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£701. battre les Efpagnols, ou les Anglois Se
Holkndois, s'il les avoit trouvez feparémenc.
II auroit pûraiîemblerun plus grand
nombre de T roupe s , mais il y auroit eu
de l'imprudence de le faire, parce qu'il
auroit fallu pour cela dégarnir les Quartiers
du petit G o a v e , deLeogane, &le
Port-Paix,qui éiant très-éloignez les uns
des autres, & par confequent hors d'état
de fefecourir, auroient pCi être infiiltez,
emportez, 6c ruinez par-les Angloisdonton
ne fçavoitpas les deiTeins,
& qu'on pouvoit foupçonner de vouloir
faire desdefcentes dans les Quartiers de
r O u e f t , pendant que les Efpagnols attaqueroient
ceux qui font les plusàl'Eft.
L e fieur de Cuffi s'avança donc avec fon
petit Corps de Troupes jufqu'au Quartier
de Limonade, qui étoit a Frontiere
qui nous feparoit des Efpagnols, £c.ne
doutoit point de les défaire, s'il les pouvoit
combattre feparément. Mais il fut
furpris, quand fes coureurs lui apprirent
queces trois Nations étoient unies, 6c
qu'il les alloit avoir fur les bras dans quelques
momens.
Tout autre que le fieur de Cuffi auroit
pris le parti de fe retirer, & d'aller
fe pofter dans quelque défilé, ou dans
quelque autre pofte avantageux, olì il
auroit pû les attendre, ôc les combattre
avec moins de danger, &plus de facilité.
Mais lui, & les fiensétoienttelle-
Combat ment accoutumez à vaincre, qu'ils conokM.
tinucrent de s'avancer. Ils fe trouvèrent
de c«i7? [jjeij.^ôt en prefence, on fe battit avec
une vigueur extrême, & malgré lafuperiorité
des Ennemis, la vi£toire demeura
en balance pendant près de deux
heures, & peut-être fe feroit-elle déclarée
pour nous, lorfque le fieur de
Cuffi reçût un coup de fufil au travers
du corps, qui le renverfa parterre: il fe
releva pourtant, s'affit, & continua de
donner fes ordres, 6cde combattreavec
tant de fermeté, qu'il tua encore de fa
main trois des ennemis, avant de recevoir
un autrecoup qui luiôtalavie. Sa
mort conïlerna nos gens, ilsfe retirèrent
en défordre ; & n'étant plus en état de
s'oppofer aux Ennemis, ils abandonnèrent
le Bour g du C a p , 6c fe pofterentfur
les hauteurs da Port Margot, où il leur
étoit aifé de fe défendre fi on les eût attaquez.
Ce Combat fe donna dans la favanne
de Limonade le I I . Janvier 1691,
nous y perdîmes le fieur de Cuf f i , quelquesOfficiers,
8c environ cent hommes
tuez fur la p lace, ou qui étant blelTez &
reftez fur le champ de Bataille, furent
inhumainement égorgez par les Ennemis.
Après cette viéloire ,ils s'étendirent
dans lesQuartiers François jufqu'au Cap,
ilspillerent, £c brulerent toutes les Habitations,
£c les maifons i & n'ofant aller
plus avant, ils fe retirèrent chez eux
triomphans d'un avantage qu'ils dévoient
plûtôt à leur grand nombre, 2cà
la mort du fieur de Cuffi, qu'à leur valeur,&
à leur conduite,mais qui leur étoit
d'autant plus glorieux qu'ils étoient
moins accoûtumez d'en avoir defembkble,
puifque c'étoitle premier qu'ils euffent
remporté fur les François en raie
campagne.
L e fieur du CaiTe Capitaine de Vaif-í'í
feau fut nommé en la p ace du fieur de
Cuffi.Ses belles a6tions,& les recompen-»
fes éclatantes qu'il a reçues du Roi , l'ont'''
aflez fait connoître dans le monde , fans"'
que je m'étende ici fur ce que j'en pourrois
dire} & d'alHeurs, il ne me manquera
pas d'endroits d'en parler dans la
fuite. Il vint à S. Domingue,& prit poffeffion
de fon Gouvernement fur la fin
de la même année 1(591. Il s'appliqua
d'abord à reparer les dommages que les
Efpagnols & leurs Alliez avoient fait à
fa Colonie. Il fit reparer le Bourg du
Cap,
F R A N C O I S E S D
. , Cap, rétablit les Batteries, 8c engagea
' les Habitans qui avoient peine à fe refoudre
à demeurer ^ans les Quartiers voiiins
des Efpagnols, à reprendre leurs
Habitations, ôc à les remettre en valeur.
Il favorifa beaucoup les Flibuftiers, &
par fes maniérés genereufes, libérales 8 c
prévenantes, il en attira un très-grand
nombre, qui donnèrent bien de l'exercice
aux Ennemis de la Nation. Il acheva
de policer, 8c de civilifer fa Colonie,
ce qui n'étoit pas un petit ouvra^Ci 8f fes
foins ont eu un fi heureux fucccs qu'on
ivoit regner aujourd'hui la politelTe, le
on goût, la generofité, 8 c les autres
bonnes maniérés , qui diftinguent les
honnêtes gens, au lieu des maniérés impolies,
êc fauvages, en un mot , au lieu
des maniérés boucanieres qui y étoient
autrefois.
L'avantage que les Efpagnols 8c les
Anglois 8c Hollandois leurs Alliez ,
avoient eu fur nousau Cap en 1 6 9 1 . leur
fit efperer de nouschaiTer tout-à-fait de
r i i l e , s'ils pouvoient fe rendre maîtres de
y ^^^la Forterefiedu Port-Paix. Ils firent des
fjrt efforts extraordinaires, pour mettre en
P^ixpar mer une Flotte confiderable, 8c aflem-
^ÎM- bler de nombreufes Troupes, qui atta-
1694?" querent la Fortereffe du Port-Paix au
mois de Juii^ mil fix cent nonantc quatre.
L e Sieur du Cafle qui étoit alors au
5etit Goave , ne fut averti de l'entre-
Jrife des Efpagnols, que quand il ne fut
'lus tems d'y apporter du remede. Le
'ort fut pris 8c ruiné en partie, comme
^ je le dirai ci-après} le Bourg fut brûlé
auffi-bien que celui du C a p , 8c les Ennemis
aïant fçû que le Sieur du CaiTe raffembloit
des T roupe s , 8c qu'il avoit rappellé
tous les Flibuftiers qui étoient en
mer, fe retirèrent chez eux, fansprefque
aucun butin, 8c fans que le dommage
qu'ils nous avoient caufé, pût ni les
Tom. IL
E L ' A M E R i a U E . Í1 5
enrichir, ni payer les frais de leur armement,
ni nous nuire aflez, pour nous
obliger à abandonner nos Quartiers. Le
Sieur du Cafle y mit un fi bon ordre , ,
qu'en très-peu de tems, ce qui étoit brûlé
fut rétabli, 8cles Habitans encourager
par fa pi-efence reprirent le foin de leurs
Terres, 8c de leurs Manufactures avec
plus d'ardeur que jamais.
Mais il n'en demeura pas-là:ilcrutqu'il Le sUur
falloit faire une correétion fraternelle aux ^"JT*
Anglois de la Jamaïque , 8c leur apprendre
à ne pas fe mêler de nous venir partie de
inquiéter. Il fe fervit pour ce deflein de J'^-
quatre Vai iTeauxduRoi , qui paffierent
à la Côt e : il y joignit quelques Navires
Marchands, qu'il arma en guer re, avec
tousles Batimens des Flibuftiers. Il mic
fur cette Flotte quinze àfeizecent de fes
Habitans 8c Flibuftiersj car les Vaifleaux
n'aïant que leurs Equipages, ne fournirent
aucunes Troupes de débarquement,
8 c il fit voile du petit Goave le 1 6 Août
de la même année 1694.
Il fit fa premiere defcente le 2 0 du même
moisàlaRade des Vaches dansl'Ifle
de la Jamaïque, qui appartient aux Anglois,
qui eft la plus grande de toutes leurs
Ifles, 6c la plus riche, la plus nombreufe,
8 c la plus confiderable de leurs Colonies.
Les Anglois furpris, ne purent s'oppofer
à la defcente: ils fe rallièrent cependant
en aflez grand nombre, 8c eurent lafatisfadion
de fefaire bien battre, 8c d'être
cnfuite les témoins du pillage que les
François firent de plus de fept lieiies de
leur pais, d'où ils enleverent grand nombre
d'Efclaves, de meubles, d'attirails de
Sucreries, de marchandifes, d'argenterie,
8 c autres effets précieux. A mefure que
les lieux étoient pillez, on y mettoitle
f e u , 8c on détruifit ainfi, 6c on ruina
de fond en comble toutes les Habitations
, Sucreries 8c Villages qui fe trouvèrent
dans cette étendue de pais.
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