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1 7 6 N O U V E A U X VOY
1700. côtes ou nervûres, qui foûtiennent le
corps de la feuille, & n'employentque
le corps , 8c pour parler ainfi que la chair
delà feiiille,à qui il fembleque les côtes
groiTes & petites tiennent lieu d'os.
Après que les fciiilles font feches, on
les pile dans un mortier bien propre, &
on es réduit en poudre très-fine, que
l'oupaiTeau tamis de foye, après quoi
on la lave dans de l'eau commune une ou
deux fois, & lorfqu'elle eft feche on la
paffe encore au tamis de foye le plus fin.
Tabac ~ L e tabac préparé decettemanierepeut
d'Ef^a- pafler pour tabac d'Efpagne, oii de la
Havanne, fur tout , fi on a foin de lui
en donner la couleur en cas qu'il ne l'ait
point de lui-même, ce qui eft très- facile,
puifqu'il n'y a qu'à co orer la derniere
eau , dans laquelle on le lave avec un peu
de cocheiiille, ou de roucou tiréfansfeu,
ou dejusdepommcsderaquettes.
On doit enfermer le tabac dans des
boëtes de p lomb, fi on veut le conferver,
& l'empêcher de s'éventer.
Ceux qui lui veulent donner une odeur
des plus douces, 8c des plus agréables,
n'ont qu'à mettre dans les boetcs quelques
fleurs defranchipans. Mais iln'eft
jamais permis defaire cela au tabac qu'on
veut faire palier pour tabac d'Efpagne >
car la bonté de ce tabac confifte à n'avoir
point d'odeur , que celle qui lui eft naturelle,
& on doit avoir un très-grand foin
qu'il n'encontraâeaucuneautre.
Tabac JR-ien n'eft plus aifé que de fairê du tairené,
bac grené. Après que les feiiilles font
réduites en poudre, & bien lavées, on
fait fecher la poudre, & on lapaiTe au
.. tamis de foye le plus fin : après quoi on
la met dans une baifine ou autre grand
vaiiTeau, oîi on l'arrofe doucement, &
comme en l'afpergeant avec de l'eau fimple,
ou de fleur d'orange, & en mêmetems,
on la remûë fortement avec les
mains. Ce mouvement é cette humidité
A G E S A U X ISLES ^
font que les parties prefque infenfibles ij^
de la poudre s'unifient, 6c onleur donne
tel volume que l'on veut en les moiiillant,
les remuant , & les faifant paiTer
par difiïrens tamis ou le grain fe forme '
de telle groilèur qu'on le fouhaite. Ce
qu'il fautobferver, eft dene donner de
l'eau qu'autant que la poudre en peut abforberfims
avoir befoin d'être remife au
fee.
Il eft encore auffi rare qu'on tranfportehors
des Ifles des feiiilles de tabac en
paquets : & cela pour les mêmes raifons
que je viens de marquer en parlant des
torquettes. Cela arrive pourtant quelquefois.
Onn'employe à cet ufage que
letabac de verine, que la petitefiè defes
fei.iillesyrendplus propre que celles des
autres efpeces, qui font trop grandes.
Se qui feroient embaraflantes. On n'é- Mi;
jambe point les feiiilles qu'on veut met- ^^^^
tre en paquets. On fe contente après
qu'elles ont été à la pente à l'ordinaire
delesdétacherdelatige, & de les mettre
les unes fur les autres bien étendues
fur des feuilles de balifier amorties. On
les couvre d'autres fctiilles de même efpece
avec quelques planches, 8c des pierres
par-defliis, pour les tenir étendues,
Se leur faire prendre cette fituation en
refluant 8c fechant doucement. 'Après
quoi on en fait des paquets de vingt-cinq
feiiilles chacun, que l'on lie par les
queiies qu'on a eu foin de laifler, avec
une aiguillette de mahot. On les conferve
dans un lieu, qui ne foit, ni trop
fee, ni trop humide, jufqu'à ce qu'on les
veuille mettre en ufage.
L e tabac accommodé de cette maniere
n'eft fufceptible d'aucune fraude : on
le voi tdetouscôtez , 8c on eft.Îûr qu'il
n'eft point mélangé de feuilles de rebut,
ni de rejetions, qu'il eft aifé de diftinguer
de celles que la plante a produites •
d'abord.
J'ai
F R A N C O I S E S DE L 'AMERICLUE. 17 7
Ï700. J'ai remarqué ci devant qu'on coupe permettront de leur dire, qu'ilsferoienc
Tabac • l e s t a n t e s à un pouce ou deux de terre,
de ' 8c qu'on ne les arrache pas. La plante
rijeim. gj, peu ¿^ ^ems pouffe de nouvelles tiges
8c de nouvelles feiiilles que l'on coupe
lorsqu'elles ont atteint leur maturité i
c'eft ce qu'on appelle tabac derejetton.
Mais comme la plante s'étoit prefque
épuifée dans la produ6tion des premieres
feiiilles, ces fécondés fe reflentent de fa
foibleiTeî elles ne font jamais ni fi grandes,
ni fi charnues, ni fi fortes que les
Trfw/i-premieres-, leur fuc 8c leur fubftance
ris qui fe n'onr prefque aucune vigueur, ce font
Î T t aC des feiiilles, mais ce n'eft plus du tabac.
de rejet- Cependant les Habitant ne laiflent pas
m. de les mêler avec les premieres, leur
économie leur perfuadant qu'ils peuvent
tirer d'une plante tout ce qu'elle peut
produire, 8c que tout eft b o n , quand on
I trouve le moyen de le faire paiTer. Il y en
' a même qui vont jufqu'à cetexcès d'avarice,
d'employer les troifiémes feiiilles
que la plante produit après qu'on a coupé
les rejettons, fe mettant peu en peine
que leur marchandife foit b o n n e , pourvu
qu'ils en ayent une plus grande quantité.
C'eft cette économie mal entendue,
6c ce mélange des féconds 8c troifiémes
rejettons, qui ont décrié les tabacs des
Ctnma. ïi^ss, qui avoient toûjours été de pair
décrié it avec les meilleurs tabacs du Brefil, pentahacdn
dant qu'on les faifoit avec foin 8c fidelité}
mais qui font déchûs infiniment
quand on en a voulu augmenter la quant
i t é par ce mélange de feiiilles de rebut
Se de rejetton.
J e croi bien que les Portugais du Bref
i l , lesEfpagnolsdes grandes Ifles, 8c
de la côte deTerreferme, les Anglois
de la Virginie, 8c même nos François
de Saint Domingue ne negligent pas les
feiiilles derejetton, 8c qu'ils les employentavec
kspremieresi maisiis me
Tom. IL
1700.
beaucoup mieux de ne s'en point fervir,
& que leur tabac en feroit infiniment
meilleur. Il eft vrai que le terrain où
ils le cultivent étant plus g ras , plus uni,
plus profond, 8c fouvent plus neuf que
ne l'eft pour l'ordinaire celui des Ifles
du V e n t , lés plantes reçoivent plus
nourriture, ¿cfont parconfequent plus
en état de fournir la fubftance neceflaire fervir
à la produétion des nouvelles feuilles j f.l
mais on ne me pourra jamais nier,
ces fécondés 8ctroifiémes produftions ne un,
foient toûjour s beaucoup inférieures à la
premiere. Or fi cela eft vrai dans des
terres fortes, 8c d'une aufli grand reffource
que le font celles dont je viens de
parler, celanelefera-t-il pas encore plus
dans des terres legeres, peu profondes,
aflez maigres pour l'ordinaire, dont une
grande partie étant côtieres, font facilement
dégraiflees par la p lante, qui dévoré
beaucoup, 8c par lespluyes, qui
emportent cr qu'ellcs'ont de meilleur,
telles que font la plûpart des terres des
Ifles du Vent.
Quand cette économie auroitpuêtre
tolerabledans les commencemens que les
Ifles ont été habitées, 8c qu'on a commencé
a y cultiver le tabac, parce que
c'étoit pour lors de terres vierges, qui
avoient toute leur force ; il eft certain
qu'elle eft pernicieufe à p refent , fur tou t sentifi
on veut fe fervir des terres qui font ment dt
depuis long-tems en valeur. Si on veut
fe remettre à la culture du tabac, 8c lui 'uciZ
redonner la reputation qu'il avoit autre- tneréeda
fois, il faut le cultiver dans des terrains
neufs, qui font encore en très-grande
quantité dans nos Ifles, fans com pter ce
que nous pofledons en Terre ferme, 8c
défendre abl'olument le tabac de rejetton
} 8c pour cela, ordonner que les plantes
feront arrachées au lieu d'être coupées
à deux pouces de terre, comme on
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