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8 § N O U V E A U X VOYAGES AUX ISLES
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îfujçi toutes les Troupes de fon Gouvernement
au fieur de la Guarigue qui n'avoit
au-dciTus de lui, que le fieur de Poincy
Neveu du Seigneur de l'Ifle, qui étoit
Gouverneur particulier : caronneconnoiflbit
point encore alors dans les Ifles
les Lieutenans de Roi.
L e Bailly de Poincy étant mort vers
la fin de léôo. le Chevalier de Sales qui
lui fucceda, eut les mêmes égards pour
le fieur de la Guarigue j & comme il le
•connoiflbit pour un homme également
Î)rudent 8c brave , & qui d'ailleurs étoit
e premier Officier de fon Gouvernement
, il lui donna toute fa confiance,
& ne faifoit rien fans le confulter.
Tout le monde convient que ce fut
le fieur de la Guarigue qui eiiipcchaque
les Anglois ne furpriflent le Chevalier
de Sales, à la faveur des Concordats
d'une parfaite Neutralité qu'ils avoient
fignez tout recemment. Il connoiffoit
leur genie à fond, & fçavoit qu'ils ne voyoient
qu'avec une extrême jaloufie l'état
floriflant de la Colonie Françoife de
SiintChriftophle, & qu'ils mettroient
tout en ufage pour la détruire, lors qu'ils
croiroient le pouvoir faire. Il avertit le
Chevalier de Sales de ne fe point fier à
leurs belles paroles, & ayant fçûpar les
intelligences qu'il entretenoit chez eux,
lesmefures qu'ils prenoient, il engagea
M. de Sales de fe mettre en état, nonfeulement
de n'être pas furpris, mais de
les attaquer, dès qu on s apercevroit
qu'ils vouloient commencer la Guerre.
Pour bien entendre ce que je vais dire
de cette Guerre où le fieur de la Guarigue
s'eft acquis trop de gloire pour ne
lui pas rendre la juiticequi lui eft dûë,
il faut fe fouvenir de ce que j'ai dit dans
la Preface de ma première Partie, delà
iîtuation de l'Ifle de Saint Chriftophie,
& de la maniere dont elle eft partagée
entre les François Se les Anglois. Je le
répéterai ici en deux mots pour la coin- \
modité du Leéteur.
L'Ifle eft divifée en quatre Quartiers.
L a pointe de l 'Ef t , & celle de l'Oueft
forment les deux Quartiers François.
LesCôtesde l'Ifle qui regardent le Nor d
& le Sud font les deux Quartiers Anglois.
La petite riviere de la Pentecôte
auSud-Sud-Oueftfepare le Quartier de
la BafleterreFrançoife, delà BaiTeterre
Angloife. C'eft le Quartier principal 8c
le plus confiderabledes François, la refidence
du General, le Siege du Confeil,
l'endroit du plus grand Commerce : il
y avoit une petite Ville, & un Fort qui
n'a jamais valu grand choie, & qui a
toûjours é té fort negligé, la bravoure de
nos Infulaires leur ayant toûjours tenu
lieu de murailles & de fortereiTes. La
riviere de Cayonne à l'Eft Nord-d'Eft
fepare la même partie Françoife d'avec
la partie Angloife, qui eft au N o r d , Sç
qu'on appelle la Cabefterre Angloife.
C'eft dans cette partie Angloife qu'on
trouve la ravine de Nicleton ou à Cabrittes,
& le Quartier appellé les cinq
Combles, elle peut avoir trois lieues ou
environ de longueur, &fetermine àun
Cap 5c une Ravine auprès de laquelle
les François ont une efpece de Fortin
appellé leFor t Loiiis.C'eft àcetendroit
que commence la CabefterfeFrançoife,
qui regarde le Nord, d'environ trois
lieuè's & demie de tour, 8c qui finit à
un autre petit Fort fitué à la pointe de
Sable à l'Oueft où commence la BaiTeterre
Angloife. Les Angloisont auiïï un fiÉ
petit Fort en cet endroit, mais leur For - JÏ
tereiTe la plus confiderable eft à une lieuë
ou environ de la pointe de Sable au lieu
appellé la grande Rade. On la nomme
le Fort Charles. Les deux Quartiers
Anglois, c'cft-à-dire, celui de la Cabefterre
& de la Bafleterre fe communiquent
par un chemin qu'ils ont pratiqué,
au
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F R ANCOI S E S
D E L'AMERIQ.UE. Sp
au travers des bois & des montagnes ,
qui ibnt au centre de I'lflej mais lesQuartiers
François ne peuvent avoir de communication
que par les chemins ordinaires
qui font prés le bord de la mer, qui
font communs aux deux Nat ions, ¿equi
ceflent de l'être dès qu'elles font en guerr
e , auffi-bien que celui des bois & des
montagnes que les Anglois gardent exactement,
ôc fans beaucoup de peine dans
ces tems-la.
Cette connoiiTance fuppofée, il faut
fçavoir, que le R o i aïant declaré la Guerre
aux Anglois en 1666. ceux des Ifles
quin'avoient figné les Concordats d'ime
arfaite Neutralité que pour endormir
es François, & les furprcndre plus facilement,
firent venir des Troupes deNieves
, Antigües, Monfarrat, Se de S. Euftachc,
pour groflîr les leurs, & attaquer
les François avec plus d'avantage, &
les détruire entièrement.
En effet, on vit le Dimanche 10 Avril
1666. nombre de Barques & de Chalouppes
chargées deTroupes ôc de Milices
qui venoient de Nieves, & qui débarquèrent
à la grande Rade ; Se on fçût
que leColonelMorgan Gouverneur de
S. Euftache étoit venu joindre le Colonel
Wafts Gouverneur de la partie
Angloife de S. Chriftophie avec toutes
lesTroupes fic les Milices qu'il avoit pu
tirer de fon Gouvernement, entre lefquellesilyavoii
560 Boucaniers, furlefquels
il comptoit beaucoup.
. Ces renforts aïant beaucoup augmenté
lés Troupes Angloifes de S. Chriftophie,
déjà iupcrieurs aux François de la
même Ifle, le Colonel Waf t s ne manqua
pas dès le lendemain de faire marcher un
Corps confiderable vers la petite riviere
de la Pentecôte, Frontiere des François
.& des Anglois à la Bafleterre.
Le Chevalier de Sales en aïant avis,
s'y pòfta aufll avec les quatre Compa-
gnies de la Bafleterre, dont la Colonelle
commandée par le Sieur de la Guarigue,
en étoit une. Quoique ces Compagnies
ne fuflènt pas alors tout-à-fait fi nombreufes
qu'elles étoient quelques années
auparavant, il eft certain qu'elles faifoient
bien plus de monde que ne le marque
mon Confrere le Pere du Tertre
dans le quatriémeTome de fon Hiftoirc
jenerale des Antilles : il s'eft trompé en
beaucoup de chofes, 8c il paroît qu'il a
écrit fur des Mémoires qui lui ont été
envoyez par des gens que la paflîon 8c
l'intérêt conduifoient plutôt, que ledefir
de faire connoître la vérité à la pofterité.
J'ai demeuré trop long-tems furies lieux
pour n'être pas informé plusexaétement
que lui, de tout ce qui s'eft pafledans
cette Guerre, puifque j'ai vu quantité
de gens d'honneur & de probité, qui
y étoient prefens, 8c dont en casdebefoin,
je pourrois rapporter les témoignages,
qui m'ont rapporté avec fincerité,
fans paflîon, ôc fans intérêt, comment
les chofes fe font paflees, ainfi que je le
vais dire.
Les Anglois voïant que M. de Sales
avoit pofté fes Troupes le long de la
riviere de la Pentecôte, crurent qu'il
demeureroit en cet endroi t , qui lui étoit
aflez avantageux pour y foûtenir leurs
efforts, ou queceferoitpar-là qu'il déboucheroit,
s'il prenoit le parti de les
attaquer. Mais ce n'étoit nullement fon
defléin. Il ne demeura dans cepofte, que
jufqu'à la nuit > 8c auffi-tôt qu'elle fut
affez noire pour couvrir ces mouvemens,
il fit marcher toutes fes Troupes vers
Cayonne, à la referve d'un petit Corps
qu'il laiffa iiir cette Frontière, avec tous
les Tambours des Compagnies, leur
ordonnant de faire grand bruit, beaucoup
de feux, 8c quand il feroit jour,
bien des marches, ôc des contre-marches
, afin de perfuàder aux Anglois quç
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