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~ nuetUs,
11 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
£c onze épines, celles qui approchent du nprrnnn^oro,,«., n-A..^
centre font longues d'un pouce ou environ,
la longueur des autres diminue à
mefure qu'elles s'en éloignent. Elles font
toutes extraordinairement fortes, roides
Scpointuës} Scquoiqu'àleurbafe, elles
ne foient pas plus groiTes que les plumes
de l'aîle d'un Moineau, elles ne laiflènc
pas de pércerla femelle d'un foulier, ou
d'une botte du cuir le plus dur, le plus
fcc, & leplusfort. J'enpuis parler comme
fçavant, parce que j'en ai fait l'experience.
Je marchai un jour fans crainte
fur une de ces pattes, ne pouvant m'imaginer
qu'elles fût capable de me bieffer,
aïant des fouliers tout neufs à double
femelle, d'un "cuir fort, très-dur,
& fort fee, puifqu'il y a voit plus de fix
mois qu'ils étoient arrivez de France.
Malgré cela, elle ne lailTa pas de me per-
- cer la plante du pied en quatre ou cinq
• endroits, & ne donna pas peu de peine à
tirer mon pied hors du fou ier, qu'on fut
fur le point de couper, & enfuite à retirer
les pointesqui s'étoient rompues dans la
chair. Ces encloiieures font non-feulement
fort douloureufes, mais elles expofent
encore à de grands dangers ceux
qui font blelTez, parce que fi on ne les
retire promptement, il ne manque jamais
de fe faire une tumeur qui les cache entièrement,
qui dégénéré en abcès, 6coù
fouvent la gangrene fe met en allez peu
de tems.
Leremedequ'ily aàcela eiî; de prendre
une patte de Raquette, la dépoiiiller
defa peau & defes épines, & après l'avoir
fait amortir fous les cendres chaudes,
l'appliquer fur la partie blelTée avec une
compreife & une bande, pour l'empêcher
de tomber, fans la comprimer en aucune
maniéré. On prétend que la Raquette
attire à elle les pointes des épines
qui étoient demeurées engagées dans les
chairs. Je n'ai point pratiqué ce remede ^
je ne le donne icy que fur la bonne foi de
RetniJe
four tirer
les
ifmcs.
perfonnesfages, qui m'ont aflïïré en avoir
une connoiflance très-certaine.
On fe fert encore des pattes de Ra- Pour In
quettes préparées comme je viens de dire,
& appliquées de la même façon pour , la fc^
guerifon des contufions quelques conii- tions. '
derables qu'elles puiflent être, & pour
confolider les membres diiloquez après
qu'ils ont été remis.
Une patte de Raquette plantée com- Comtni
me je l'ai dit ci-devant, & aïant pris racine,
pouffe deux ou trois feiiilles ou pat- '
tes à côté d'elle , & à fon fommet celles
ci en produifent toûjours d'autres à
mefure qu'elles croiiTent, & qu'elles s'é- ,
loignent de leur racine, qui devient comme
une tige en maniéré de bras, dont les
premieres feiiilles reprefentent plufieura
raains,& les plus jeunes feiiilles les doigts.
Ces tiges deviennent à la fin fort groffes,
& fort hautes i elles ne font jamais
rondes. J'en ay vû autour du Fort de F^re
r i f l e S. Thomas, qui eft une des Vier- s.
ges, & qui appartient aux Danois, quilf^^f
avoient plus de cinq pouces de diame- ivecL:
tre, fi fortes, fi roides, fi preiTées, 6c tel- fi«?»«*^
lement garnies de groiTes 6c de petites
épines, qu'il étoitimpoffiblede trouver
unfeulpetit endroit, pour les toucher,
fans feblefler. Je ne croi pas qu'un Rat
eût pu paiTer entr'elles fans y laifler la
plus grande partie de fa peau,Elles étoient
entretenues avec beaucoup de foin, arrêtées
à la hauteur de fept à huit pieds.
Elles fervoient de foiTé, 6c de paliiTades
à ce Fort, dont elles taifoient la meil-
Jeure défenfe,
Lorfque les tiges ont deux à trois pieds
de hauteur , leurs feiiilles ou pattes pouffent
un fruit à leur extrémité, dont la fi- Fruii
gure approche beaucoup plus de celle
d'unefigue, que d'une poire ou pomme,
Il eft verd 6c dur, quand il commence à
paroîtrej il change de couleur à mefure
qu'il croît, il rougit peu à peu, 6c devient
enfin d'une couleur de feu vive 6c
écla-
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Tltur
de Ra-
1697.
F R A N C O I S E S DE L 'AMERIQUE. 13
éclatante lorfqu'il eft tout à fait meur. Il defebleiTer, ilfaut lesrecevoir dans un
tient à fa tige par le bout le plus petit, coiiy ou autre vaiiTeau à mefure qu'on les
6cprefente e plus gros tout droit en l'air, fepare de leur tige avec le couteau, après
C'eft dans e point de fa maturité qu'il quoi on leve avec le couteau une petite
fort de fon centre un bouton compofé de tranche de chaque côté , pour pouvoir
cinq feiiilles, qui en s'épanoiiiflant, font prendre le fruit avec le pouce, 6c l'un des Mameuneefpece
de tulippe de couleur orangée doigts de la main gauche, pendant qu'a- rii^i
quittes. Qjj jjyj^ rouge pâle, qui n'ont pas aiTez vec le couteau qu'on tient de la main droide
confiftence, ni de force pour fe tenir te, on enleve toute la fuperficie couverte '
droites 6c unies, mais qui fe renverfent
fur le fruit deux ou trois jours après qu'elles
font éclofes, 6c qui fe fannent, fechent
6c tombent en moins de deux fois
vingt-quatre heures.
Lefruit s'ouvre alors comme une grenade,
ou une figue qu'on a laiiTéetrop
d'épines. Quand il eft ainfi nettoyé, on
coupe la peau en croix, 6c on la détache
facilement de la pellicule rouge,qui renferme
ce qui eft bon à manger. Lorfqu'il
y a quelques jours que le fruit s'eft ouvert
de lui-même, 6c qu'il eft par confequent
au-delà de fa jufte maturité, comme il
long-tems fur fon pied. L e dedans paroît n'a alors prefque plus de confiftence, 6c
rempli de petites graines ou pépins, dont qu'il reflemble à une gelée liquide, on le
le deiTus eft d'un très-beau rouge incar- mange avec une cuïllier.
natjle dedans qui eft aiTez folide eft blanc.
Ces graines font enveloppées dans une
matiere épaiflé comme de la gelée du plus
beau rouge du monde,6c d'un goût charmant,
mêlé de douceur, avec une petite
pointe d'aigreur, qui aiguife l'appetit,
réjoiiit le coeur , 6c rafraîchit extrêmement.
Mais ces rofes font environnées
Il faut prendre garde de laiiTer tomber Proprïedufucde
ce fruit fur lej inge, ou fur les thdu
habits, parce qu'il y fait une tache rouge,
qui ne s'éface jamais bien, quelque
éfort qu'on faffe en la lavant. On donne
de ce fruit aux malades, non-feulement
parce qu'il eft fort refraîchifl'ant 6c fort
fain, main encore, parce qu'il femble
de beaucoup d'épines : car la belle peau nettoyer le coeur en le réjoiiiflanti cepen-
^«.„r^rff. ri'Mr.^infirije^ A^ (jant cu quclque état qu'on foit, il en
faut manger avec difcretion, parce que '
quand on en mange trop, ilcaufe un peu
de douleur au fondement à peu près
comme de legers picottemens d'hemorroides.
Ce fruit a encore la propriété de teindre
les urines, 6c de les faire paroître
de ce fruit eft couverte d'une infinité de
petites pointes prefque inperceptibles,
fi fines, fi perçantes, fi fragiles, 6c fi adhérentes
qu'on fe met les doigts tous en
fang,dès qu'ony touche. Quelques gands
qu'on mette, elles percent au travers
fans qu'on s'en apperçoive que lorfqu'on
esfent,8celles caufent une démangeai
fon infupportable, fans compter le commefic'étoitduiang, àfbn épaiiîeur
rifque qu'il y a de les laifler féjourner près qu'elles n'ont point. Quoique cela
dans la chair.Cette peau eft de l'épaifleur arrive fans le moindre danger, 6c la plus
de celle des figues. Le dedans n'eft pas petite douleur, cela ne laifle pas d'éfraïer
tout à fait fi rouge que le dehors i elle ceux qui ne font pas inftruits de cette
n'eft pas fort adherente, ôc fe détache vertu,quicroyent avoir quelque vaifleau
facilement d'une petite pellicule rouge, rompu dans le corps quand ils voyent
qui enveloppe les grames, 6c la matie- leurs urines ainfi colorées,
le dont elles font environnées. Cette plameporte du frait, 6c fleurit
l^orlqu'on les veut cueillir fans rifque deux fois l'année. Plus elle fe trouve dans
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