i6 NOUVEAUX VOYAGES AUX ISLES
ifiçj. chaque tige, lorfqu'on les plante, afin
qu'elles puiiîent s'étendre, Se laiiTerentr'elles
l'efpace neceiTaire pour recueillir
les infeftes. Il faut avoir foin de tenir le
terrain bien net, & n'y point fouiFrir
d'herbes,pour plufieurs raifons. Premièrement
, pour la commodité de recueillir
l ' i n f e â e , quand il eil tems de le faire;
c a r , quoiqu'on mette des draps autour
des plantes, pour le recevoir, il vole
quelquefoisaflez loin, pour tomber hors
l e d rap,& fe perdre. O n ne court point ce
rifque quand le terrain eil bien net,parce
qu'on peut amaiTer laCocheni l l e par tout
o ù elle eft tombée. En fécond lieu , afin
que le Soleil agifle également fur toutes
les plantes, qui ne croiiTant pas toutes
cga eraent,les plus grandes feroient ombre
aux petites, & empêcheroient leurs
fruits de croître & de mcurir, & enfin
3our éloigner autant qu'il eil poffible^
es fourmis, les vers, & autres infeétes,
qui mangeroient les Cochenilles, que
l ' on trouve en bien plus grande quantité
dans les lieux pleins de mauvaifes herbes
, que dans ceux qui font propres Se
bien fardez.
O n fe fert des pommes de Raquette
3our faire de la gelée, Se de la marmeade,
qui eft très-faine. Se très rafraîchiflante.
On en fait aufli des pâtes, Sc
du firopj Se on en employe lefucoujus
jour donner une belle couleur au roflbiSjSc
autres liqueurs qu'on veut colorer.
I^s Raquettes fervent encore d'un bon
Gelée &
fâte de
fomme
/le Raquette.
fervent retranchement, & d'une puiiTante bar-
{Tuvrir riere, pour empêcher le paiTage dans les
ll^ lieux que l'on veut garder. J'en fis planîranche
ter fept OU huit rangs devant les retranchemens
que je fis faire à la Guadeloupe,
lorfque j e trouvai que le terrain
y étoit propre. Pourvû qu'on ait foin de
les tenir net tes. Se exemptes d'herbes,
elles croiiTent promptement, Sc deviennent
fi touflRics & fi épaifles, qu'il n'y a
rien qui les puiflb forcer.
Elles
Il eft vrai, que ceux qui viennent a t - 1^97.
taquer un retranchement peuvent les
couper à coups de fabre ou avec des faux,
ou jet ter defl'us de grandes clayes furlefqu'elles
ils pourroient marcher fans
craindre leurs piqueures ; mais ce n'eft
pas une petite affaire de couper ces plantes
, Se de les mettre en morceaux pour fe ^'JPfaire
des chemins, Sc arriver ainfi au re-}"/,'^/'
tranchement, il faut bien du t ems , Sc fa- «»
crifier bien des hommes pour cela. Il n'y 'ranchia
guéres plus de poflîbilité de les palTer ^^"¿rt
en les couvrant avec des clayes, parce delaque
n'étant pas toutes d'une égale hau- ^uettis.
teur, Sc d'une égale f o r c e , il eft prefque
impoflible que les clayes ne fe renverfenr,
& pour lors on doit compter que tous
ceux qui fe trouveront defilis, feront des
gens encloùez Sc hors de combat,pourvû
encore qu'ils ayent le bonheur de tomber
d'une maniere, que les épines ne penetrent
pas jufqu'aux parties nobles: car
elles font allez longues pour cela. E t pendant
ce tems-là, croit-on que ceux qui
font derriere ces retranchemens demeu-
Teront les bras croiiez ? N'auront-ils pas
le loifir de faire bien des décharges. Se
tout à leur aife, fur ceux qui les viendroient
attaquer.
L e Pere Plumier Minime dont j'ay
déjà p a r l é , fut averti par un Habitant i^r«
que pour fe garantir des ferpens, dont P^^f^'er
i apprenhendoit beaucoup la rencontre
quand ilalloitherborifer, il n'avoitqu'à fenée.
porter fur lui une certaine lianne, dont
la feiiille reiTemble beaucoup à celles de
la poirée qui n'eft pas encore meure. En
eftïtjC'eft la feule difference qu'on y peut
remarquer : car leurs feiiilles font entièrement
femblables, foir pour la grandeur
Sc la confiftence, foit pour la grofleur
Sc la fituation des fibres, il n'y a que la
couleur des feuilles de la lianne qui font
toujours d'un verd de p r é , fans pâlir ou
jaunir jamais. Se que des deux cotez de
la principale nervûre, elles font percées
de
F R A N C O I S E S DE L'A M E R I CLUE. 17
de deux trous ovales, d'environ deux faire douter de la ver tu prétendue de fa
p L c e s de long , furun poucede large, hannepercee. Onmitenlu.te eferpent
S bort Per e la nomma la perforata ou la hors du flacon pour voir s'il s enfuiroit
hannepercée. 11 m'apporta cette lianne a l'approche d.e la lianne j ma^ nos feravecemprciTement.
Sije l 'avoiscru, j 'en pens font trop braves pour s enfun-,nonaurois
chargé tous nos N e g r e s , pour les feulement il n'en fit pas le femblant, mais
garantir def ferpens, dont nous avions n'aiant nen de meilleur a mordre , il
une aiTezbonne quantité dans nos Can- mordoit la lianne, quand on l approchoit
n e s . M a i s c o m m e i l v i t q u e j e n ' a j o û t o i s trop p è sde lui , ou qu'mi l'entoucho.t.
pasbeaucoupdefoi àfonrapport, il me Alafin ,e k fis tuer,.Se le Pere Minipria
de faire prendre un ferpent afin de me fe defabufa des vertus de fa lianne,
L-edevantmoilexperiencedefalianne. qu'il croïoit fi fures, qu il les avoit deja
Cela fut bien-tôt executé. On m'en ap- ecrites dans fon Journal , après avoir fa,c
porta un qu'on avoit fait entrer dans un avec fa diligence Sc fa propreté ordinaire
gros flacon de verre, il avoit environ la figure de la lianne , de fa racine
deux pieds de l o n g . Se un poucededia- Se de fes feuilles avec plufieurs ferpens
metre. Je mis le flacon entre les mains etendus auprès d'elle. C eit ainli que
du Pere, pour voir comment il feroit bien de Auteurs avancent une infinite
mourir le ferpent qui y étoit renfermé. Il de chofes fur la foi. d 'aut rui , fans preniettaun
morceau de cette lianne dans le . dre la peine de s'en éclaircir par eux
flacon, Se l'y laiiTa un tems confidera- mêmes, qui fe trouvant dans la fuite
b l e , fansque le ferpent enref lent î t , ou fauCes , font iouvent très-funeftés à
qu'il en témoignât aucune incommodité, ceux qui s'en fervent fur leur para-
Cette premiere épreuve commença a le le.
1697.
C H A P I T R E lï L
• DuChataignieTi & de fon fruit ^ des Figuier fauv âge, & desPiftaches.
¿'Emploi quej'avois m'oblige-
^ ant d'aller tous les jours dans
nos bois y pour faire abbattre
des arbres, foit pour briàÎa,
Toit pour les bâtimensaufquelsje fitifois
travailler ; je remarquai que nos Ouvriers
negligeoient le Châtaignie r comme
n'étant propre que pour brûler. Cela
me fit de la peine : car c'eft un des
Defcr'ip- plus gi'ands Se des plus beaux arbres de
tionju l'Amerique, de fon tronc fortent plu-
% T r ' fieursgroflesbranches,chargéesdequantité
de feiilles longues de fept à huit
pouces,épailTes, fermes, fortes, foûtenuës
par des nerv ures grofTes Sc apparentes
: elles ont aiTez peu d 'humidi té, elles
font arrondies par les deux bouts en forme
d'ovale,, leur couleur eft d'im verd
l'om. IL
foncé. La queue qui les joint aux branches
eft d'environ trois pouces de longueur
aflez forte & roide, mais feche Se
caflante. L ' é cor c e de cet arbre cft brune,,
épaifle d'un pouce ou environ / tailladée
Se peu adherente hors le tems de la feve.
L'aubier quoique un peu moins coloré
quelerefte du bois, nekifle pas d'êtretrès
bon. L e bois eft d'un rouge laie, qui
fe décharge aifément enféchant. Ses fibres
font longues, preffées, groiFcs, droites,
Se fort roides. Il eft gras, ne vaut
rien en terreoù ils'éGhauiïè diement Sc
fe pour r i t ; l'eau lui eil auifi contraire.
Mais il eil parfaitement bon à couvert,.
Se capable d'une très- grande chai ge. Sa
dureté. Se la difficulté que nos Ouvriers
pareiFcux trouvent à le fçier, fontcaufe
C q,u'ils