'eût pas fçû ce que c'etoit, 6c le leur
"• • rendit avec une indifference queje connus
les point violenter fur cet article, de
peur des fuites fâcheufes que cela peut
bien être des plus affedée. NosPeprudence
avoir. res crurent qu'i ne connoiflbit pas la
Jjj nat-
Dès quelesNegres fe trouvent mal, monnoye. Un d'eux lui prefenta une
„entpa, ils fe bandent la tête,) fe font fuer, 6c ne piece de trente fols qu'il prit auffi-tot,
i« her- boivent que de l'eau chaude. Il eft rare ÔC faifant une profonde reverence a celui
.. d'en trouver qui mangent des herbes qui la lui avoit prenfenté, il la mit dans
crues, comme nous mangeons la falade, fa poche. Comment lui dit le Pere, tu
6cquelquesautreslegumes.llsdifentquc ne connois pas les fols marquez, 6c tu
cela n'eft bon que pour les boeufs 6c les prends les pieces de trente folsy c ' e f t , lui
chevaux, qui n'ont pas l'efprit de faire répondit le N e g r e , que les fols marquez
cuire leurs herbes.
J'avois pris à la maifon un petit Negre
de fept à huit ans, pour l'inftruire
peu à peu, 6c le mettre en état de fervir
quelqu'un de nos Curez quand il feroit
plus âgé. Il regardoit avec étonnement
quand je mangeois de la falade, 6c difoit
;res,
que je mangeois comme
i.
11 fut affez long-tems fans
aux autres,les cKevaux.en vouloir manger, difant toûjours qu'il
n'étoit n'y boeuf, n'y cheval. A la fin
enayant mangé,ôc l'ayant trouvé bonne,
il s'en vint tout joyeux me dire, mon
Pere, j'ai mangé de l'herbe comme un
cheval, tout comme vous. Voilà lafimplicité
d'un enfant, 6c elle pourroit être
encore la même dans un Negre nouveau
venu d'Afrique, mais ils la perdent
bien-tôt, 6c deviennent pour le moins
auffi rafinez que les Blancs, à moins
que leurs petits intérêts ne les obligent
de fe contrefaire , 6c d'affeéler
une fimplicité extraordinaire avec
font trop petits.
Il ne faut rien épargner pour les faire
vivre en paix les uns avec les autres nonfeulement
dans ^l'Habitation où ils font
attachez, mais encore avec les Negres
des voifins, parce qu'étant comme je l'ai p-esfmt
remarqué ci-devant fort orgueilleux, ils
font par une fuite neceffaire extrêmement
vindicatifs.
Il eft prefque impoffible d'apaifer leurs
querelles quand ils ont une fois commencé
à fe battre, il faut que les Maîtres
s'attendent à voir recommencer tous les
jours ces defordres, dont ils ne doivent
pas efperer devoir la fin, s'ils laiffent un
peu inveterer la haine.
Nôtre Habitation du Fond Saint Jac- mfioïrt
ques de la Martinique nous avoit été /«r
donnée par M. Duparquet, Seigneur 6c
Propriétaire de l'ifle j 6c comme lui 6c
toute fa maifon avoient beaucoup de bonté
pour nôtre Miffion, il voulut nous,
établir auprès de lui , en nous donnant