• ..lit
H'
36X NOUVEAUX V O Y
de s'en défaire. Elles fe confervent tant
qu'on veuc fans fe gâter, pourveu que
le lieu où elles font gardées foit fee,
& qu'on les expofe au foleil deU» ou
trois fois l'année. Il efl: vrai que leur
bonté n'augmente pas à mcfurc qu'elles
vieilliilent, parce queleurhuile feconfomme
peu à peu y 6c que venant ainfi
à fe fecher, e les perdent la fubftance
& la vertu qu'elles avoient auparavant.
J'ai remarqué ci-devant que les coffes
renferment, fans y manquer prefque
jamais, vingt-cinq amandes, & j'ai
éprouvé pluiieurs fois qu'il faut environ
quatre cent amandes feches pour faire
le poids d'une livre. Cela fe doit entendre
du Cacao des Ifles, qui eft le
plus petit } il en faut moins à Saint
Domingue, Se à Couve ou Cuba, où
il eft plus gros î & il n'en faut pas
trois cent pour le Cacao de Caracque
qui eft le plus gros de tout: de forte
que feize coiTes produifent une livre
d'amandes feches j mais comme la pefanteur
du Cacao diminue au moins de
la moitié en fechant, huit cofles dbnnent
une livre d'amandes vertes.
Proâult J'ai VÛ des arbres chargez de deux
cent cinquante-deux cofles, & en particulier
j'en ai admiré de cette forte au
quartier du pain de fucre de la Martinique.
Il eft vrai que c'étoient des arbres
de vingt ans, grands, forts, en
crdinaire
des
Cacatt'un.
bonne terre,&bien à couvert du vent,
mais il eft rare d'en trouver de femblables.
Les habitans ne comptent leurs
récoltés que fur le pied d'une livre ou
une livre & demie par pied d'arbre à
la récolté de Noël, & d'une livre à
celle de la S.Jean, lorfque leurs arbres
ont depuis cinq ans jufqu'à huit}
après cela s'il n'arrive point d'accidens
aux arbres, qu'ils foient bien entretenus,
qu'ils trouvent une terre fraîche, profonde
& bien graiTe, ils en peuvent
efpercrdavantage, fur tout à la récolté
A G E S AUX rSLES
de Noël qui eft toujours meilleure que
celle de la S.Jean. La raifon de cette
diiFerence vient de la difference des
deux faifens que l'on trouve au» Mes j
c'eft-à-dire, delafaifonfeche, Sede celle
des pluies -, cette demiere commence
ordinairement dans le mois de Juillet,
Sc.finit.en Novembre, ou au commencement
de Decembr«. Ce que j'ai dit
ci-deflus fuffic pour faire comprendre
que les pluies font très-neceflaires aux
Cacaotiers, au lieu que la fecherefle
qui regne pour l'ordinaire depuis Noël
jufqu'à la S. Jean leur eft contraire.
_ Il eft certain que quand les Cacaotiers
ont trois ans Se demi ou quatre
ans, leurs branches, toûj ours fort chargées
de feiiilles,. couvrent toutl'efpace
qui_ eft entre eux y 6c que les feuilles
qu'ils quittent au commencement delà
faifon des pluies, 6c qu'ils reprennent
en même tems, Sc à- mefure qu'elles
tombent, font en aflez grande quantité,
pour occuper SC couvrir toute la terre Enw
aux environs, & empêcher par confe- tiendu
quent la produflion des herbes. Cependant
cela ne fuÉfitpasentierenient, parce
que la force de la terre, la chaleur Se
l'humidité du climat, en produifent
toujours malgré l'ombre S"cl lee s feuilles
qui la couvrent, en beaucoup moindre
quantité j je l'avoiie, mais toujours aiTez
pour nuire à la fin aux arbres, qui demandent
une extrême propreté, Scqui
veulent occuper feuls tout leur terrain.
De forte qu'il faut le repafler 5c le nettoier
de tems en tems.
Il faut encore avoir foin de réchauffer
les pieds des arbres, parce que les pluies
dégradent fans ceiTe, Sc emportent la
terre, fur tout dans les lieux qui font en
pente, Sc découvrent ainii les petites
racines, que j'ai dit quinefaifoientque
ferpentcr autour de 'arbre à deux ou
trois poûces en terre. Or ces racines ne
fgauroienc être expofées à l'air fans fe
fecher,
fl K'
F R A N C O I S E S DE L'A:MERI.CLUE;
fecher, & fans priver en même tems que vingt negres peuvent entretenir Se
l'arbre du fuc qu'elles lui portoient,
Se caiifer par confequent une dimmut
i o n confidcràble du fruit. C'eft donc
une neceiHté de les couvrir de bonne
terre, après avoir bien labouré tout au
tour, pour faciliter à la pluie Se à la
rofée le moien de pénétrer la terre Se
de les humeder.
On ne doit pas négliger de tailler les
bouts desbranches,foit qu'ils foientfecs,
foit pour les renouveller. Cela fe doit
faire après la récolté de la S. Jean, Sc
un peu avant le commencement des
pluies. Ceux qui entendent la culture
des arbres fruitiers, fçaventaflez la confequeiîce
de cette précaution, & combien
la negligence fur ce point-la eft
préjudiciable. LesEfpagnols, quoique
fort indolens, Sc fort parefleux, n'y manquent
jamaisi auiTi voit-on que leurs
cultiver cinquante mule pieds ae
caotiers, 3Be faife encore du manioc,
du mi l , .despois, des patates,, designa- Revtn»
mes Se .autres vivres beaucoup au de-
Iàde.ce:qu'ilcnfeut pourleurentretien.
Or css 50Q00. arbres bien entretenus,
.donoeront;au moins les uns portant les
autres., bon ou mal, cent mille livres
d'amandes qui étant vendues à fept fols
fix .deniers la livre, qui eft un prix
fort mediocre. Se le plus bas auquel le
Cacao ait jamais été vendu, produifent
trente fept mille cinq cent francs, qui
eft une fomme d'autant plus confiderable,
qu'elle revient prefque toute entiere
danslabourfedu maître, àcaufedupeu
de dépenfe qu'il faut faire pour l'entretien
Cacaotiers,toutes chofes proportionnées,
font bien plus beaux que les nôtres.
Se qu'ils rapportent de plus beau fruit.
Se en plus grande quantité. J'ai vu à la
¡Martinique de fort belles Cacaotieres
périr peu à peu. Se manquer enfin tout
« fait faute de ces précautions.
On voit par tout ce que je viens de
aire que le travail d'une Cacaotiere n'eft
pas fi p e t i t qu'on pourroitfe l'imaginer,
quoique dans la vérité il foit bien audefibus
de celui d'une fucrerie, Se de
la dépenfeque cette majiuhaure exige.
On en fera convaincu parla lefturc de
mon Traité du fucre qui eft à la fin du
dernier Tome. Ainfi je confeille à tous
ceux qui ont des terres propres aux Cacaotiers,
de les y emploier fans penfer
à s'élever au rang des fucriers , Sc je
)uis ksaiTurer qu'ils y trouveront mieux
eur compte, feront obligez à bien moins
de dépenfe, Sc fe délivreront d'une infinité
d'embarras Se de chagrins qui font
infeparables d'une fucrerie.
Plufieurs expériences m'ont aiTuré
des efclaves qui cultivent les arbres,
qui eft cependant la feule Se unique dépenfe
à quoi l'on foit obligé.
Il n'en eft pas de même d'une fucrerie
> pour qu'elle produife lamême fomme
en fucre blanc ;ou brun, il faut trois
fois autant d'efclaves, des moulins, des
charettes, des boeufs, des chevaux, une
quantité d'ouvrieres de toutes fortes, Sc
par deifus tout des raffineurs chers 6c
infolens au dernier point. C^'on compare
la dépenfe d'une fucrerie Se celle
d'une Cacaotiere, qui auroient donné
le même revenu. Se l'on verra par
la difference qui fe trouvera entre l'une
Se l'autre, qu'une Cacaotiere eft une
riche mine d'or, pendant qu'une fucrerie
ne fera qu'une mine de fer; fur tout
à prefent que le chocolat commence
d'être plus en vogue qu'il n'a été cidevant
, non feulement parce qu'on reconnoît
tous les jours fes bonnes qualités,
mais encore par le bon marché
auquel il doit être depuis que le Roi
a eu la bonté de reduire à deux fols par
livre les droits d'entrées du Cacao François
par fon Edit du mois d'Avril 1717.
Il faut à prefent parler de la nature
du
(fl.
r t,