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540 NOUVEAUX VOY
ï 701. vé par ceux quiavoient fait cette décharg
e , enragez d'avoir tué leurs gens, en
croyant tirer fur les François. Cç Parti
étoit d'environ quatre centhomnaes,qui
s'étoient embufqucz. en cet endroit, pou.r
attendre le Sieur de Courpon, qui avoit
évité leur rencontre en paflant par leurs
derriers, fans qu'ils l'eullent ajspcrçii.
On fit embarquer tous nos François ,
£c au lieu de les conduire aux Ifles du
Vent, comme on avoit lieu de l'efperer,
après ce q u e le Major General avoit
promis, les Anglois les voulurent faire
tranfporter à S. Doraingue, après les
avoir pillez contre la bonne foi de la
Capitulation, fous de vains prétextés,
dont on ne manque jamais. Ils retinrent
M. deGennes en otage, pour la fûreté
des Barques qu'ils fournirent pour le
tranfport de la Colonie. Mais la plupart
de cesBârimensne firent pa^ un auffi long
voïage que celui de S. Dominguej nos
gens les contraignirent moitié de gré,
& moitié de force, de prendre la route
de la Martinique, dès qu'ils furent hors
de la vûë de S. Chriitophk; de cette
manière la plus grande partie de la Colonie
vint à la Martinique & à la Guadeloupe
, oij j'eus le plaifir de recevoir
mon bon ami le Capitaine Lambert, &
de lui fournir tout cequi lui éroit neceffaire,
pour aller joindre (a faradie, qui
étoit déji arrivée à la Martinique.
Les Barques Angloifes qui allèrent
jufqu'à S. Doraingue furent fort longtems
a revenir à S. Chriftophle. Le
Comte de Gennes y fut retenu jufqu'à
leur retour, après qupi le General Anglois
lui rendit fes Nègres & fon Bagage
, S^lui donna un PaiTe-port pour fe
retirer oîi bon lui fembleroit. Ilfretaun
petitBâtiment, pour porter fur fa C om té
d'Oyac en la Ter re- Ferme de Cayenne,
les Negres que les Anglois lui avoient
rendus, £c quelques autres qu'il a.voji
A G E S AUX ISLES
achetez, étant bien aife de ne point aller 170^^
à la Martinique, avant d'avoir des nouvelles
duSecretaired'Etat, à qui ilayoic
donné avis de ce qui lui étoit arrivé. 11
fut encore malheureux dans cette occafion.
Ion Bâtiment ne put remonter au
vent comme ii falloit faire ,pour gagner
Cayenne} de forte que le terme de fon
Pa,ire-pQrt étant expiré , il tomba entre
les mainsd'un Corfaire Hollandois, qui
le conduifit à S .Thomas, oti il fut déclaré
de bonne prife, malgré tout cc
qu'il put dire & faire, pour conferver
les débris de fon bien. Il arriva enfin à
la Martinique vers le mois d'Août 170 5.
L e Sieur de Machaut auffi Capitaine de
Vaiileau, & qui étoit Gouverneur General
des Ifles depuis quelques mois, le
fit arrêter auffi-tôt, & mettre en fûreté
dans le Fort S. Pierre , où le Sieur
Coullet Major de la Martinique commença
l'inib-uilion de fon Procès felon
l'ordre qu'il en reçût du Sieur de Machaut,
à qui la Cour avoit ordonné de
le faire, mais d'une maniéré qui lui fût
a^-reable, puifqu'elle ne fouhaitoit pas
qu'on le trouvât coupable, ni qu'on le
condamnât,à moins qu'il ne fût convaincu
d'une lâcheté outrée dans cequis'étoit
pafl'é à S. Chriftophle. Ce procès fut
très-long. Le Comte de Gennes fe défendit
de fon mieux, le Sieur dcV almeinier
fut mis encaufe, auffi-bien que le
Sieur de Châteauvieux, &C on fit des
procedures contr'eux.
Il ne paroiiToit pas que le Comte de
Gennes eût rien à craindre,puifque comme
je l'ai fait voir ci-devant, on étoit
fi perfuadé à la Martinique, qu'il ne
pouvoir pas conferver fa Coloni e , fi elle
étoit attaquée par les Anglois, que le
Commandeur deGuitautLieutenantGeneral,
& M. Robert Intendant avoienc
voulu envoyer des Barques,pour enlever
toute la Colonie, & la tranfporter aux
autres
ijl •
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE. Î 4 I
ipi. autres I f les Françoifes peu de jours jvanc
qu'on eût des nouvelles certaines de la
Declaration de la Guerre.
Je croi pouvoir me difpenfer de rapporter
ici quantité de pieces que le Comte
de Gennes produifît pour fa juftification:
il convainquit de faux trois miferables,
quiavoient dépofé contre lui,
& les plus honnêtes gens du païs lui
rendirent fervice, & dépoferent en fa faveur.
Malgré tout cela, voyant que fon
affaire prenoit un mauvais train, il recufa
quelques-uns de fes Juges, & même
le fieur de Machault, ôcpropofafes
caufes de recuiiition i & comme il eut
avisqueleMiniftre avoit ordonnéqu'on
fît entrer dans le Confeil de Guerre le
fieur de Saujon , qui commandoit le
Vaiffeau du R o i la T h e t i s , qu'on attendoit
àtousmomens, avec fes Officiers,
pour examiner fon affaire, il fit ce qu'il
)ut pour retarder fon jugement julqu'à
, eur arrivée; mais ce fut en vain, on
paila par-deíTus tous ces ordres > & fans
attendre perfonnc , le Comte de Gennes
fut tranfporté du Fort Saint Pierre au
Fort Royal , d'une maniere dure & ignominieufe
: la ComteiTe fa femme n'eut
plus permiffion de le voir, à moins qu'elle
ne voulût demeurer relTerrée en prifon
avec lui fans en plusfortir, & il fut jug
é dans le mois d'Août 1704. 6c condamné
comme atteint & convaincu
d'une lâcheté outrée dans ce qui s'étoit
paiTé à Saint Chr i f tophle, à être dégradé
de NobleiTe, & privé de la Croix de
Saint Loiiis, 8cde tous les emplois dont
il étoit revêtu.
- Le Comte de Gennes appella de cc
Jugement au Confeil du Roi , 6c prit
íes Juges, & leur Greffier à Partie} 6c
peudejours après, le VaiiTeau du Roi
la Thetis arriva, dont le Capitaine avoit
ordre de porter en France le fieur de
Gennes avec les procedures quifetrounm.
II.
veroient avoir été faites contre lui. 170^'
A l'égard des fleurs de Valmeinier
6c de Château-vieux tous deuxLieutenans
du Roi de la même Ifle, il ne fut
rien ftatué touchant le dernier; & à l'égard
du premier, il fut fufpendu de
l'exercice de fa Charge pour fix mois,
parce qu'on prétendit qu'il ne s'étoit pas
oppofé aflez vivement à la reddition de
Saint Chriftophle, comme fi dans la iituation
011 étoient les chofes, & vû la
foiblefle delà Colonie, il avoit pû faire
autre chofe quede confeiller d'attaquer
les Ennemis du côté de Cayonne 6c de
la Cabeft:erre, pour fe joindre à l'autre
partie de la Colonie, ou la chofe n'étant
pas trop faifable, ni trop fûre, il
ne mérita pas plûtôt des loiianges que
du blâme, d'avoir fçû tirer des Anglois
le meilleur parti qu'on en pouvoir attendre,
comme on l'a vû par la Capitulation.
L e Comte de Gennes fut embarqué
fur ce Vaifleau avec le fieur de Valmeinier
, mais ils eurent le malheur d'être
pris par les Anglois, 6c conduits à Plimouth,
oij le Comt e deGennes mourut
lorfqu'il étoit fur le point de palier en
France, où fon innocence n'auroit pas
manqué d'être reconnue, 6c fa réputation
rétablie} ce quieftfi vrai, quedepuis
fa mort , le Roi a donné des Penfîons
confiderables à fa veuve, 6c à fes
enfans, 6c pour faire connoître l'eftime
qu'il faifoit de lui, & combien il étoit
éloigné de faire la moindre attention au
Jugement qui avoit été rendu contre lui ,
i l lui a confervé dans les Brevets 6c Or -
donnances des Penfions accordées à fa
veuve, 6c à fes enfans, les qualitez de
Comte, de Chevalier de Saint Loiiis,
6c de Capitaine de fes Vaifleaux : à quoi
il a ajoûté que ces Penfions font accordées
à fa famille en confideration de fa
fidélité, 6c de fes bons 6c agréables fer-
X X Tices.
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