N O U V E A U X V O Y A
ijoi- oiilf: car comme nous étions dans un
lieu qui pouvoic pafler poar une forêt
d'abricotiers, j'en allai amafler & cueillir
autant que nos fix hommes en purent
porter, ce qui fit que j,e couchai encore
au Boucan, parce qu'au lieu d'en;^oycr
de la viande & de la mantegue à la
Barque, je ne chargeai nos gens que
d'abricots & de bananes. Ils revinrent le
lendemain matin au nombre de huit ou
• neuf, les uns fe chargèrent de fruits, 6c
les autres de viande & de mantegue j
nous retournâmes à. la Barque fur les
trois heures après m i d i n o u s payâmes
nos Marchands, & après les avoir fait
bien boire, nous mîmes à la voile.
Le lendemain fur le foir nous doublâmes
le Cap Tiberon, & nous le racap
xir iames de fi près, qu'onpouvoit cracher
à terre. Cette pointe eft prefque ronde,
fort élevée & coupée prefqu'à picj la
mer par confequent y eft profonde} &
comme le rocher eftnoir, lamer paroît
de la même couleur.
Les vents qui étoient Nord-Eft &
fort frais nous contrarièrent tellement,
que nous fûmes obligez de porter au large,
au lieu de ranger la Côte comme nous
avions deiTein. Nous nous y ralliâmes enfin
le 8. Mars,. & nous reconnûmes
rifle à Vache. Nous ladépaifâmes pendant
la nuit, & le 9 fur les huit heures
du matin nous moirillâmesà. laCaye ou
Ifle de Saint Louis, qui eft felon moà
eftime à fix lieiies environ au vent, de
l'Ifle à Vache.
Cette Ifle ctoit fameufe autrefois &
fort frequentéedesFlibuftiers de toutes
leron.
façhc,
G Ë S AUX ISLES
fortes de Nations , qui en faifoient le
lieu de leur rendez-vous , & y venoient
fouvent partager le butin qu'ils avoient
fait fui les Lfpagnols qui ont été de
tout temps les objets de leurs courfes.
C^elqués gens en très-petits nombre s'y
étoient établis, On les en a fait déloger
& paiTer àia grandeTerre, c'eft-à-dire,
à SaintDomingue} de forte qu'elle eft à
prefent deferte : il n'y a plus que des bêtes
à corne Se des Cochons qu'ony a mis
pour multiplier pour le fei'vice de la
Compagnie, à qui le Riai a concédé les
-terres qui font depuis le Cap Tiberon
jufques auCap Mongotij ce qui fait une
étendue d'environ cinquante lieiies.
Il femble que le but de cette Compagnie
n'a pas tant été dépeupler, & faii-c
habiter cette partie de l'Ifle de Saint
Domingue , que d'avoir un entrepôt
commode 6c fur pour les Vaifleaux ÔC
pour les Barques qu'elle envoie en traite
aux Côtes de la Terre-Ferme. LesAnglois
de la Jamaïque, les Hollandois de
CorolTol jSc les Danois de S. Thomas tirant
leurs plus grands profits de ce Comr
merce, qu'ils feront déformais obligez de
partager avec nous, fi nous-fçavons nous
fervirde nos avantages, 6c nepaslaiiTer
perir cet établiiTement, comme quantité
d'autres que nous avions dans les autres
parties du Monde. H fautefpererqueles
Direéteursdecette.Compagni«, qui font
les premiersCommis de M; dePontchartrain
, feront plusfages & plus heureux
que les autres Entrepreneurs, dont la
plûpart fe font ruinez dans les établilTemens
qu'ils avoient commencez.
Caye S.
Louis,
, C H A P I T R E X.
Defcriptim de la-Caye de Saint Louis, é' du fond de l'IfU a Vache.
A Càye Saint Loiiis, qu'A pas de long fur cent foixantepas de larifalloit
appeller fous pei- gè, qui n!a juftement que la hauteur
ne d'amende, eft un petit neceilàire pour n'être pas couvert d'eau
terrain de quatre à cinq cent quand la mer eft haute. Tout ce terrain
' • ne::
F R A N C O I S E S DE L'AMERIClUE,
paroît être autrechofequ'unamasde Ôtcroit tout l'air, Seque leur Foit deroches
à Chaux, à peu près de même viendroit une fournaife ou il ne leroit
efpece que celle que l'on trouve à la pas poflîble de demeurer , &ou les masrande
Terre de la Guadeloupe. Elle eft adies étant une fois entrees, 1 air s y
fituéeau fond d'une grande Baye, dont corromperoit de telle maniere, que ce
l'ouverture eft couverte par trois ou qua- feroitplûtôtunCimetierequ unei'orte.
tre Iflets aiTez grands, mais qu'on n'a refle, 6c qu'on pouvoit juger de ce qui
paschoifis pour y bâtir le For t , parce arriveroit alors par ce qu on y voy oit
L'ilsfont environnez dehautsfonds, 6c touslesjours, la mort ayant deja emporrar
confequent peu propres au moüilla- té une très-grande quantité de gens CC
ge des Vaifleaux, au lieu que lamerfe , ceux qui reftoient étant comme des detrouve
très-profonde aux environs delà terrez.
Caye , particulièrement du côté de la Je leur fis encore remarquer que le
erande Terre, c'eft-à-dire, de'l'Iflede terrain de cette Caye etoit tout chance-
Saint Domingue, dont elle n'eft feparée lant, qu'il trembloit d'un bout a 1 autre
que par un canal de fept à huit cent dès qu'on y tiroit le Canon, que ce lepas
de large. Le fond eft de bonne tenue, roit encore bien pis lorfque le Canon lenet
6c tout-à-fait propre pour l'encrage, roit élevé fur des Remparts, fuppole me-
L'onpeutmoüiller les Barques les Bri- me qu'onlespûtbâtirdela hauteur prosantins
8c autres petits Bâtimens aflez pofée avant que le fond fm* lequel on preprès
de la Caye pour y entrer avec une • tendoit les élever, prît congé d eux en
planche. Nous étions mouillez de cette s'enfonçant, ou en fe renverfant dans la
manieremôtre Canot touchoit d'un bout mer. Car de penfer a piloter tout autour
pour l'affermir, ou l'augmenter,
il me paroiflbit que le fuccès auroit
été fort douteux, & ladépenfe exorbitante.
Il y avoit encore un autre inconve-
1701.
à la Barque, 6c de l'autre à terre.
htlet Le Chevalier Reinau, qui y avoit
paflé l'année precedents, y avoit tracé
f ^ ' un Fort dont je vis le Plan, l'élévation,
le devis 6c les piquets. Je croi que la dépenfe
devoit monter à huit ou neuf cent nient, c'étoit de pouvoir avoir des cîmille
livres , ce qui me fit dire que ce ternes pour conferver l'eau de la pluie;
Fort avoit la mine de refter en papier, car il n'y a pas une feule goûte d eau
q u o i q u ' i l y eûtdéjadeuxingenieursfur fur cette Caye. Il a beau y pleules
lieux avec des appointemens confide- voir, l'eau fe perd aufli-tot, 2c palic
rabies, 6c que M. de Patyfe fût engagé • comme fi elle tomboit dans un crible,
de fournir toute lachaux, la pierre, 6c Onétoit obligé d'en allerchercher tous
les autres matériaux neceftaires pour la lesjoursàlagrandeTerreaunepetiterH
héfmt
de ce
hi».
conftruélion. Il attendoit de France des
Maçons 6c des Tailleurs de pierre, 6c il
avoitdéjabon nombre d'Ouvriers 6c de •
Negres qui travailloient à preparer toutesceschofes,
6c, fijene metrompe,à "
faire de la brique.
viere éloignée deprèsd'unedemielieûe
de la Caye} 6c il y avoit pour cetefi^et
une Chaloupe 6c trois ou quatre hommes
qui n'avoient point d'autre emploi.
J'avois remarqué en paflant à Saint
Jepris la liberté défaire remarquer à Chriftophle que les Anglois ne pou- ,
ces Mefiïeurs que la hauteur de leurs voient conferver d'eau dans leur Fort de
Remparts dans un lieu fi étroit, leur- laSouphriere, parce que le bruit du Ca-
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