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3r4 NOUVEAUX VOY
L e Cacao des liles du Vent efl: le
plus petit. Celui de Saint Domingue,
de Couve & de Port-ric eíl de même
figure, c'eft-à-dire, comme je viens de
le décrire , mais toûjours plus gros,
mieux nourri, & plus pefant. Celui de
la Côte de Caracqueeft plus plat & plus
grand , 6c reflemble beaucoup à nos
groiTes fèves de marais ; voila toute la
différence que l'on remarque entre tous
les Cacaos.
^ Lorfqu'ils font fees , ils font tous
d'un rouge brun. Je ne fcaioù le Capitaine
Dampiere a appris qu'il y avoit des
Cacaos blancs. Je fçai par une infinité
de perfonnes qui ont trafiqué au JVlexique,
aux Côtes deGuatimala,deCartagene
& de Caracque, qu'ils n'ont jamais
entendu parler de cette efpece de
Cacao} mais ce n'eil pas la plus groiTe
bcveiie de cet autheur.
Ce que je viens de dire fuffit pout
donner une Idée aflez diftinfte du Cacaotier
& de fon f rui t , dont je décrirai
la nature, l'ufage 6c les propriétez,
après que j'aurai donné la maniere de
planter & de cultiver l'arbre qui le porte,
celle d'en accommoder le fruit pour le
tranfporter dans toutes les parties du
monde, 6c d'en connoître la bonté ou
les défauts.
En parlant de la maniere dont on
fait les nouveaux défrichez, ou les noufourKHe
velles habitations, j'ai die que ceux qui
Cacao- deilinoient leur terrain pour faire une
ii^'-e. Cacaotiere,devoient avoir un foin tout
particulier delaiiTer de fortes lizieresde
grands arbres qui environnent cet endroit,
ou du moins qui le couvrent fur
tout du côté qui eft expofé aux vents réglez
qui foufflent ordmairement dans le
país. Mais comme il peut arriver de
grands accidens par la chute de ces arbres,
lorfqu'ils font renvericz par quelque
ouragan, il eft plus fûr de faire des li-
Zitresdoubles ou triples d'orangers, de
AGES AUX ISLES
choix
du terrain
coroflaliers, ou de bois immortel, parce
que ces arbres par leur foupleiTe refiftent
miiTamment aux vent, 6c qu'au pis aller
leur chute ne peut être d'une extrême
confequence ,c'eft-à-dire, qu'ils ne peuvent
pas bnf e r , en tombant , les Cacaotiers
qui feroient à côt é d'eux, comme
der arbres plus gros 6c plus branchus
ne manqueroient pas de faire. Je dois
encore adjoûter à cet avis, qu'il eft
tres-bon de couvrir ces lizieres de quelques
rangs de bananiers 6c de figuiers
dupaïs. Ce que j'ai dit de ces plantes
dans ma premiere partie, 6cla defcription
que j'en ai faite, montre qu'elles
croiflent fort vite, qu'elles garniiTent
beaucoup, 6c font un très-bon abri,
outre l'utihté qu'on trouve dans leur
fruit.
Ce n'eft pas aiTez qu'une terre foit
bien a couvert des vents, il faut qu'elle
loit vierge, quand on la veut mettre
en Cacaotiere ; c'eft-à-dire, qu'elle n'ait
jamais fervi. Les Cacaotiers demandent
tout le fuc 6c toute la grailTe de la terre.
L'experience a fait connoître à plufieurs
habitans qu'il eft inutile de les planter
dans des terres qui ont fervi, quoiqu'on
les ait laiiTé repofer pendant plufieurs
anneesi & que quelque foin qu'on fe
donne, où ils ne viennent point} où
s'ils viennent, ils durent très-peu, 8c
ne rapportent jamais de beau huit, ni
en abondance. La raifon de cela eft que
le Cacaotier eft un arbre extrêmement
délicat dans toutes fes parties} il ne
pouife qu'une feule racine, aflèz petite
& tendre, qui ne pénétré dans la terre
qu'a proportion de la facilité qu'elle
trouve à y entrer, 6c à s'y nourrir. Il
elt vrai que cette racine principale qui
eft comme lepi vot de l'arbre, eft accompagnée
de quelques autres plus petites,
mais qu'on ne peut regarder que comme
de la chevelure qui s'étend autour
du pied de l'arbre fans entrer dans la terre
F R A N Ç O I S E DES L 'AMERIQUE. îJ f
d'une terre profonde} de forte que fi à
quatre, cinq, ou fix pieds audeffous
de la furface de la terre il fe trouve
des bancs de rocher, ou des amas de
pierres, il eft certain que dès que la
racine y eft arrivé, elle fe recourbe fur
elle même , elle cciTc de profiter , 6c
l'arbre qu'elle entrctenoit , dépérit a
vijë d'oeil.
r»plus de deux ou trois pouces} de
forte que fi la terre eft dure, (echc
ufée, comme font toutes les terres des
Ifles pour peu qu'elles aient fervi, la
racine principale n'a pas aiTez de torce
pour la percer 6c la pénetrer, ôc elle
cft contrainte de fe recourber fur elle
même, d'où il arrive, que ne trouvant
par la fraîcheur 6c la graiiTe qui lui eft
neceffiure, elle fe feche bien-tôt, 6c
l'arbre qu'elle foûtenoita lemêmefort}
au lieu que quand elle rencontre une
terre neuve, qui n'a point été foulée,
Se qui a encore toute fa force, elle la
pénétré aifément, elle s'y étend, s'y fortifie
} 6c y trouvant la fraîcheur 6c le
fuc en abondance, elle produit un bel
arbre, 6c des fruits en quantité.
Il faut encore avant de fe déterminer
à mettre un terrain en Cacaotiere, le
fonder en plufieurs endroits} car rien
n'eft fi ordinaire que de trouver des
terres graiTes 6c belles , chargées de
beaux arbres, 6c qui cependant n'ont
pas de profondeur. J'ai remarqué dans
un autre endroit que les arbres de l'Amérique
ont peu de racines en terre} la
nature les foiitient par des cuifles larges
qui occupent beaucoup de terrain, ou
par des racines qui courent toutautour
de leur pied , n'entrant prefque point
dans la terre. Le climat toûjours chaud
6c humide leur donne le moien de croître
ôc de pouifer continuellement 6c fans
interruption, fans que leur racine travaille
fous terre, comme il arrive dans
les pais froids, ou du moins dans ceux
où Phiver fe fait fentir, dans lefquels
la racine croît 6c fe fortifie dans la terre,
pendant que le refte de l'arbre demeure
dans l'inaélion Le Cacaotier eft prefque
le feul des arbres de l'Amerique
dont la racine pouffe en terre fans interruption,
6c fans que l'arbre ccffe de
croître, 6c de produire des fleurs êc des
fruits} c'eil pour cela qu'il a bcfoin
u V U . ^
Il n'en eft pas de même des terrains
où l'on trouve du fable à une diftance
raifonnable au deffous de la fuperficie,
ou bien une terre graffe, ou, comme on
dit, une terre à potier, ou un terrain
graveleux. La racine du Cacaotier s'en
accommode} quoi qu'elle les perce avec
peine, elle y pénétre 6c s'y établit; 8c
fi elle n'en tire pas autant de fuc que
d'une bonne terre franche , du moins
elle n'eft pas obligée de fe recourber,
ce qui la fait fecher infailliblement.^
J'ajoute encore une autre qualité au
terrain que l'on deftine à faire une Cacaotiere.
Il faut qu'il Ibit frais} les lieux
bas, unis, voifins d'une riviere, coupée
par quelques petits ruiffeaux font
admirables pour cet ufage. Il ne faut
pas non plus qu'ils foient d'une^ trop
grande étendue, ni auffitroprefferrez}
les arbres feroient étouft'ezdans ceder- Eieniìm
nier cas, 6c trop expofez au grand air, ¿"C-ià
la chaleur 6c au vent dans le premier.
Une Cacaotiere de deux cent pas en
quarré, mefuredes Ifles, c'eft-à-dire,dc
cent toifes ou environ, eft d'une bonne
grandeur. 11 vaut mieux feparer en
plufieurs quarrez de cette grandeur fon
terrain 6c les couvrir de bonnes haies,
que de l'expoferaux inconveniens dont
je viens de parler , en faifant un plan
d'arbres d'une plus grande étendue.
Les revers des coitieres, ou les terrains
qui ont beaucoup de pente, quelque
bonne qualité qu'ils puiffent avoir
d'ailleurs, ne font jamais bons à faire
une Cacoyere : outre qu'ils font toûjours
plus