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N O U V E A U X VOY
1703. Compagnie du Sieur Sain.
M I L I C E S DES SAINTES.
Capitaine, le Sieur Portail.
Lieutenant, le Sieur Riviere.
Enfeigiie, le Sieur la Pichauderie.
Hommes 60
Compagnie d'Enfans perdus.
Capitaine, le Siour le Févre le Manchot .
LieutLnant, L Sieur Jolly.
Enfeigne, le Sieur Pcrier. Hommes j-(î
Compagnie de Negres.
Capitaine, la Perle,
Lieutenant, Haly.
Enleigne, Mmgauk,
Hommes. (jj,
Volontaires qui accompagnoientMoniïeur
le Gouverneur. 56
To t a l des Troupe s " 1 4 1 8
Comme nous manquions de Canoniers
, n'y en aïant qu'un entretenu
dans le Fort, & deux autres qui en
faifoient le métier afin d'être exempts
de guet , de garde & de corvées, ce
qui ne fuffifoit pas pour fervir nôtre
Artillerie : Monileur Auger trouva
moïen d'engager deux Canoniers d'un
vaiiTeau Nantois qui étoit dans les abîmes
du Petit Cul de Sac, pour venir
fervir au F o r t , à condition d'être payez
comme Canoniers des vaiiTeaux du Roi ,
& d'êtrerécompenfez commeFiibulhers
s'ils venoient à être eltropiez , de la
maniéré que je l'ai dit dans ma premiere
partie.
J e croi qu'on fera bien-aife de connoître
les (.officiers qui nous command
o i r n t ; je neprétenspas pourtant faire
leurs portraits, car je ne fuis pas aiTez
habile peintre, mais je les connois tous
fi p.ufaucment , que je croi qu'on pourra
s'en rapporter à ce que j 'en vais dire.
Mmfie^r Auger Gouverneur de la
âZJ. Gi^adcloupe & enfuite de S. Domingue
étoit Creolie de S. Chriftophle,
A G E S AUX ISLES
fil^s d'un Officier très-riche de la même im\
Jlie} fa mere étoit de Dieppe, ellcdevoit
avoir été très-belle , puifqu'cllc
avoit ete choifie pour repréfenter le
principal perfonnage de la Fête de la
My-Aouft. Monfieur Auger avoit démeure
quelques années à Malte où le
Commandeur de Poincy l'avoit envoie
pour apprendre le métier de k guerre} -
il avoit fait quelques campagnes fur les
galeres de la Religion, & il s'y étoic
acquis de la réputation. En revenant aux
JiJes avec fa mere ils eurent le malheur
d etre pris par un corfaire de Salé, Sc
quoiqu'il cachât avec foin fon bien Se
la naiiîance, il auroic eu tout le tems,
de s'ennuier dans cet efclavage , fi ua
tavon duRoi deMaroc qu'on avoit gagné
a force d'argenti n'eut enfin obtenu leur
h b e r t e , moyennant cinq ou fix mille
ecus. Il avoit un frcre aîné qui avoir
l e r n en F rance, & que le Commandeur
de S. Laurent avoit fait connoître à
la cour en l'envoyant porter au Roi les
IJrapeaux qu'on avoit pris fur les Anglois
lorfqu'on leschaiTa de cette] île en
1666. Ces deux freres s'étoient trouvez
a 1 attaque des Mes de Nieves, de S
Luiiache, d'Antigues, deTabac,&à
quelques expéditions contre les Efpagnols
i ils avoient donné en toutes ces
occaiions des marques d'une veritable valeur.
Le Marquis de Maintenon d'Angennes
qui avoit le Gouvernement de
Marie-galante, propofa à Monfieur Auger
l'ainé de lui donner fa foeur en manage,
& de lui ceder fon Gouvernement
qui lui tiendroitlieude dot j (car cette
liluitre famille étoit infiniment mieux
partagee du côté de la Noble/Te que de
celui de la fortune.)Pendant qu'on attendoit
a l'Amerique Mademoifelle Louïfe
d Angcnnespourl'executiondeceTrait
e , Monfieur Auger mourut} de forte
que quand clic arriva, elle trouva fon
fu^
I703'
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE.
futur Epoux au tombeau. Le remede exécuter les ordres qu'il avoit reçu,
qu'il y eut à cela, fut de la marier au
cadet qui efl: celui dont je dois parler
ici, qui en héritant des biens de fon frere,
hérita en même-tems de fa femme &
de fon gouvernement.
Monfieur Auger étoit âgé de yj . à
5*8. ans en cette année 170 3 .il étoit d'une
moyenne taille, allez fournie, il avoit
les yeux bleus, la bouche grande, le
nez mediocre, la forme du vifage plate,
la phyfionomie peu heureufe, les cheveux
mêlez} & quoiqu'il eut le devant
de la tête prefque chauve, il ne pouvoit
fe refoudre à porter la peruque. Ils'habilloit
proprement & très-fimplement,
il étoit vif & colere; & quoiqu'il prit
beaucoup fur lui pour témoigner de la
modération, le feu qui lui montoit au
vifage faifoit connoître fon émotion j
& d'ailleurs il avoit le vifage fort rouge
& couperofé} il étoit aiTez facile
à fe laiiTer prévenir, & on difoit qu'il
revenort difficilement des impreffions
qu'il avoit prifes, 6c qu'il ne fçavoitce
que c'étoit que pardonner. Quant à ce
dernier point je puis affiirer le contraire,
parce que j'ai vû une infinité de
fois qu'il auroit pû maltraiter des gens
qui l'avoient offlnfé, & je craignois
même pour euxj cependant il ne s'en
vangeoit que par les mépris qu'il en
faifoit, ou en leur faifam du bien. 11
étoit naturellement porté à la magnificence
, mais la perte de fes biens à
Saint Chriftophle, à Marie galante &à
Dieppe, où grand nombre de maifons
qu'i avoit dans cette ville avoiem été
ruinées parle bombardement,étoit caufe
qu'il fe retranchoit un peu, quoique
d'ailleurs on ne s'aperçû t point de cette
économie quand' il étoit queftiondepa.-
roître; il étoit brave Scintrépideautant
qu'on le peut être; plus propre à obéir
qu'à commander, 5c ilfçavoit auffi-bien
17037
qu'il fçavoit peu en donner aux autres,
& prendre fon parti dans l'occafion i
Il étoit lent à écrire 8c n'en écrivoit
pas mieux pour cela. Du refte il étoïc
très-bon Chrétien, fort réglé dans fes
moeurs, fort refervé dans fes difcours,
f o r t f o b r e , bon ami, zélé au de-là de
l'imagination pour le fervice de fon
Prince 5 ext r êmement poli & civil,quelquefois
jufqu'à l'excez. Il n'avoit qu'un
fils qui étoit le plus beau Creolie qui
fut forti deslfies, c'eiè beaucoup dire.
Je l'ai vu à mon retour en Europe Capitaine
de Cavalerie dans leRegiment
de Roi , quoiqu'il.fut encore fort jeune.
N ô t r e Lieutenant de Roi Monfieur de
la Malmaifon étoit Champenois j après
avoir fervi quelques années en France
dans l'Infanterie, une affaire d'honneur
l'obligea de pafler aux Mes, où aiant
continué de fervir, le Roi le fit fon
Lieutenant au Gouvernement de laGuadeloupe.
C'étoitunhommede 48.35-0.
ans, d'une taille bien prife, quoique chargée
d'un peu trop d'embonpoint; il avoit
le vifage plein & la phyfionomie heureufe,
il étoit prompt & fe mettoit facilement
en colere i mais, commetous
les Champenois , il revenoit dans le
moment, ôcilétoitle meilleur homme
du monde, il avoit amaifé du bien aux m^
Mes; & comme il n'étoit point marié M(,l-
11 s'en faifoit honneur, tenoit une fort
bonne table, & il étoit d'un grand fecours
au Gouverneur pour partager les
dépenfes extraordinaires qu'il yavoit à
faire quand il venoit des vaiifeaux de
guerre ou autres occafions femblables j il
étoit brave fans oilentation, prenoit fon
parti fur le champ, fçavoit commander
& fe faire obéïr ; en un m o t , il avoit tout
ce qu'on demande dans un bon Officier,
& il en avoit donné des marques en
plufieurs rencontres & entre les autres
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