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44i NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
Ï703. fi près qu'il n'avoit pû en trouver l'occafion}
qu'à la fin il s'étoic caché dans
ce trou, d'où il avoit vû paflêr plufieurs
fois ceux qui le cherchoient, 6c
que c'ctoit pour cela, & pour la crainte
des Nègres qu'il étoit demeuré iî longtems
iâns ofer en fortir. Il nous aflura
qu'il s'étoit trouvé à la revûë que l'on
avoit fait il n'y avoit que cinq jours,
& qu'il étoit proche du Major Général
qui avoit dit tout haut, en maudiiTant
j^cmirg cette entreprife, qu'ils avoient perdu de-
«r« i;«« cens foixante & quatre hommes, dont
«-V/w. plus de mille avoient été tuez, entre
Jefquels il y avoit trois Colonels, deux
Capitaines de vaifîeau, un jVIajor, &
vingt-fept Capitaines ou Lieutenans ou
autres Officiers, que le refte étoit mort
de maladie,
ou avoit deferté, ou avoit
été^pris prifonnierj à quoi ce Sergent
^oûtoit que lesvaiiTeaux Se les barques
¿toient remplis de malades & de bleifez.
Nous avions 76 de leurs deferteurs, &
35- prifonniersj ils amenerent avec eux
quinze ou feize de nos deferteurs Soldats
ou engagez, 6c environ 80 Negres.
Nous trouvâmes cinq canons de
fer dans leur batterie, & un dans la
place d'armes, mais rompus, & hors
d'état de fervir. Le feul canon qu'ils
laiiTerent entier fut celui de la Tour des
Jacobins, que nous trouvâmes au bord
de la mer.
Ils ont brûlé quatre Eglifes Paroiiîîales,
fçavoir celle de l'iflet à Goyaves,
desHabitans, du Baillif & de la Bailèterre,
la Chapelle du vieux Fort, celle
des Religieux de la Charité, & les deux
qui étoient fur nos deux Habitations}
vingt-neuf Sucreries, environ autant de
petites habitatipnSjleBourgdes habitans,
celui du Baillif, & ceux de S. François,
& de la BaiTe-Terre, les Couvens des
Capucins, des Carmes, des Religieux
de la Charité & le nôtre, & la maifoû
des Jefuites} ils n'ont laiiTé fur pied que
l'Eglife des Capucins, & celle des Jefuites.
On prétend que ces derniers
font redevab es de la confervation de
leur Eglife à un Colonel Catholique qui
y fut enterréj pour celle des Capucins
elle leur fervoit de magazin à poudre.
On peut dire que de part & d'autre
il y a eu de trés-grandes fautes. Le peu
d'expériencede nôtre Lieutenant Général,
& la mefintelligence qu'il y avoit
entre lui & nôtre Gouverneur, ont
mis plufieurs fois la Colonie & l'Ifle à
deux doigts de leur ruine} celle qui
étoit entre le Général Codrington, le
Commandant de la Flotte, Scies Colonels
les a empéché de profiter de nôtre
defordre ; de forte que fi nous nous devons
à nous mêmes une bonne partie de
nos maux, nous devons auffi la meilleur
partie de nôtre falut aux Anglois
qui étoient agitez des mêmes palfions que
nous.
Au refte il étoit tems qu'ils s'en allaffent;
nosHabitans commençoient a tomber
malades, 8c fur tout ladiifenteriequi
leur étoit caufée par l'eau de la Riviere
desGallions qui eft purgative, 6c par les
viandes fraîches dont la plûpartn'avoient
pas tant accoûtumé de fe nourrir que de
viande falée.
Le fang des bêtes que l'on tuoit, les
ordures, 6c les corps des Anglois qu'on
laiiToit fur la terre fans fepulture, engendrerent
une prodigieufe quantité de
groflès mouches vertes qui défoloient
les hommes 8c les chevaux, 8c qui gâtoient
les viandes auffi-tôt qu'elles s'étoient
pofées un inftantdelTus.Nous nous
trouvâmes prefque tous attaquez de
maux de gorge, avec des enflures aux levres
qui venoient du travail, 8c de la chaleur
à laquelle nous étions fans ceflc
CK-
1705:
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. 445
<703. expofé. Tout ce que cette irruption des que nos Negres m'apportoicnt des Dia-
Angloisproduifitde bon,fut que nôtre bles, qu'il nepouvoit concevoir queles
jeunefle qui avoit un peu peur du feiî au
commencement, s'y accoutuma fi bien,
qu'elle n'y faifoitplus la moindre attention,&
qu'elle y alloit auffi gaiement qu'à
la chafle. Tant il eft vrai que l'habitude
eft une fécondé nature, & qu'on fefait 8c lorfque je lui demandois des preuià
tout ce qu'on veut, dès qu'on lepra- ves de ce qu'il nous imputoit, il —
tique fouvent.
Après avoir vifité les batteries des
ennemis, 8c l'enceinte dont ils avoient
enfermé le Bourg, j,'entrai par hazard
dans une petite maifon au deiTous de la
place d'armes qui appartenoit àune bonne
devote, appellée des Guermaux, à
me
citoit aufli-tôt les Diables 8cles Diablotins
que nous mangions quelquefois enfemble.
On pourra fe fouvenir de ce que
j'ai dit de ces oifeaux dans la fécondé
partie de ces mémoires, que les Supérieurs
Ecclefiaftiqties qui font aux liles
ont déclaré être viandes maigres y après
avoir confulté fur cela tous les Efculapesdu
laquelle les Anglois n'avoient pas mis
le feu: apparament qu^un de leurs In- ^ . ^ ,
genieurs y avoit logé, car j'y trouvai les Chirurgiens, 8c Ifes'Apotiquaires;
des deiTeins 6c beaucoup de papiers, 8c mais quelque chofe que je pûs lui dire,
entre autres les plans de la plus grande pour lui faire voir que nous pouvions
partie de nos Retranchemens, ce qui manger ces oifeaux en toute fureté de
me fit plaifir. Je montai enfuite à nô- confcience, il revenoit toujours à dire
tre habitation du Marigot, ou jefoupai que les oifeaux qui s'accouploient, qui
avec un de nos Religieux, 6c unde nos pondoientdesoeufs,&quilescouvoient.
païs, je veux dire, les Medecins,.
Voifins, aux dépens de quelques Diables
.que j'avois amafle le matin, en entrant
dans le Bourg. Ces oifeaux en s'en retournant
à la montagne avoient été
éblouis de lagrande lumiere que jcttoient
tant de maifons qui brûloient, 6c ils
étoient tombez à terre, nevoiantplusà
fe conduire}, on en amafla plus de trois
cens de cette maniere.
ne devoient point être mis au rang des
poiiTons, 6c que par confequent nouspéchions
contreles loix del'EglifeRomaine,
en les mangeant les jours qu'elle
défend de manger de la chair} car enfin,-,
medifoit-il, qu'elle difference peut-onmettre
entre les Diables 8c les Canards,-
les Oyes, les Pluviers, les Fecafles
enfiles
- 1 — —] ' »av.. urtlid
Matreufis.
difputes que j'avois eu avec un leur figure 8c leur plumage, ou dansf/
ijo- de mes voifins de baraque,, pendant que leur nourriture ordinaire, ou dans les
nous étions au camp desGallions : c'c- lieux oii ils réfident toujours, 8c dont
toit le Sieur Thuillier Capitaine d'an ils ne s'éloignent que malgré eux, on
vaificaumarchand de Dieppe, qui s'é- ne trom-era rien qui les diftingue aflez
toit étabh à la Guadeloupepour lecom- eonfiderablement,pourquelcsunsfoient
merce de fes aflbciezj il étoit bonHu- poiflbn, & les autres chair } il paroit
guenot, homme de bien 8c fort fage. même, ajoûtoit-il, que les Canards, les
Comme nous nous entretenions tous les Sarcelles, les Becaifes, les Pluviers,
jours enfemble,.il me difoit toutes les fois & autres oifeaux femblables approchent
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n o f .
CatholiquesRomains fiflentun crime aux
Proteftans de manger de la viande tous
les jours fans diftindion, pendant qu'eux
mêmes en mangeoient les vendredis, les
famedis, 8c même pendant le Carêmej
les Sarcelles , êc tous lesautres oifeaux
CesDiaWes avoient été caufedeplu-aquatiques? Soit qu'on les regarde dans
lire Hirniiri»« niif
r-
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