i ' T Î llji!: ^: ' :„! l i
l é ' •
"•"if.t i 'Pllf
198 NOUVEAUX
V O Y A G E S AUX ISLES
1700. qui fontau commencement de ce paflage.
La. Onlcsnomme laMone, la Monique &
ne, la Zachée. Comme je n'étois pas prefcnt
CfZachée.
on leur a impofé.ces noms, on
me difpenfera d'en dire la raifon. Nous
doublâmes la pointe de l'Enganno le
jour de S. Eftienne. Nous commençâmes
fur lefoir à trouver du vent , qui par
fa fraîcheur nous fit efperer de finir bientôt
cet ennuïeux voïage. Mais nôtre
petit Capitaine & fon P i lote, auffi ivrognes
l'un que l'autre, & pour le moins
auffi ignorans, n'eurent pas plûtôt fait
cinquante-cinq ou foixante lieuësaudéjà
de ce Cap, qu'ils fe mirent en tête
qu'ils avoient dépafle le Cap François,
¿cjettoient l'un fur l'autre la caufe de cette
erreur d'une maniéré fi vive, qu'ils
furent vingt fois prêts à en venir aux
mains. Les Fiibuftiers que nous avions
à bord, & les Matelots du Navire fe
nioquoient de ces deux habiles Pilotes,
& ne travailloient point du tout à les
mettre d'accord: au contraire ils flatoient
le Capitaine fur la juftelTe de fon
eftime, ce qui le mettoit de fi bonne
humeur, qu'ilfaifoitaufîi-tôt pelrer les
meilleurs pieces de v in, & failbit boire
tout fon monde comme à des nôces. Cependant
la conteftation croiflant, il reiblut
de virer de bord, & de remonter
au vent pour chercher le C a p , fefaifant
plus de foixante lieues de l'avant de fon
Navire, qu'il difoit être un très-excellent
voilier, quoique dans la vérité ce fût
la plus mauvaife charrette, & la plus mal
attelée qui fût peut-être jamais fortie
de Bordeaux. Comme je vis que cette
mauvaife manoeuvre nous.feroit perdre
bien du temps, je cherchai le moment
d e l e trouver un peu raifonnable j .&
l'aïant trouvé, jele perfuadai de ne point
changer de route. Il me promit de iuivre
monconfeil, &lefit. Le lendemain au
foir nous vîmes MonteChrifto. C'eft une
groile montagne fort remarquable, & ij,,
une mai-queaflurée pour trouver le Cap. <
Cette découverte réjoiiit tout le monde.
Comme il étoit tard,' on mit à lacappe
toute la nuit. Le matin nous nous trouvâmes
en calme. Le vent étant revenu,
nous fîmes fervir nos voiles, Se nous entrâmes
dans le Port du Cap François à
une demie-heure de nuit. Les Pilotes
Côtiers s'étoient rendus à bord un peu
après midi ; & nôtre Capitaine n'aïanc
plus rien à faire, fe mit à boire mieux
qu'il n'avoit encore fait, 6i fi: fi bien les
honneurs de fonVaiiIeau, qu'on nel'avoit
point encore vû fi ivre. Les Pilotes
Côtiers n'étoient gueres plus raifonnables
5 de forte que nous nous vîmes cent
fois prêts à nous brifer contre les rochers
fous leur conduite. - ,
Il étoit fi tard quand on eût achevé
d'amarrer leVaifleau, que nous refolûmes
de coucher à bord. Nous eûmes tout le
loifir de nous en repentir ; car tant que
la nuit dura, le Vailîeau fut toûjours
plein de gens qui fuccedoientlesuns aux
autres, pour.demanderdes nouvelles, ou
plûtôt pour boire. Nôtre Capitaine faifoit
merveille : il fembloit à afin qu'il
fe defenivroitàforce de boire. Ilbuvoit
à tous venans, 8c fes Matelots fuivoient
parfaitement bien fon exemple, le tout
aux dépens de la Cargaifon j ou de ceux
qui la devoient acheter, qui achetant le
plus fou vent autant d'eau que de vin, car
on a foin de tenir toûjours les futailles
pleines, & la plus grande faveur qu'on
puiflb efperer de ces fortes de gens, eil
qu'ils les rempliiTent d'eaù douce, car
fouvent ils ne fe donnent pas la peine d'en
chercher d'autre que celle de la mer,
fans s'embarrafler qu'elle gâte abfolument
le vin dans lequel on la met.
G H A-
^Part.V. Tii^.t^.