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¿38 NOUVEAUX VOY
Í7Pr. país des inventions, plutôt que des Let -
tres de Change, il propofa à M . du Caiîe
d engager tous ces gros Habitans à lui
donner, ou àlui preterchacunun Negre
Car difoit-i , le travail de leurs
Habitations ne fera pas diminué pour
un Negr e de moins , & quand j'en aurai
cinquante ou foixame, je ferai en état
de faire une bonne Habitation, & de
bien rétablir mes affaires.
M. du Gaffe :qui vouloit fe divertir,
propofa cet expédient à uncgroife compagnie,
qui mangeoit chez !uii& n'ayant
pas remarque qu'on fût d'humeur à
donner là-dedans, il dit au Gafcon, qu'il
t^alloit fonger à autre chofe, fans fe preffer
pourtant, parce que fa maifon étoit
toujours à fon fervicej qu'il lui confeil-
Joit feulement de bien choilirj & que
s'il avoit inclination pour le mariage,
un Gentilhomme ne manquoit jamais de
trouver des avantages confiderables dans
le pais.
_ Cette ouverture plût au Gafcon, il
fe mit en campagne, ilcherchaj ildéçouyrit,
& refolut de tenter fortune. Il
dit à M. du Calle, qu'il avoit trouvé un
nid, quel'oiicau feroit peut-être difficile
à furprendrcj mais que comptant fur
fa protection, il efperoi t en venir à bout.
Cet oifeau étoit une vieille veuve
Diepoife, qui avoit eu la dépoiiille de
fix ou fept maris} & fon nid étoit une
belle Habitation, bien fournie de Negres,
& de tout ce qui peut faire eftimer
une perfonneriche. Elle étoit entre
l'Efterre & le petit Cul-de-Sac.
L e Gafcon ayant bien medité fon
deífein, partit revêtu de fes plus beaux
tabics, monté fur un Cheval de M . du
Calfe. Il paila devant cette Habitation
environ le tems dudinéj il y entra fous
prétexte de fe mettre à couvert d'un
grain de pluye, il jfit fon complimenta
la vieille d'une maniere qui lui fit d'au-
A G E S AUX ISLES
tant plus de plaifir, qu'il y avoit long- ij,
tems qu'elle n'avoit entendu rien de fi
fpirituel. Elle le retint à dîner felon la
coûtume. Pendant qu'on fut à table, il
ne manqua pas de lui faire fa cour tout
de fon mieux j & il remarqua avec joïe,
que fesmaniérés ne déplaifoient pas à la
vieille. Il demanda fon Cheval quelque
tems après qu'on fût forti de table, ÔC
paifant à la cuifine fous quelque pré-r
texte, il diftribua quelque argent aux
Domeftiques, qui furent d'abord dans
fes intérêts.
La vieille apperçût qu'il oublioitfes
bottes en montant à cheval, ( car on
doit croire qu'il s'étoit fait débotter
avant defemetter à table, ) elle l'en fit
fouvemirj mais il lui répondit qu'il laiffoit
chez elle bien autre chofe que des
bottes, & qu'il doutoit qu'il pût jamais
le reprendre. La vieille entendit ce qu'il
vouloit dire, & s'en fçût bon gré. II
partit, & fut coucher fousquelqu'autrc
p r é t p t e chez un Habitant à deux lieiies
de-là. Il ne manqua pas de revenir le
lendemain à pareille heure qu'il étoit
venu le jour précèdent. Les Domeftiques,
que fa libéralité avoitgagnez,fe
preilerent d'avertir leur Maîtrefi'e de fon
arrivée, & de prendre fon Cheval: il
entra en même-tems où étoit la Dame,
& après l'avoir faluéei Madame, lu»
dit-il, ne croyez pas que je fois venu
pour reprendre ce que je laifi'ai hier chez
vous, il n'efl; plus à moi , vous en êtes
la maîtreife pour toûjours. La vieille
croyant ou feignant de croire qu'il parloit
de fes bottes, le remercia, Scluidit,
que cela n'étoit point à fon ufage ; Sc
fur le champ dit à une fervante de les
rapporter. Mais le Gafcon lui di t , qu'il
pes'agiiFoit pas de bottes, que c'étoit
fon coeur qu'il avoit laiifé chez elle}
qui s'y trouvoit fi bien, qu'il n'y avoit
pas d'apparence qu'il en voulût fortir,
. Se
F R A N C O I S E S DK
I noi. ^ cela étant ainfi, il étoitjuflequF''iil
I s'arrêtât où fon coeur avoit fixé fa demeure.
Il continua de l'entretenir fur ce
ton pendant le dîner, & pendant tout
L ' A M E RIQ.UE.
venir, il fe mit fur la porte de la maifon ilot,
avec un maître bâton à côté de lui. M.
Gourdin étant defcendu de Cheval , fut
1' ' j.-...... . un peu furpris de voir un homme ea-
1 après dîne. La nuit s'approchant la lonné , & en plumet fur la porte de fa
vieille lui dit, que quand il voudroit prétendue. Ils'approchacependantd'uon
lui ameneroit fon Cheval. Hé pour- ne maniéré foûmife.Mais le Gafcon haufquoi
faire, Madame, lui dit-il, mon fant la voix, que cherchez-vous, M.
coeur ne fortira point d'ici, il eit fait lui dit-il, à qui en voulez-vous? M lui
pourlevôtre,jetenteroisl'impoffiblc,fî répondit humblement le Marchand
je voulois les feparer. En bon François, Nantois, je fouhaite parler à Madame
Madame, continua-t-il, cela fignifie N N. A Madame NN. reprit le Gafque
j e vous aime, & jevous croi de t rop con, vous vous trompez -, c'eft à moi
bon gout , pour neme pasrendre le re- qu'ilfaut parler à prefent.Ne feriez-vous
crproque en devenant ma femme. Juf- point par hazard M. Gourdin ? Oiii M
qu ICI les douceurs du Gafcon avoient dit le Marchand, à vôtre fervice Oh
iait plaifir a la vieille i mais le mot de apprenez petit Marchand Nantois , que
mariage lui fit peur. Elle prit fon fe- Madame NN. eft faite pour un Genn
e u x , elle voulut même fe fâcher : le tilhomme comme moi , & non pas pour
^aicon fans fe demonter continua fes un Pocrin comme vous. Vous êtes M,
fleurettes, & juraenfin qu'il ne mettroit Gourdin , & voilà M. Bâton, ( prenant 1
p l e p i e d h o r s d e l a m a i i o n , q u ' i l n e f û t le bâton d'une main, & fon épée de
Ion mari. _ Paut r e , ) qui vous fignifie , que R vous
On foupa, & quoique la vieille parût avez jamais la hardieile de penfer à Ma- doZ
îin peu de mauvaife humeur , il ne lailfa dame N N . il vous brifera bras & jam-
5as de 1 entretenir de fon amour, & de besi Ôc fans autre compliment, il comlui
vouloir perfuader qu'elle l'aimoit, mença à le charger d'importance. L a T S
mais qu elle vouloit feulement garder vieille fortit pour empêcher le défordre
quelques mefures avant de le lui décla- mais M. Bâton qui continuoit toûiours
rer. Apres le fouper, il trouva une cham- fon a f t i o n , obligea M. Gourdin de s'enbre
prête, ou il fe retira après avoir fuïr du côté de fon Cheval, Le Nesrc
conduit la vieille dans la fienne, 6c lui qui le tenoit lâcha h bride, Ôts^enfuît
avoir fouhaite une bonne nuit. ' de peur d'avoirfi partde la diitrubution
lliçutparlesDomeftiques,qu'uncer- que fon Maître recevoit, leCheval en
J i n Marchand Nantois nommé Gour- fit autant, & M. Gourdin couroit après
dmfa,foitlamouraleurMaîtrefib,que tous les d eux , toûjours accompagne^ de
les chofes eto.ent fort avai^ees, & qu'il M. Bâton, jufqu'à ce que la iîtelTe dedevoit
venir la voir lelendèmain matin, fes jambes l'eût mishors de Ta fphere d e
11 conclut de cet avis, que la mauvaife' fon aftivité.
humeur où s'étoit trouvée la vieUle n'a-, Le Gafcon triomphant revrnt â petit
S t^i^r /-r expeditioi, & jettant le bâiolut
de fe debarraiTer de ce M. Gour- ton avec une poignée de monnoye, voilà:
r' . , o . ^ dit-il, poift le maître du bâton, car il
Le jour étant venu, & la Dame le-, eft juile derecompenièr ceux quionteU
j e e , ,1 entra en converfation avec elle part à la vengeance de Madame Puis
eaattendant M. Gourdin, Se l'ayant vû' s'adreflant à fa vieille qm étoTâchée,
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