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503 NOUVEAUX VoY
1701. feroient les derniers efforts pour fuivrc
leurs Maîtres, ou pour ie maintenir dans
les bois, en attendant qu'on les vînt
chercher.
L'jiu- J^ m'embarquai le Samecjj au foir,
/fttr/'rtri nous mîmes a la voile le Dimanche 4
iieS: Mai fur les trois heures après minuit.
p l ' f / ° ' - L e Lundy f . nous nous trouvâmes par
letraversdel'lilet à Goyaves. Je penfai
me faire mettre à terre, mais aïantfait
reflexion quej'avois avec moi beaucoup
debagnges, ôccesenfans, jecrusdevoir
m'arrêterdans le VailTeau, efperant d'être
incelTamment à l'Ance du Baillif.
Cependant le calme étant venu, les marées
nous effloterent tellement que le
Mardy matin nous avions prefque perdu
la terre de vûë. Nous portâmes deiTus
toute le refte du jour, & le Mercredy
toute la journée, fans beaucoup avancer,
enfin lejeudy matin nous étions à
trois lieues au large, par le travers du
Bourg. M. Auger nôtre Gouverneur
avoit été averti par un canot à qui j'avois
parlé devanrGoyaves, que j'étois
t'Au- ce Bâtiment, & voyant que le calteurar
mc le reprcnolt, il eut la bonté de dériveà
a jjécher une Pirogue,pour mevenir cher-
^"J'f' cher. Je m'y embarquai tout feuljlaiffantmonNegreàbord,
pour avoir foin
du bage&c de ces enfans, & je mis à terre
fur les trois heures après midy lejeudy
8 Mai , après un voïage de cinq mois
Se douze jours.
Après que j'eus remercié M. ie Gouverneur
de fon honnêteté, je montai fur
un Cheval qu'il me fit donner, & je m'en
allai chez nous au Ballif Le Pere i mbert
témoigna beaucoup de joie de mon retour.
A G E S AUX ISLES
Supérieur à la place de celui qui vcnoic lyo
d'achever le tems de fa Charge. Je le remerciai
11 me dit en gros les affaires delà
maifoiJ, me remit les Livres & ksBroiiillons,
& me pria de mettre promptement
nos affaires en é t a t , parce qu'il avoit refolu
de me mener avec lui à la Martinique
, Se de m'y faire leconnoître pour
de fa bonne volonté, Scle priai
de jetter les yeux fur un autre, parce
que cet emploi ne meconvenoit point
pour le preîent, vû la proximité de U
Guerre, & l'engagement ou j'étois avec
le Gouverneur.
Le lendemain matin je fçûs que le
VaiiTeau avoit enfin gagné la Rade, 6c
qu'il étoit moiiillé. J'envoyai le grand
canotdelamaifon m'attendre au Bourg,
où je me rendis parterre, afin d'aller
enfuite à bord remercier le Capitaine,
le fatisfaire, & prendre fcs enfans, 6c
tout le bagage dont je m'étois chargé.
J'allai d'abord voir le Gouverneur,
qui me dit, quej'allois avoir ua grand
,procès avec le Commis du Domaine,
qui avoiteu avis, quej'avois fix Negres
étrangers à bord, & qui étoit venu lui
demander main forte pour les faifir. Je
le priai de lui donner bon nombre de Soldats,
&de l'obliger de leur bien payer
leur courfe; parce que j'étois fûr qu'on
fedivertiroit aux dépens de ce Commis,
Je lui dis en même-tems ce que c'etoit^j;
que ces Negres, & je partis. J e trou.^ dehi
vai le Commis au bord de la mer, il
s'appelloit le Borgne. Il ne manqua pas
de me faire le compliment ordinaire, Dîwî|
qu'il étoit bien fâché d'être obligé par
^le devoir de fa Charge,, de.faire faifir
les ISiegrcs étrangers que j'avoisdans le
Vaifleau. Jeluidis, quejen'avoispoint
de Negres étrangers. Je pris garde qu'il
s'étoit fait accompagner de Jeux hommes
pour être témoins de ma réponfe.,
Je m'approchai de lui, & je lui dis à
Voreille, que je fouhaitoisaccommoder
l'affaire. Mais lui quicroyoit déjà tenir
les Negres confifquez, me répondit en
hauiîîint la voix, quejememéprenois,
qu'il étoit homme d'honneur, 6c que
ccn'ctoit pas à lui qu'il falloit propofer
des
ii. .'ïri^
1701.
F R A N C O I S E S DE L'AMERLaUE. 501
des accommodemens contre fon devoir, bien. Il voulut l'interroger, & il n'en
Te lui dis qu'on en avoit apprivoifé de pût tirer, quedp mauvaifes reponfes, 8c
plus farouches que lui, 6c que ce qui enfin que: les Negres eçoieot atterre. Le
i e fe faifoit pas en un jour , fe faifoit en Commis voulut y aller auffi-tot, .pour
deux Là-deffus j'entrai dans mon Ca- fçavoir ce qu'ils étoient devenusmais
'm. le Commis y voulut entrer, les Soldats ne le voulurent pas permet-
" " tre avant d'avoir été payez. Après bien
des conteftations il païa, 6c vint à terre.
Il fçût que ces fix petits Negres
ctoient entrez chez le Gouverneur, 6c
quej'y .étois auiTij il y vint fans perdre
de tems. Comme je ï'obfervois, je fis
fortir les Negres par une porte de derrière,
pendant qu'il encroit par la grannot.
-
mais je le repouffai en lui difant, que mon
Canot n'étoit pas fait pour des gens comme
lui. En arrivant au Vaifleau, je
priai le Capitaine de faire charger dans
fa Chaloupe les plus gros coffies, & de
me les faire porter au Baillif, 6c de la
faire partir fur le champ. On chargea
a u f f i - t ô t } je fis mettre par-deflus une . _ , _
toile eaudronnée, qu'on appelle un pre- de porte, 6cje donnai ordre a un de nos
lat comme pour cacher ce qui étoit de- Negres de les faire embarquer fur le
dans, j'y fis embarquer mon Negre —1 . „„
après l'avoir bien inftruit de ce qu'il
auroit à répondre, quand le Commis
les auroit joint, comme je ne doutois
5asc
a C
ment
u'il ne fit, quand il verroit partir
[laloupe ainfi couverte. Effeélive^
iijt.it, le Commis qui étoit au bord de
la mer, penfa fe defefpcrer,lorfqu'ilvit
partir cette Chaloupe, oïi il croyoït que
les Negres étoient cachez. Les Soldats
étant enfin arrivez, il 1 oiiaun Canot, les
fit embarquer, 6f fe mit à courir après
à force de rames ; il fallut faire de grands
éforts pour joindre la Chaloupe. Qyand
je vis que le Canot avoit doublé une
pointe, qui lui cachoit la vûë du Vaiffeau,
je fis defcendre ces enfans dans mon
170t»
champ , 6c de les conduire à la maifon en
toute diligence.
Le Gouverneur demanda au Commis
s'il avoit fait capture. Non, Monfieur,
Jui répondit le Commis, j'ay été trompé,
6c il m'en coûte cinq écus, mais je
fçai bien qui les paiera. J'ai appris que
les Negres font entrez ici avec eur Maître,
M. le Comis, dit alors le Gouverneur,
prenez mieux vos mefures une autrefois,
6c ne venez plus me demander
des Soldats,que vous ne foyez bien informé.
Vous avez dépenfé cinq écus malà
propos, vous ferez heureux d'en être
quitte pour cela : car le Pere Labat eit
homme à vous faire caffer, pour l'avoir
infulté. Il vous avoit d i t , qu'il n'avoit
Canot, je lesfis mener àterie, 8c je les pointdeNegresétrangers,ilfalloitvous
prefentai au Gouverneur, à qui je fis en tenir à fa parole. J'étois allé pendant
voir les pieces, quijuftifioient de qui ils ce - tems-là faire des vifites, je -
revins
dépendoient. Ils étoient tousCreolks,
dîner chez le Gouverneur, où l'on fe
^parloient bien François, 6c il n'y avoit
divertit beaucoup de l'embarras de ce
pas le moindre lieu de foupçonner qu'ils
pauvre Commis. Je n'oubliai pas de
fuffent étrangers, 6c de contrebande}
rapporter à M. Auger la converfation
de forte que îe Gouverneur malgré fon quej'avois eue avec le General Codringferieux,
ne pût s'empêcher de rire de la ton. On convint qu'il ne manqueroit
piece que je faifois à ce Commis. Son pas de fuggerer à la Cour d'Angleterre
Canot atteignit enfin la Chaloupe, 6c il 'entreprifede la Guadeloupe, quand ce
fut bien étonné de n'y trouver que des ne feroit que pour rétablir la reputation
coffres 6c mon N egr e , qu'il connoiflbit de fon pere , qui dix ans auparavant
Tom. IL Q. q . avoiï
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