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n o NOUVEAUX VOY AGE S AUX ISLES
4700, tôt moyen de la décrier dans l'efprit de
fon mari ,, ôc de lui faire naître une infinité
de foupçonsi & quand elles n'ont
rien de plus pofitif à dire contre les jeunes,
elles les accufent d'être Sorcières,
& d'avoir fait mourir quelqu'un: il n'en
faut pas davantage, tout autre examen
eft fuperflu, l'accufée paiTe pour convaincue,
on lui caiTe la tête, & on n'en
parle plus.
Les vieilles femmes s'appellent BiM,
c'eft-à-dirc, grande mere, ou la mere
de tout le monde par excellence : tout
de même les vieux hommes fe nomment
Baha^ c'eft-à-dire, le pere par excellence.
La viëilleiTe eft le feul endroit
• qui les rend, ou qui les peut rendre un
peu reipedables.
Lorlqu'ils commencent à fentir les
approches de la faim, les uns vont à
Titres
honorables
des
•vïéilla
g'ns.
ils nobéïjfent
la chaiTe, & les autres à la pêche, chafon
genie,
Il eft prefque
qu ^ , .l.e.s.
inoiii qu'un pere dife à fon fi
qu'il a feizeà dix-huit ans, d'aller à la
chaiTe ou à la pêche, ou que le Maître
d'un Carbet s'avife de dire à ceux qui
demeurent avec lui, d'y aller, ou de
l 'y accompagner, ilpouxroit s'attendre
à un refus bien fee. S'il a envie d'aller
à la pêche ou à lachaiTe, ou quelaneceffité
l'y contraigne, il ditfimplement
comme S. Pierre: je vais pêcher j &
ceux qui ont envie d'y aller, lui répondent
auifi laconiquement que les Apôtres
: nous y allons avec vous 5 Scie fuivent.
Il n'y a point de Peuple au monde
qui foit plus jaloux de fa liberté, & qui
reiTente plus vivement & plus impatiemment
les moindres attaques qu'on
y voudroit donner. Auffi fe moquent-ils
de nous autres, quand ils voyent que
nous portons r e fpe à . Se que nousobéïf-
Ibns à nos. Supérieurs. Ils difent qu'il
faut que nousfoyons les eiclaves de ceux
àquinousobéïiTons, puifqu'ils fcdonnent
la liberté de nous commander, &
que nous fommes aiTez lâches pour exécuter
leurs ordres.
Il n'y a que les femmes à qui on com- obUf
mande dans ce pais-làj & quoique ce-/""®"
foit d'une manieredouceSchonnête, ôc
qu'elles foient accoutumées d'obéïrdès
leur plus tendre jeuneiTe, on ne laiflè
>as de remarquer qu'elles fentent tout
le poids de ce joug. Cependant elles
obéiiTent fans répliqué, ou plûtôtelles
fçavent fi bien leur devoir, & le font
avec tant d'exaélitude, de filence, de
douceur, ôc de refped, qu'il eft rare
que leurs maris foient obligez de les en
faire fouvenir. Grand exemple pour les
femmes Chrétiennes, qu'on eur prêche
inutilement depuis la mort de Sara femme
d'Abraham, Se qu'on leur |5rêchera
felon les apparences jufqu'à la fin du
monde avec auffi peu de fruit qu'on prê^
che l'Evangile aux Caraïbes.
Je dois rendre cette juftice à ces pauvres
femmes Sauvages, que pendant
tout le temps que j'ai été à la Dominique
dans difFerens Carbets , je ne les
ai jamais vues oifives un feul moment.
Elles travailloient fans ceife, & cela
avec tant de paix Sc de douceur, que
quoiqu'elles ne foient pas plus muettes
que les autres creatures de leur efpece,
que l'on voit dans les autres parties
du monde, on n'entendoit pas une
feule parole de coIere entr'elles , bien
que três-fouvent elles euiTeut des contretemps
fâcheux , Sc des travaux trèsrudes
& très-difficiles àfupporter: car il
faut compter que ce font elles qui font 1
tout ce qu'il y a à faire dedans & de- o««/«-
hors le Carbet. Les hommes nefont autre
chofe qu'abbattreles arbres, quand
il y a un défriché à faire, ce qui arrive
rarement. Ils s'occupent encore à la
chaiTe Se à la pefche, & aux autres petits
F R A N C O I S E S D
i ,700, tits ouvrages dont j'ai parlé ci-devant,
^ & voilà tout. S'ils reviennent delà chaff
e , ilsjettent ce qu'ils ont pris à l'entrée
du Carbet fans s'en embarafler davantarge;
c'èftaux femmesà le ramailèr, Se à
l'accommoder. S'ils ont été à la pefche,
ils laiiFent le poiffiîn dans le canot,
viennent fe coucher fans dire une feule
parole. Les femmes doivent courir au
canot, en apporter lepoiflbn Sc le faire
cuire : car elles doivent fuppofer que le
Pefcheur ^faim. On peut dire en un
mot , qu'elles font de véritables fervantes
qui font demeurées dans l'état pour lequel
elles ont été créées, fans s'en être
écartées jufqu'à prefent: graces à la fuperiorité
que leurs maris ont toûjours
confervée fur elles,
les ca- , Les Caraïbes ont trois fortes de langa-
•ràihes ges. Le premier, le plus ordinaire. Se
°r"rt!sfe celui que tout le monde parle, eft com-
¡mgaies. affcété aux hommes.
L e fécond eft tellement propre aux
femmes, que bien que les hommesl'entendent,
ils fe croiroient deshonorez s'ils
> l'avoient parlé, Se s'ils avoient répondu
à leurs femmes en cas qu'elles eulTent la
témérité de leur parler en ce langage.
Elles fçavent la langue de leurs maris,
& doivent s'en fervir quand elles leur
parlent v mais elles ne s'en fervent jamais
1 quand elles parlent entr'elles, Se n'emï
ployent d'autre idiome que le leur particulier,
qui eft totalement different de
celui des hommes.
Il y a un troifiéme langage qui n'eft
connu que des hommes qui ont été à la
guerre, Se particulièrement des vieil-
I lards. C'eft plûtôt un jargon qu'ils ont
ii inventé qu'une langue. lîs s'en iervent
^ quand ils font quelque AiTemblée de confequence,
dont ils veulent tenir les refolutions
fecrettes. Les femmes Se les
jeunes gens n'y entendent rien.
De ces deux premiers langages on tire
E L 'AMERIQJJE. m
une confequence aiTez juf te, quelesfau- jjooî
vages que Chriftophle Colomb trouva conjedans
les petites Mes de l 'Ef t , qu'on a ap- a^r'/ur
pellé Antifles, parce qu'elles fontau vent
des grandes Ifles, Sc qu'en venant d'Eu- caraiíes
rope on les trouve les premieres, n'étoient
point les naturels du pais. Car il
y aune différence infinie entre ceux des
petites Ifles, Se ceux de laTerre ferme
la plus proche, avec lefquels ils font toiljours
en guerre. Se avec ceux que les
Efpagnols ont trouvez aux grandes Ifles,
foit pour la langue, foit pour les moeurs
Se les coûtumes.
Les Auteurs qui ont parlé de leur
origine, croyent qu'ils viennent de la
Floride, Se que c'eft ou le hazard qui
les a portez aux petites Me s , ou que fe
trouvant trop preffez dans leur pais, ou
trop vivement pourfuivis par leurs enne- on peut
mis, ils-ont été obligez de quitter leur
pais natal, Sc d'aller chercher de nou- fontorivelles
terres pour s'établir. Cette penfée pnairts
eft fondée fur ce que certains Indiens de ^^ i'^
la Floride parlent à peu de chofe près le
même langage que nos Caraïbes, ôc ont
les mêmes coûtu mes, ce qu'on ne trouve
point dans aucuns des Indiens des grandes
Mes, Se de quelques endroits de la
Terre ferme, dont le langage n'approche
en aucune façon de celui de nos Caraïbes
, quoiqu'il approche beaucoup de
celui que par ent les femmes.
L a maniere de vivre de nos Caraïbes
eft encore une preuve, qu'ils font étrangers
dans les Mes, puifqu'elle eft toute
oppofée, Se tout-à-fait differente de
celle des anciens Indiens qui les habitoient.
Car ces derniers auffi-bien que
ceux des grandes Mes étoient des gens
fimples, doux, ferviables, affedionnez
aux étrangers, quiferoient toûjours demeurez
dans cet état, fi les cruautez
inoiiies. Se l'avarice infatiable des Efpagnols
ne les avoient enfin obligez de
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