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60 NOU-V.EAUX VOYAGES: A U X ISLES
• iCyS. cet ouvrage j'enfuisperfuadé: cari! n'y
à point de Blanc qui eût aiTez d'efprit
pour le fiiire.
C'eft la coûtume de tous les Negres de
donner aux Blancs toutes les mauvaifes
qualitez qui peuvent rendre uneperfonne
méprifable, & de dire, _que c'eft leur
fréquentation, 8c leurs mauvais exem^
pies qui les gâtent. De forte que s'ils
voyerit quelqu'un d'entr'eux, qui jure,
qui s'enyvre, ou qui faife quelque mauvaife
aélion, ils ne manquent pas"dedire
de lui avec ipépris: c'eft un miferable,
qui jure comme un Blanc , qui s'enyvre
comme un Blanc, qui eft voleur comme
un Blanc, Sec.
Cette bonne opinion qu'ils ont d'euxmêmes
n'empêche pas qu'ils ne foient ex-
Smplìcì- tl'êmement iîmples, fur tout quand ils
té des arrivent deleurpaïs. Il y a une infinité
-^«¿«j • de chofes qu'ils ne peuvent comprendre,
Tkriîurt ^ entr'autres comment nous nous faifons
entendre nos penfées parjle moyen
de l'écriture. Ils difént qu'il fiut être
forcier pour faire parler le papier.
Habits II eft rare que les Negres foieni [jhauf-
¿es Ne- fez, c'eft-à-dire, qu'ilsayent des bas &
gres. ¿çg fouliers. Il n'y a que quelques perfonnesde
qualité, & encore en très-petit
nombre, qui faifent chaufler ceux
qui leur fervent de laquais. Tous vont
ordinairement nudspieds, & ils ont la
plante des pieds aifez dure, pour fe mettre
peu en peine de fouliers. De forte que
tous leurs habits confiftent en des calçons
6c une calaque. Mais quand ils s'habillent
les Dimanches & les Fêtes,, les
hommes ont une belle chemife avec des
calçons étroits de toile blanche, fur lefquels
ils portent une candale de quelque
toile ou étoffe legere de couleur. Cette
candale eft une efpece de juppe très-large^
qui ne va que jufqu'aux genoux, 6c même
qui n'y arrive pas tout-à-fait. Elle
cftplilfée par la haut, & a une ceinture
comme un calçon, avec deux fentes ou i/k)8.
ouvertures qui fe fermentavec des rubans
fur les hanches, à peu près comme on voit
enitalie, &enFranceces laquaisqu'on
appelle des coureurs. lU portent fur la
chemife yn petit pourpoint fans bafques
qui laiiTe trois doigts de vuide entre lui
Se la candale, afin que la chemife qui
bouffe, paroifTe davantage. Quand ils
font afîez riches pour avoir des boutons
d'argent, ou garnis de quelques pierres
de couleur, ilsen mettent aux poignets
8c au col de leurs chemifês-' A leur défaut
ils y mettent des rubans. Ils portent rarement
des cravattes & desjufte au corps.
Lorfqu'ilsont la tête couverte d'un chapeau,
ils ont bonne mine, ils font ordinairement
bien faits. Je n'ai jamais vû
dans tous les lieux de l' Amérique oîi j'ai
été aucun Negre qui fut boil'u., boiteux,
borgne, louche j.oueftropié de naiiîance.
Lorfqu'ils font jeune», ils portent deux
pendants d'oreilles comme les femmes j
mais dès qu'ilsfont mariez, ils n'en portent
plus qu'un feul.
Les Habitans qui veulent avoir des laquais
en forme, leurs font faire des candales
& des pourpoints de la couleur, 8c
avec les galons de leurs livrées, avec un.
turban au lieu dé chapeau, des pendants,
d'oreilles, 8c un carquantd'argent avec
leurs armes.
. Les NegrefTes portent ordinairement
deux juppes quand elles font dans leurs
habits deceremonie. Cellededelîbuseft mes Wide
couleur, & celle de deifus eft prefque
toujours de toile de cottoablanche, fine,,
pu de mouiTeline. Elles ont un corfet
blanc à petites bafques, ou de la couleur
de leur juppe de deffous avec une échelle
de rubans. Elles portent des pendants,
d'oreilles d'or ou d'argent, des bagues^
des bracelets, 8c des colliers de petite
raiTade à plufieurs tours, ou de perles
fauflcs , avec une croix d'or ou d'argent.
L e
F R A N C O I S E S DE
Le col de leur chemife, les manches 8c
les fauifes manches font garnies dedentelle,
& leurcoëiîure eft de toile bien
blanche, bien fine £c à dentelle. Tout
ceci doit s'entendre des Negres 8c Negreifes
qui travaillent afîez en leur particulier
pour acheter toutes ces chofes à
leurs dépens. Car excepté les laquais, 8c
les femmes de chambre, il s'en faut bien
que les Maîtres leur donnent tous ces
habits, Se tous ces ajuftemens, ainfi que
je l'ai marqué à la fin de ma fécondé Partie.
Comme les Negrefles font pour l'ordinaire
fort bien faites, pour peu qu'elles
ibient bien habillées elles ont fort bon
air, fur tout quand on eft fait à leur couleur.
Car pour ceux qui n'y font pas accoûtumez,
ils doivent fe contenter de
les regarderpar derriere,autrement elles
leur paroîtront juftement comme des
mouches dans du lait.
C'eft une erreur de croire que nous
falïïons confifter la beauté de nos Negres,
dans la déformité deleurvifâge,
dans degroifes lèvres, avecun nez écrafé.
Si ce goût a été à la mode en Eu-
En fm rope, il ne l'eft point aux liles j on y
cenfifte veut des traits bien réguliers. Les EficT'
P^S'^^i® plus que tousles autres y pren-
^Kegrls. g^rde de fort près, 8c ne regardent
pas à quelques centaines d'écus
de plus pour avoir une belle Negreffe.
J'en ai vû des deuxfexes fa-its à peindre,
Se beaux par merveille. Ils ont la
peau extrêmement fine , le velours n'eft
pas plus doux. Plus ils font d'un beau
noir luifant, 8c plus on les eftime. Comme
ils ont les pores bien plus ouverts que
lesblancs,ilsiuent beaucoup davantage..
êc fentent mauvais s?ils negligent de fe
laver. Il eft rare qu'on leur faffe des reproches
là-defTus quand ils font proches
de la mer ou d'une riviere : car ils font du
naturel des canards.
L ' A M E R I Q . U E . 61
Les Negres de Sénégal, de Gambie,
du Cap-Verd, d'Angolle, 8c de Congo,
font d'un plus beati noir, que ceux de la
Mine, dejuda, d'Mgni, d'Arda, 8e
autres lieux de cette Côte.Generalement
parlant ils font d'un beau noir quand ils
fe portont bien, mais leur teint change
dès qu'ils font malades , & cela fe connoît
eneuxauffi facilement que dans les
Blancs'} parce qu'ils deviennent alors
d'une cou cur de biftre, Se même de cuivre.
Ils font fort patiens dans leurs maladies}
quelques operations qu'on leurA"«-
faife, il eft rare de es entendre crier ou
fe plaindre. On ne peut pas dire que cela ftoiret ns. pa-
TvT i1 enneA dJ '^i In Mfen. fibi1l Ii At. é} car i!l s ont. 1l a ch1 ai• r
très-délicate, 8c le fentiment fort vif,
mais d'une certaine grandeurd'ame, 8c
d'une intrépidité quileurfaitmépriferle
mal, lesdangers, 8c la mort même. J 'en
ai vû rompre tout vifs, fans qu'ils jettaffent
aucun cri. On en brûla un au Fort Exem^
Royal de la Martinique, fans qu'il dît pl^'di
une feule parole} après qu'il fut attaché
fur le bûcher, ildemandaunboutdeta- ^T^de
bac allume, qu'on lui mit àlabouche, l/urmé-
8c qu'il fumoit encore lorfque fcs jam- triste
bes étoient déjà crevées par kviolence
du feu.
Il arriva un jour que deux Negres
ayant été condamnez, l'un à . être pendu
, 8c l'autre à être fuftigé au pied de
la potence} le Confeffeur fe méprit, 8c
confeiîà celui qui ne devoit pas mourir..
On nes'apperçût de la méprife qu'au rac
ment que l'Executeur l'alloit jetter auvent}
on le fit defcendre, 8e on confeffa
celui qui attendoit le foiietaupiedde la
potence, qui monta l'échelle avec autant
d'indifference, que l'autre enétoit defcendu,
8c comme fi ce qui fe paflbit n'avoit
tiré à aucune confequence.
De cette intrépidité & de ce mépris
qu'ils font de la mort, naît une bravoure
qui leur eû naturelle. Ils en ont?
^ î ' donné