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544 NOUVEAUX VOY
'70i les plus gras, Scies plus délicats qu'il y
e û t , je croi, au relie du monde.
Le foin des travaux Publics m'occu-.
pant alors tout entier, Se ne me permettant
plus de me partager cntr'cux Se
la conduite du temporel de nôtre'Miffion,
je refolus de me décharger de ce
dernier embarras J e rendis mes comptes,
& je donnai la démiffion de mon emploi
au Pere Imbert Supérieur de la
Miffion, parce que ne l'ayant accepté
qu'à fa feule confideration, je fçavois
•que l'approche des Anglois lui faifoit
peur , Se qu'il vouloit quitter fa Charg
e , Se fe retirer à la Martinique, oii il
feroit bien moins expofé au bruit du Canon
qu'à la Guadeloupe.
M. Auger nôtre Gouverneur fut fâché
de la démarche que j'avois faite. Se
crut quejevouiois me iervir de ce prétexte
pour me retirer. Il m'en fit parler,
par le Lieutenant de Roi , à qui je fis
réponfe, que mon deiTein étoit de repaiTer
en F rance, après que j'aurois eu le
plaifir de voir comment les Anglois nous
attaqueroient, Se comment nous nous
défendrions. Je dis la même chofe au
Gouverneur quand il m'en parla, Sci
A G E S AUX ISLES
quoiqu'il me fît voir les lettres qu'il écrivoit
en Cour , où les fervices que j'avois
rendus, Se que je continuois de rendre
n'étoient pas oubliez, non plus qu'un
voïage que j'avois fait incognito, en de
certaines Ifles, dont on auroit pû profit
e r , je lui dis que mon parti étoit pris,
Se que je voulois me retirer en mon
Convent, après que nous aurions vii les
Ennemis, à moins que mes Supérieurs
n'y miiTent des obftacles invincibles.
Le Pere CabaiTon Supérieur general
de nos Miiîions revint à la Guadeloupe
deux ou trois jours avant Noël} il fit
femblant de n'être pas content de ma
démiffion, Se me dit, que je lui ôtois
par là les moyens de faire pour moi ce
qu'il auroit voulu faire. Mais il y avoic
trop long-tems que nous vivions enfemble,
pour ne nous pas connoître ; 2c
quoiqu'il me fût redevable du Polie
qu'il occupoit, il nem'avoit pas donné
lieu depuis un certain tems d'être content
de lui. Je lui répondis à peu près comme
j'avois fait au Gouverneur; Se je continuai
à travailler uniquement pour le
R o i , iàns plus me mêler en aucune
maniere des affaires de nôtre Maifon.
Travaux
C H A P I T R E XX I V .
extraordinaires que l'on fait dans les IJles ^ pur s'oppfer
aux Ân^kis.
5E premier jour de l'année
1703. j'allai avec le Supérieur
général de nos Miifions
faluer M. Auger nôtre
Gouverneur. Il nous arrêta à dîner,
après quoi ayant tiré le Pere Cabaflbn
en particulier, il lui dit, qu'il ne paroiiToit
guéres naturel, qu'il me laiflat
iàns emploi; mais qu'il le prioit de ne
17«,
pas penfer à me retirer de la Guadeloupe,
où il avoit abfolument bcfoin de
moij qu'il y alloit du fervice du Roi}
que la Cour en étoit informée} qu'en
un mot, fi le changement qu'il alloit
faire dans nôtre Maiion l'obligeoit à me
placer autre part , ilfouhaitoit qu'il remît
fon deflein à un autre tems. Le Pere
CabaiToo n'eu: garde de lui refufer ce
qu'il
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f r a n c o i s e s d
qu'il lui demandoit: il lui promit encore
davantage, —f ^ " - ' "
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Se même pour lui faire
voir qu'il "vouloit contribuer autant
qu'il le pourroit à la défenfe de l'iile}
i lui dit, qu'il feroit faire avec plaifir
la Tour dont le Gouverneur lui avou
parlé autrefois, à quoi iln'avoit jamais
voulu confentir, ce qui étoit en partie
caufe de nôtre refroidiflement, parce
qu'il s'étoit mis en t ê t e , que c'étoit moi
qui avois infpiré ce deflein à Monfieur
Auger. V „ <
Cette Tour devoit etre a 1 embouchure
de nôtre Riviere. Le Gouverneur
fouhaitoit qu'elle fût du côté del'Eil,
& moi, qui comptois d'en faire un
Corps-de-Garde, pour aiTùrer nôtre
Habitation contre les furprifes Se les
defcentes que les Ennemis pourroient
faire pendant la nuit pour nous piller,
je voulois qu'elle fût à rOiieil de la
même Riviere fur le bord de nôtre
favanne Se delà mer} Se afin que ceux
qui feroient dedans ne puflent être furpris
, ni nous laiflèr furprendre, je n'y
voulois point d'autre porte pour y entrer
qu'une échelle qu'on auroit tirée à
E L ' A M E R 1 Q _ U E . ?4 r
lui expliquer ce que ce Latin vouloit di" i703-
re. Je lui répondis un peu malicieufement,
foi quand on auroit été dedans : après
quelques conteilations, il fut refolu, où
qu'elle fe feroit fur nôtre terrain, c'eftà
dire,àrOùeilde la Riviere ,puifqu'elle
fe devoit faire à nos dépens.
J e ne fçai quelle mouche piquoit ce
jour-là le Pere Cabaflon} mais il montroit
une impatience extrême de voir
commencer cet ouvrage ; Se comme le
Gouverneur, qui avoit refolu d'aller le
lendemain aux trois Rivieres, le remettoit
à fon retour, pour choifir le lieu, Sc
en déterminer la grandeur, il lui répéta
plus de dix fois avant de le quitter, ces
paroles de l'Evangile, qued factsfac citius.
Après qu'il futfort i , M. Auger qui
n'entendoit point le Lat in, me pria de
quec'étoient les paroles que Nôtre
Seigneur Jefus-Chriil avoit dit à
Judas, pour le prefler d'achever fa tra-
"hifon. Voilà d'impertinent Latin, me
dit-il: hé! pour qui me prend le Pere
Cabaflbn ? je le trouve admirable, de me
parler comme à un Judas. Je lui expliquai
enfuite plus au long la penfée du
Pere CabaiTon, Se tâchai de lui faire
comprendre qu'il n'avoit prétendu autre
chofe que de lui montrer l'empreflement
qu'il avoit défaire faire cette Tour , Sc
le prier de n'en pas retarder l'execution.
Mais avec toutes mes explications, Sc
tous les emplâtres que je pus mettre fur
la plaïe que j'avois faite, il enrevenoit
toûjours à dire qu'on ne devoit pas fe
fervir de ces paroles en parlant à un honnête
homme.
L e Mardy fécond jour de l'année
j'accompagnai le Gouverneur aux trois
Rivieres, où nous demeurâmes fix jours,
tant pour faire achever les ouvrages que
j'avois tracez, que pour faire faire ceux
qui étoient neceiTaires aux deux avenues
de la Montagne du dos d'Afne,
M. Auger avoit refolu de faire le
Réduit. J'y marquai un Camp, Se il
nomma un Officier de ce Quartier-là
pour montrer aux Habitans qui viendroient
y faire leurs Baraques , Sc y
apporter leurs effets, les endroits qu'ils
devoient occuper. Nous ne revînmes
que le Dimanche au foir feptiéme Janvier.
Je demeurai tout le Lundy chez
nous à aider au Pere Imbert à dreffer
les Comptes qu'il devoit rendre depuis
que j'avois quitté le foin de no«
affaires.
Le Mardy neuvième Janvier Monfieur
Auger fe rendit chez nous. On
choific le lieu où l'on bâtiroit laTour,
je la traçai, Sc fur le champ on fe mit
X x 5 à
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