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3io NOUVEAUX VOY
Ceux qui' étoicnt accoutumez à s'éxempter
des travaux Publics, crierent
bien fort contre mo i , qui étois l'Auteur
de ce nouveau règlement, ôcils ne gagnèrent
autre chofe, que de voir quelquefois
augmenter la dofe de leur tâche j
mais ceux qui avoient porté jufqu'alors
le poids du j o u r , &dela chaleur, trouvèrent
ce règlement très-équitable, 6c
m'en remercierent.
Travaux Ce fut ainii queje fis faire tous les re-
5"« tranchemens de laBaflèterre, des trois
/ ¿ r Revieres, & du Rédui t , qui alloient à
fatnÁU bien plus de fix mille toifes; les murs
Guade- intérieurs 6c extérieurs des parapets du
Uup,. Fort, pour foûtenir la terre, 6c le mauvais
fafcignage dont ils étoient compofez.
Je fis faire une demie Lune, pour
couvrir la Porte avec un Pont-Levis j
une grande Citerne découverte, iervant
defoiTé à un retranchement flanqué, qui
coQpoit la longueur du Fort en deux ,
pour couvrir le Donjon, 8c s'y pouvoir
retirer, & tenir ferme, files Ennemis fe
fuirent emparez du Cavalier. Je fis faire
encore plufieurs Batteries neuves, & reparer
les anciennes, & nous préparer à
tout événement.
Ces travaux m'occuperent toute l'année
1701. ôcjufqu'au mois deMars 1703.
de forte que je n'avois pas peu d'affaires,
étant obligé par honneur, & par la priere
que le Gouverneur general des Jfles, 6c
le Gouverneur particulier de la Guadeloupe
m'en avoient faite, d'avoir foin des
travaux publics > étant encore chargé du
détail de nôtreHabitation,6c par-delTus
tout cela de la Procuration des quatre
Communautez Religieufes Légataires
pour un huitième chacune des biens de
M.Hinfelin.
J e pris poíTeífion de cette fuccelïïon
«vec le Supérieur des Religieux de la
Charité versla mi-Carême. Pour donner
des marques publiques de nôtre recon-
/
A G E S AUX ISLSES
noiiîànce, onrefolutdetiire celebrerun
Servicefolemnel dans chacunede nos Eglifes,
pour le repos del'ame de nôtre
Commun Bien-faiteur.
Nous commençâmes,6c nous ne manquâmes
pas d'y inviter les Parens du défunt,
le Gouverneur avec l'Etat Major}
leConfeil, 6c ce qu'il y avoit de plus
diftingué dans l'Ifle. •
Les Peresjefuitesnous fuivirent, 8c
nous furpaiTcrent. Leur Eglife qui eft
la plus belle, 6c la mieux ornée de l'Ifle
etoit tendue de noir, avec un Maufolée
fort illuminé. Ils chanterent l'Office
des Morts, 6c la grande MeiTci ils firent
les Abfoutes, 6c peu s'en fiillut qu'il
n'y eût une Oraifon Funebre. Les Carmes
6c les Capucins voulurent les imiter,
mais ils n'en approchèrent pas de cent
lieues.
LesReligieux de laCharité choifirent
le lendemain de l'Octave de Pâques ,
3our faire leur Service folemnel. Toutes
es Communautez y croient invitées, 6c
toutes les Puiflances du païs. Je m'approchai
du Lutrin, pour aider à chanter
la MeiTe. Ils avoient fait venir le Chantre^
principal de l'Eglife des Jefiiites.
C'étoit un Boiteux, nommé la Cour , Mifi
quichantoit très-bien, & qui avoit une ¿w
parfaitement belle voix; mais qui étoit
li fuperbe, & fi arrogant, qu'en matie- ¿ f
re de rubriques, de c h a n t 6 c de cere-/.«»
monies d'Eglife, il croyoit en fçavoit
plus qu'un Direfteur de Séminaire. Il
avoitautrefois fervi l'Eglife des Carmes,
6c les avoit quittez, pour aller à celles
desjefuites, dont ceux là n'étoient pas
tropcontens. Un particulier, qu'il n'eil
pas befoin de faire connoître ici, s'approcha
du Lutrin, 6c quoiqu'il vît le
Livre ouvert à l'endroit de la Meflc
pour les Morts, il fe mit à le feiiilleter
comme s'il eût cherché quelqueautre
chofe. Le Chantre Boiteux impalient
F R A N C O I S E S DE L'A M E R 1 Q^U E,
I70I- tient de le voir remuer fon Livre, Que
cherchez-vous, lui dit-il ? je connois ce
Livre mieux que vous, dite-le moi, êc
je vous le trouverai d'abord. Je cherche
laMefle, luiréponditle particulier. La
voilà lui répondit le Boiteux^, en lui
montrant celle qu'il avoit déjà vûë. Vous
faites le Doéteur, lui dit le particulier.
&VOUS êtes fi ignorant, que vous ne
fçavez pas que nous fommes dans le tems
PafchaÎ.. H é ! que fait le tems Pafchal
à une MeiTe de Requiem, répliqua le
Chantre.' Il faut reprit le particulier,
que Requiem, ou non, on doit dire Alleluya,
6c voilà ce que je cherchois. Vous
avez raifon, dit alors le Boiteux, je ne
faifoispas reflexion que le tems Pafchal
dure jufqu'à la Trinité pour vous autres
Moines} mais que cela ne vous embarralTe
pas; je fçaurai bien mettre deux
Meluya, fur les finales par tout où il
en fera befoin. Ce particulier fe retira
enfuite, 6c moi qui avois entendu tout
ce beau dialogue, je ne fçavois s'ils vouloient
me joiier, ou fi on vouloir fe
mocquer du Boiteux. Les Officians fortirent
de la Sacriflie. Le Chantre entonne
VIntrdite, 6c ne manqua pas d'accompagner
la finale de deux Alkhiya,,
des plus beaux. Cette nouvelle maniéré
de chanter la Meffe des Morts fit rire
tout le monde. Le Supérieur des Religieux
de la Charité s'en offença trèsf
o r t , 6c dit au Chantre qu'il falloir être
à jeun quand on chantoit àl'Eglife. Ce
reproche,quoique mal fondé, 8c lafottife
qu'on lui avoit fait faire penferent le
defefperer> il quitta brufquement le Lutrin,
6cfe retira, 6cnous laiiTaachever
de chanter la Meflé à l'ordinaire, fans
donner tant de marques de joïe, ni
pour le tems Pafchal, ni pour la fucceffion,
quoiqu'elle en valût bien la
peine.
Le Lundyzz.Mai, il arriva à la Rade
de la BaiTeterrc deux Navires du
R o i , qui alloient à la Vera-Crux, Car- 1702^
tagene, 6c autres lieux de la Baye de
Mexique, 6c'y portoientdes munitions
de Guerre, 6c des Ingénieurs, entre
lefquels étoit un des enfans du fieur
Bouchard Libraire à Nancy, que je
connoifîbis très-particulièrement. II
vint me voir, 6c me donna des nouvelles
de fa famille, qui me firent plaifir.
J e lui envoyai quelques pains de fucrc
raffiné, du chocolat, des confitures, 6c
des fruits. Ils partirent dès la nuit fuivante,
ce qui m'empêcha de faire autre
chofe.
Ceperidant les affaires de la fuccefïïon
de M. Hinfelin, celles de nôtre Maif
o n , 6c lés travaux Publics, où il falloit
que j'aififtaiTe, qui demandoienc
feuls un |iomme tout entier, mefirenc
craindre de ne pouvoir pas foûtenir encoj:£
4ong-tems le poids de cette fatigue
, 6c m'obligèrent de penfer ferieufement
au partage. Je fis liquider le bien
en payant tout ce qui étoit dû dans l'Ifle,
6c je fis faire un état au jufle de tout le
bien, avec une efkimation des Terres,
desMaifons, des Meubles, Utenfiles,
Beiliaux, Efclaves, 6c autres chofes,
6c je preiîai les Religieux de la Charité
d'en venir au partage. Malgré tous les
mouvemens queje me donnai, il ne put
être fait que dans le mois d 'Août , parce
qu'il arriva un incident,fur lequel nous
crûmes devoir avoir la décifion de l'Intendant.
Nous nous embarquâmes donc
le Supérieur de la Charité 6c moi le az.
Juillet, dans une petite Barque qui alloit
à la Martinique, 6c nous fîmes nô'-
tre trajet en moins de dix-huit heures. 11
eflvrai, que nous penfâmes payer bien
cher nôtre diligence, car en approchant
de la Dominique , nous fûmes pris d'un
coup de vent de Nord fi furieux, que je
n'en ayjamais éprouvé defemblable; 6c
fi la mer avoit été groiTe à proportion
du vent, nous étions perdus fans reiTour-
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