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470 NOUVEAUX VOY
170;. les avoient pû faire retirer du vailTeau
échoué} il leur donna fa chambre, &
les traita, auffi-bien que tout fon équipage,
avec beaucoup d'honnêteté & même
de refpeêt. Elles me firent prefent de
^'•¡zi'es deux Bagues d'or à charnieres. On tra-
"TICT' pcrfcâ:ioii il ces fortes d'ouvrages
à la Barbade. Ces bagues font compofces
de petits morceaux de charnieres
doubles, travaillées fi délicatement,que
quand elles font au doigt, on diroit qu'elles
font d'un feul cercle entier j & dès
qu'on les en tire, elles fe ramaflent en
un petit paquet gros comme la quatrième
partie d'une noiiette.
J'avois reçus tant d'honnétetez à la
Barbade Se autres liles Angloifes, où
j e m'étois trouvé, que je fus ravi de
trouver l'occafion d*en marquer ma reconnoiiTance
à ces Dames par tous les
fervices que je pus leur rendre. J'engageai
Daniel à leur promettre de les
mettre à terre à S. Chriftophe, ou à
quelques autres de leurs Mes, fans les
conduire chez nous, & à leur rendre
leurs Efclaves. Le prix en fut fixé, &
on promit de fe contenter de leur promefle,
s'il arrivoit qu'on fut obligé de
les mettre à terre dans un lieu où elles
n'euiTent pas de credit} de forte qu'elles
eurent lieu de fe louer de la politefle
de nos Flibuftiers. Elledefcendoientà
terre quand elles vouloient, & étoient
fervies 6c obéies à peu près comme chez
elles.
On vifita le bâtiment échoué, &on
travailla auffi-tôt à le décharger-, car
nos gens fe mirent en tête de le rele-
Ter, parce qu'il étoitneuf, percépour
pieces, & qu'il en avoit aftuellement
24. L'on difoit que l'eau qui y
étoit jufqu'à moitié de la grande écontille,
étoic entrée par dehors, &qu'affurément
le fond étoit fain. On ôta les
peroquetsSc leshuûiersj que l'ontrou-
A G E S AUX ÏSLES
va encore entiers 8c debout , les An- iToj.
glois s étant contentez de defenverguer
es voiles pour faire des tentes. On ôta
le canon, les ancres, & généralement
tout ce qu'on enput tirer, Sctoutétoic
porte a terre, & rangé comme dans un
Magazin. Je n'ai jamais vû travailler de
meilleure grace. Nosprifonnierss'yemploioient
à l'envi de nos gens. On faiioit
grande cherej & des qu'on eut tire
du fond de calle quelques pipes devin
deMadere, & de Canarie, avec force
cidre & bierre en banque & en bouteilles,
c'etoit un plaifir de voir tout le
monde boire, manger & travailler i mais
des que lanuit étoitvenuë, Danielfailoit
rembarquer tout fon monde avec fes
deux Dames, Sclaiflbitfurl'Iflelereite
de fes pnfonniers fous des tentes qu'ils
avoient fait avec leurs voi les.
Le Lundi nôtre Vigie, e'eil-àdire
celui qui étoit en Sentinelle au haut
de notre maft,cria qu'il voïoit une voilej
Il etoit environ neuf heures du matin,
& nous achevions de déjeûner. Auffi-tôt
mut le monde fut à bordi on offrit aux
Dames de les kilTer à terre, avec promeiTe
de les venir reprendre dès qu'on
auroit vû de quoi ils'agiiToit. Elles aimcrent
mieux courir les rifques de fe
trouvera un combat, quede demeurer
fur l'Ille. On les fit defcendre à fond
de calle, oil il y a moins de danger. Nous
reconnûmes que c'étoit une barque, &
nous vîmes bien que c'étoit ce que nous
attendions j il étoit de l'honnêteté d'aller
au devant de ces gcns-là, quand ce n'auroit
été que pour leur montrer le mouillage.
Nous portâmes deiTus, en leur
gagnantle vent, en moins de trois horloges
nous fûmes à bord, & il ne nous
en coûta que deux coups de fufîl pour
lesfaire amener. C'étoit une bonne gran- <tunt
de barque, qui avoit huit canons, & '"'V'
vingt hommes d'équipage, LeCapitaine
du
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQ_UE. 471
fyoj, du vailTeau échoué la commandoitj il reconnut qu'il étoit crevé, 8c la quille 17c
nous dit qu'il avoit une caiche avec lui, rompue 5 en un mot , il étoit trop incomdont
il s'étoit efflotté pendant la nui t , modé,pour être rajuilé, ôcainfi biendu
mais qu'elle ne pouvoit pas tarder à pa- travail perdu,,ôc bien des plaintes conroître.
On fitpaller if.de nos nouveaux tre ceux qui avoient prétendu qu'il pouholles
fur nôtre barque, 5c on mit vingt voit être remis à flot: cependant on le
des nôtres fur la prife, 8i l'on l'envoia à vuida entièrement. Son left étoit prefque
r i f l e d'où nous étions partis. Cependant tout deplomp en plaques 8c en faumons,
la caiche parut plûtôt que nous ne fouhai- & d'eilain. Nous deleftâmes nos deux
tions, car nous ne voulions pas qu'elle barques} 6c au lieu de cailloux, nous les
découvrit deux bâtimens au lieu d'un, leftâmes de ces métaux avec quelques
avec lequel elle étoit partie. L e malheur barils d'acier en verge, du fer en barres,
nous en voulut, elle nous vit tous les & des barils de ferremens. On avoit éten*^
deiix, 8c fe doutant bien decequi étoit du fur le fable les étoflrs 6c les toiles
arrivé, elle ne fe fit pas prier pour faire mouillées de l'eau de la mer j pour les
vent arriéré. On ne jugea pas à propos fécher un peu, car à moins de es bien
de lui donner chafle, non pas que nous laver en eau douce, elles ne féchentjadoutaflions
de laprendre, cela étoit cer- mais entièrement. On chargea cependant'
tain, mais parce que nous aurions été nôtreprifede tout ce qu'on y put mettropavantlevent,
8ceu parconfequent tre, viandes falées , vin de Madère
trop de peine à remonter. 8c de Canarie, bierre 8c cidre, l'étain
Lacaichen'a.quedeaxmâtsdroits,8c 8c fer travaillé, cordages, toiles à voi-
» . Ti» _ J Tl 1 _ * /T" 1 1 rt ^
, u.a «ii.iii.iun iaijj «. iiiuiLc ».iiaigc, 1 lucparoiiioïc c
defougue. Cesfortesdebâtimens,com- toute couverte de marchandifes.
me il eft facile de le voir par cette def- Le Jeudi i f . nousapperçûmes au point p^ire
Gripdon, ne font bons que vent arriéré} du jour nôtre caiche environ à une lieue d-Je
ils ne fervent d'ordinaire que pour la de nous} on mit pavillon Anglois à nos (^aiçhe,
charge. J'ai pourtant vû une caiche que deux barques, 8c on la laifla approcher,
nos Flibuftiers avoient armé en courfe, Elle vint tranquillement mouiller auprès
qui n'a pas laiiTé de faire un bon nombre de celle qui étoit partie avec elle de
de prifes} parceque lesbâtimensnes'en Saint Chriftophle. Celui qui lacommandéfiant
point,lalaiifoientapprocher, ne doit s'étoit mis en tête, que les deux
mouvant croire qu'oneut armé une fem- bâtimens qu'il avoit vû étoient ami.';
jlable charette, 6c étoient ainfi les du- puifqu'on ne lui avoit pas donné chafle^
pes de leur erreur. & fur ce beau préjugé i avoit fait depuis
Nous revînmes moiiiller auprès de trois jours bordées fur bordées, pour fe
nôtre navire échoue fur les fix heures venir faire prendre. Ses compatriotes le
penferent defefperer à force de fe mocquer
de lui,pendantquenousle remercions
de la peine qu'il avoit pris , de
venir nous aider à tranfporter nos marchandifes
} 8c efFc£tivemcnt nous lui
car après qu'il fut redreffé, on étions obligez, cir faiis lui il filloit en
O G o z la-iTer
du foir}nous mîmes fur l'Me les nou
veaux venus, 8c dès le lendemain matin
on fe remit à travailler de toutcsfes
forces à achever de décharger le navire,
afin dele redreíTcr, mais ce fut inutilement:
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