iiîif K...
" Ï
-'liiii.
IV '' '' • -il i
l^^îâiMi • M
at!!
1^6 N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
$700, Gouverneur François deS. Chriftophle
étoit l'arbitre de la Na t ion Angloife. Je
ne fçai comment la fortune s'eit iaiïee de
iiousfavorifer} mais nous fûmes chaflèz
d e l ' I i l e en 1690. On peut voir ce que
j ' en ai dit ci-devant en parlant de M . de
ia Guarigue.
LaBafleterre Angloife eft plus montagneufe
que la nôtre. LeurCabefterre
& la nôtre font à peu près femblables.
Mais comme ils ont plus de montagnes
<jue nous , ils ont auifi plus de rivieres,
êc par une fuite neceflaire leur rade eft
meilleure que celle que nous avons devant
nôtre Bourg principal. La rade des Anglois,
qu'on appelle Amplement la grande
rade, eft profonde, l'encrage y eft
b o n , & comme elle eft formée par les
deux cuillês delagrande montagne, elle
donne quelque abri aux Vaifleaux. Avec
tout cela, ni eux, ni nous , n'avons aucun
endroit pour les retirer dans le tems
des ouragans.
¿f Les Anglois ont un Fort au-dciîbus
lagran- de la grande rade, il eft à cinq Battions
diRade. avec quelques dehors. Il eft commandé
d'une hauteur à côté de la Souphriere,
Ce pofte à toujours fervi à prendre le
F o r t , c'eft ce qui a obligé les Anglois
depuis qu'ils l'ont repris en 1690.de con-
" ftruire un Fortin fur cette hauteur , afin
de conferver plus long-tems leur principale
FortereiTe. Autant que j'en puis juger
en paflant, & en m'arrétant exprès,
fous prétexte de voir une Sucrerie qui
en eft voifine, on feroit bien-tôt maître
de ce Fort in, parce qu'on le peut battre
d'une autre hauteur, qui n'en eft pas à
deux cent pas, & pendant qu'on le battroit,
on pourroit attacher le mineur fous
fes petits ouvragés, & les faire fauter avec
d'autant plus de facilité, que tout ce terrain
fe coupe prefque aulîi aifément que
de la ponce.
Un peu au-delà de la riviere qui ferré
»{iiii pare le Quartier Anglois du Quaitier
François appellé la pointe de Sable, nous 1700;
vîmes un petit For t à Etoile, que nous de u
trouvâmes aflez bien reparé. Les Ouvra-
|es avoient plus de propreté que de foidité.
Il n'auroit pas été befoin de faire
de grands efforts pour s'en rendre maître.
Il y avoit une Garnifon d'une Compagnie
détachée de la Marine.
11 y avoit un For t à côté du Bourg de Fort
la BaiTeterre tout délabré. J e l'aliai voir, ^'•"«f
ce n'a jamais été grand chofe^ cependant b a
il me parut qu'on auroit pu le rendre n ! "
meilleur, & avec aflez peu de dépenfe
& de travail, & qu'on en auroit tiré
plus de fervice que des retranchemens
que le Sieur Binoît faifoit faire autour du
Bourg, qui n'étoient pas capables de la
moindre défenfe, n'y de demeurer fur
pied, feulement trois mois, quand ils
n'auroient eu d'autres ennemis que la
pluye, les crabes, & les tourlouroux.
Aufli n'étoient-ils compofez que de méchans
piquets de toutes fortes de bois
mois, avec desfafcines d 'herbes , pour
empêcher le fable & la ponce dont ils
étoient remplis de fe répandre des deux
côtez.
i l eft certain que rien au monde n'eft
plus inutile que ces fortes d'Ouvrages,
qui ne fervent qu'à fatiguer les Habitans,
& confumer le tems de leurs Efclavespar
des corvées qu'on exige d'eux,
& trés-fouvent de prétextes aux Commandans,
pour exercer leur mauvaife h umeur
fur ceux qui ont le malheur de leur
déplaire.
L ' I f l e de S. Chriftophle ne fe peut
maintenir dans un tems de Gue r r e , que
par la bonne conduite de fon Gouverneur,
ôc la bravoure de fes Habitans.
Les Troupes reglées que le Roi y entretenoit
autrefois fuppléoient au petit
nombre des Habitans , 6c on pouvoir
compter fur elles, parce que c'étoient des
Bataillons entiers des vieux Regimens de
France, comme de Navarre, deNormani
^ o o .
Salines-
& Soitphrieri
de. S.
Chrlftophk.
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ^UE, l E f
mandie, de Poitou 6c autres, dont les
Soldats étoient aguerris, Se avoient fait
pluiîeursCampagnes en Europe, 8cqui
étoient commandez par des Officiers
d'experience & de fervice: au lieu que les
détachemens de la Marine qui y font à
prefent ne font compofez que de mauvaifes
recrûës que les Officiers levent à
leurs dépens, en échange duBrevet qu'on
leur donne.
On peut encore ajoûter que les Officiers
ôcCommandans n'aïant jamais fervi
que fur les VaiiTeaux,font dans un païs qui
leur eft inconnu, quand ils fe trouvent
fur terre : il eft vrai qu'ils ont du coeur,
de l'intrépidité autant qu'on en peut defirer
, mais cela ne fuffit pas, il faut de l'experience,
& c'eft ce qui leur manque.
Les Anglois ne font pas mieux que
nous en Soldats 6c en Officiers i il eft vrai
qu'ils nous fiirpaiTent en nombr e , 6c que
la iîtuation deS.Chriftoph-le au milieu
des Ifles Angloifês, leur donne la facilité
de la fecourir fans peine quand ileft necef-
&ire} au lieu que nous fommes privez
de cet avantage par l'éloignement db
nos Mes.
Il y a des falines naturelles àla pointe
, qui en porte le n om, qu'on pourroit
augmenter fans beaucoup de dépenfe, 6c
rendre meilleures qu'elles ne font. Le fel
qu'elles produifent eft parfaitement
blanc; Il eft plus coiTofîf que celui de
France. Je ne doute pas qu'on ne put
corriger ce défaut, fî on vouloir s'en
donner la peine. Les falines font communes
aux deux Nations quoiquelles
foient dans la partie Françoife, comme
la Souphriere Teft pareillement ,. bien
qu'elle foit dans la partie Angloife.
Comme cette lile avoit été la premiere
habitée, fes Habitans avoient eu
plus de tems que les aun-es à fe décraffer,
6c ils étoient devenus fi polis- Se fî,
«ivik, qu'on auroit eu de la peine à t rouvei
plu5 dé goliceiTa dans. meilleures.
Villes d 'Europe. De forte qu'on difoit en 1701?^
proverbe, que la NoblelTe étoit à Saint
Chriftophle, les Bourgeois à la Guadeloupe
, les Soldats à la Martinique, 6c
les Païfans à la Grenade. Les choies font
à prefent bien changées.Les richefl^sont
amené la politeile, la magnificencele
bon goût à la Ma r t inique , fes Habitans
fans cefTer d'être braves, font devenus infiniment
polis, les familles de S. Cbri^
ftophle qui s'y font établies après leur
déroute n'ont pas peu contribué à cet
heureux changement,. 6c la quantité de
NoblefTe qui s'y eft retirée, jointe au foin
que les Habitans ont pris de faire élever
leurs enfans à Paris, oii ils. n'épargnent
rien pour leur donner une bonne éducation
, ont rendu cette file la plus floriffanteCoionie
que laFrance ait jamais eue.
L'airde S. Chriftophle eft très-pur, ce CreolUf
qui fait que le fang y eft très-beau, le ^
teint des femmes eftadmirable, 6c leurs phf^"'
ti-aits fort reguliers ; l'un 6c l'autre fexe ^
eft plein d 'efpr i t , 6c de vivacité. Ils font
tous parfaitement bienfaits, 6c cela eft
commun à tous lesCreollesde l'AmeriqueFrançoife
6c Angloife, oiiileftaufîi
rare de trouver desboflus, des borgnes,,
6cdes boiteux naturellement, qu'il eft
ordinaire d'en voir en Europe,, 6c fus?
tout à Orleans.
L e bon goût des Habitans de S». Chriftophle
fe remarquoitdans la diftribution-.
du terrain dé leurs Habitations. Quoiqu'il
n'y eût qu'environ un an qu'ils fuf -
ftnt rentrez dans leurs biens quand nousarrivâmes,
6c qu'ils les euiTent trouvez
dans le dernier défordre,,nous les trouvâmes
aufîî propres,,6c auffi-bien entretenus
que s'ils n'en, fuflent point fortis.
Il eft vrai que les maifons aïant été démolies
ou brûlées par les Anglois,, n'étoient
pas encore reparées entierementj,
mais ce qui étoit rétabli,, étoit propre 6c
bien entendu il y avoit déjà beaucoup^
plus d t maifons fur giedi dans le Bourg „
qu'il
î
•1 ••
• li--
I