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1703.
444 NOUVEAUX VOY
bien plus des poiflbns que les Diables,
puifqu'ils font toujours dans l'eau, ou
dans des lieux aquatiques Se marécageux,
qu'ils y cherchent leui-nourriture, y font
leurs oeufs, & y élevent leurs petits, 6c
qu'ils ne s'en éloignent que le moins
qu'ils peuvent, & par force; au lieu que
les Diables ne demeurent point dans
l'eau, ni dans les lieux aquatiques & marécageux,
mais repairent dans des montagnes
bien féches, bii ils font des trous
en terre comme les lapins, & ne vont à
la Mer que pour y chercher leur nourriture,
parce qu'ils ne la trouvent point
dans ces montagnes fteriles où ils fe retirent.
Quand je lui objeétois que la chair &
fur tout la grailTe des Diables avoit une
odeur de poiiTon, qu'on ne fentoit peint
dans les autres oifeaux aquatiques ; ce
qui meparoiiToit être une preuve qu'ils
devoient être mis au rang des poiflbns.
Se non pas les autres. Il me répondoit que
cette odeur provenoit de la nourriture
qu'ils prenoient ordinairement; Se que
commeilferoit ridicule de changer l'état
des ramiers, parce que leur chair change
de couleur & d'odeur felon les diiFerens
fruits qu'ils mangent, de même il
étoit ridicule de mettre les Diables au
rang despoiiTons, parce qu'ils Tentent le
poilîbn, puifque cette odeur n'eft qu'une
fuite de leur nourriture qui ne change
rien à leur efpece. Voiez, medifoit-il,
vos Minimes comme ils ne fe nourriiTent
que de poiflbn Sc d'huile, il femble qu'ils
ne foient paîtrisque de ces deux chofes,
ils rendent l'huile parlesfueurs, parles
urines, parlafalive; leur chaireit couverte
AGES AUX ISLES
rang des poiflbns, Se qu'ils s'yoppofc- «7®î,
roient vivement. Tirez donc la confcquence
pour vos Diables ? Jefentois bien
quejefoûtenois une mauvaife caufe, ôc
j'étois fouvent fort embaraflej car dès
que je venois à lui dire que les Médecins
du païs avoient déclaré quec'étoit
une viande maigre, ii-mebattoit en ruine,
en m'objeétant auflî-tôt leur ignorance,
dont je ne pouvois pas difconvenir, puifque
je n'étois échappé de leurs mains
que par miracle; à la fin je m'avifai de
lui dire qu'on pouvoit regarder les Diables
comme les Macreufes, 6c les mettrfe
aufli-bien qu'elles au rang des poiflbns
8c des viandes, dont il efl: permis de
manger enCarême; car, lui difois-je, qui
reflbmble mieux à un Canard qu'uneMacreufe.?
Les pieds, le bec, le col, la peau,
les plumes, tout eft prefque femblablc,
ou du moins ladiiFerence qui s'y rencontre
n'eft pasaflezgrande, pour en faire
deux efpeces différentes, 8c fi éloignées
l'une de l'autre; cependant vous ne trouvez
pas mauvais qu'on en mange en Carême,
8c vous vous fcandaliferiez,fion
mangeoit des Canards. Il y a une difference
infinie, me répondit-il, entre les
Macreufes 8c les Canards; on doit regarder
les Macreufes comme des véritables
poiiTons, ou plûtôt comme des animaux
imparfaits 8c desjeuxde la nature,
nez dans l'air, élevez dans les eaux.
Se incapables de produire leurs femblables
par la génération comme tous les
autres animaux parfaits. Ce font, fclon
les témoignages d'un très-grand nombre
d'Auteurs graves Se bien inftruits du
fait en queftion, les fruits de certains arbres
d'une peau toute ondueufe, qui bres que l'on trouve fur les levages fepleur
donne une odeur d'huile £c de poif- tentrioiwux de l'EcoiFc, de l'Irlande
que l'on trouve fur les rivages feptentrioiwux
de l'Ecoffe, de l'Irlande,
fon, d'autant plus forte qu'ils font plus des > Mes ^^ Orcades - 6c - autres •-lieux plus voifins
»
vieux, & qu'ils ont moins de foin de fe
du Pole Arétique, qui étant parvenus
tenir propres ; avec tout cela je fuis feur
à un certain point de maturité,
que vous ne voudriez pas les mettre au
s'ouvrent, Se lailîent tomber dans la mer '
un
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. 44r
ÎTO, unpetîtanimal informe qui s'attache d'à- Agneaux en Mofcovie , pourquoi ne 1703
bordàtout ce qu'il trouve, bois poury , —
ncines,coquil ages, tout lui eft bon; là
íes parties fe développent peu à peu, Se
prennent enfin la figure d'un oifeau, à
qui les plumes pouflbnt dans la fuite, Sc
qui étant arrivé à toute laperfeétion que
la nature juge à propos de lui donner,
fe détache de l'endroit où il s'étoit arrêté
en naiflant, s'éleve au deflus de l'eau,
voleenl'air, Scfaitd'aflez longs trajets,
pour venir fe faire prendre fur les côtes
de France, de Flandres, d'Hollande Se
autres endroits voifins de la mer , où l'on
en voit quelquefois des quantitez trèsconfiderables
que les vents de Nor d y
ont amené. Se que de tout tems on a
mis avec raifon au rang des viandes maigres,
fans qu'on fe foit jamais avifé de
foupçonner le moins du monde qu'ils
•puflent être de la chair.
En effet leur produdion 8c leur état ne
peut-il pas être mis en parallèle avec cette
fameufe Citroiiille que l'on trouve en
Mofcovie, ^Sc en T a r t ane , à qui la nature
a donné la figure d'un Agneau qui
a des pieds, un col, une tête, une queiie,
qui eft couvert de laine, dont la chair
ne différé en rien de celle des Agneaux
pro venus d'une Brebis Se d'un Belierj
qui mange toute l'herbe qui croit autour
de lui, 8e qui fe trouve à portée de fa
gueule, Sc qui ne meurt que quand il
ne trouve plus rien à brouter, parce que
la nature l'a attaché à une racine qui eft
comme fon nombril, autour de laquelle
il tourne, mais qui l'empêche de quitter
le lieu où il à pris naiflluice. Sa chair
cft fi femblable en tout à celle des Moutons,
que les Our s , les loups. Se les autres
animaux carnaííiers qui ne ferepaiffent
pas de la forme exterieUre dont elle
çft revêtue, en font extrêmement avides,
8e k recherchent avec cmpreflément.
Or fi la nature a pû produire des
. Tom. IL
pourra-t-elle pas produire des oifeaux
refl^emblans à des Canards dans d'autres
endroits? 8c fi les Mofcovites ; qui font
les peuples du monde les plus fcrupuleux
fur leur abftinence, Sc fur leurs jeûnes,
ne font point de difficulté de manger
leurs Agneaux pendant leur carême \
pourquoi trouveroit-on mauvais que les
autres Chrétiens mangent des Macreufes
dans le leur? On peut croire qu'il
nemanquoit pas de me citer les auteurs
où il avoit lû ce que je viens de rapporter;
car fur cet article il ne tariffoit
point. Se je croi qu'il en avoit une legende
auflî longue que les Litanies des
Saints; c'eft dommage que je ne les ai pas
tous retenus : voici ceux que ma mémoire
me fournit. Olearius dans fa relation
deMofcovie; Delric dans ces recherches
magiques; Vincent de Bourgogne EvêquedeBeauvaisReligieuxDommiquain,
Prédicateur ScConteflTeur de S. Louis,
dans fon miroir Hiftorique; Olaus Magnus
dans fon hiftoire du Septentrion}
Pie fécond dans fonHiitoire de l'Europe;
Oftelins dans la défcription de PEcoife;
Turmenus, Scaliger, Cardan, Porta, le
Pere Ki rcher , Aldrouan, MaginusDocteur
en medicine dans fonTraité àcF'olucriarborea,
le PereBrietJefuite dansfes
Merveilles d'Ecolfe , & une infinité
d'autres que je ne rapporte pas ici, de
)eur d'ennu'ier le Leêteur ; fans compter
a poifeflion où l'on eft depuis cinq ou fix
cens ans, Se peut-être davantage, de
manger ces oifeaux en carême, ce qui,
felon lui, n'étoitpas feulement un préjugé
en fa faveur, mais une raifon des
plus convainquantes, puifqu'eile étoit
appuiée fur le confentement unanime de
tant d'Auteurs célébrés de toutes les efpeces
que l'on peut defirer.
Il cft confiant que fi la multitude des
témoins, dont le rapport eft uniforme,
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