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N O U V E A U X VQY'AGES AUX ISLES
Uliurs
duCataojMr^
d'une très- belle couleur de chairj Sç cette
partie eft fi tendre & il delicate, que le
nioindrevent, oulesraions dufoleilla
grillent très-facilement. Les fibres ou
nervures qui foûtiennent la feuille approchent
beaucoup de celles de la feuille du
Cerifier, leur nombre dépend de la grandeur
de la feuille.
On ne voit jamais cet arbre entièrement
dépouillé de fes feiiilles, celles qui
tombent font remplacées auffi-tôt par
celles qui font prêtes à paroître.
Il fleurit & porte du fruit deux fois
chaque année,, comme prefquetous les
arbres de l'Amerique.On pourroit meme
aiTurer qu^il produit pendant toute l'année
, puis qu'on ne le trouve jamais
fnns fleur ou fans fruit. Cependant les
récoltés les plus abondantes fe font vers
lèsSoIftices, c'eft-à-dire, vers Noël &
la S. Jean ; avec cette différence pourtant
que celle de Noël eH: toujours la
meilleure.
Si on confidere le fruit du Cacaotier
il y a lieu de s'étonner qu'un fi gros
fruit vienne d'une fi petite fleur. Je
croi que c'eft une des plus petites qu'il
y ait au monde. Le bouton qui la renferme
n'a pas deux lignes de diametre,
ni trois de hauteur. On y remarque pourtant
dix feiiilles, lorfqu'il efh ouvert,qui
forment une petite coupe ou calice, au
centre duquel eft un petit bouton allongé,
cantonné ou environné de cinq filets
& de cinq étamines. Les feiiilles font de
couleur de chair pâle avec des taches Se
des pointes rouges. Les filets font d'un
rouge de pourpre,,, & les étamines font
d'un blanc argenté, & le bouton eft d'un
blanc plus matte : c'eft ce bouton qui
produit le fruit. Ces fleurs n'ont aucune
odeur; elles ne viennent jamais feules,
mais toujours par bouquets dont la plûparttombent
à terre, auifi-bien l'arbre
ne pourroit ni foûtenir les fruits,fi toutes
les fleurs noiioient,; ni leur donner la
nourriture neeeflairç.
On ne voit point ces fleurs, au bouc
des branches comme aux arbres d'Europe,
elles ibrtent depuis le pied de
Tarbrc, jufqu'au tiers ou environ des
cinq grolTes branches. On remarque
qu'elles nailîent aux endroits où il y
avoiceu des feuilles lorfque l'arbre étoiç
encore jeune > comme fi ces endroitî^
oil l'on voit encore la marque de la
queiie de la fciiille, étoient plus tendres
& plus faciles à pénétrer^ ou à s'ouvrir
que le refte.
Les fruits qui fuccedent à ces fleurs Fruhr
rçfl'emblent à des Concombres pointu?'^«c«»^
3ar un bout, partagez dans toute leur
ongueur comme les Melons à côtes, parfemez
de petits boutons & autres inégalitez.
L'écorce de ce fruit felon fa groffeur&
râge de l'arbre qui l'a porté, peut
avoir depuis trois jufqu'à cinq lignes,
d'épaifleur,. & le fruit entier depuis fept
jiîfqu'à dix poûces de longueur, fur
trois à quatre pouces de diametre.
La grofleur de ce fruit fait fentir la,
raifon pourquoi la nature l'a placé autronc
de l'arbre 8c au gros des cinq bran^
ches principales qui fortent delà- tête de
l'arbre j, car s'il venoit au-boutdes branches,
il feroit impoflible à l'arbre de
foûtenir un fardeau fi pefant,, les branches
romproient, & le fruit feroit perdu.
On remarque des Cacaos de trois cmeouleurs>
les uns font d'un blanc pâle, l^andistirant
un peu furleverdi.les autres font^"^"'
d'un rouge foncé; les troifiémes font
rouges Scjaunes. Cela fe doit entendre
de l'écorce; car le dedans 8c les amandes
qui y font renfermées, font toute»
de la même couleur, même fubftance,
même goût; ce qui fait que ces trois
couleurs ne font pas trois efpeces de Cacaos.
Il n'y en a qu'une feule dans les
Ifles comme dans la T.erre-fcrme, n'en
déplaife à François Ximenés 8c autres
Ecrivains qui l'ont copié, qui en font
qua'-
'Jmnils
lie
iiiii.
F R A N C O I S E S
D E L'AMERIQLUE. jf j
quatre efpeces, parce qu'ils ont vû des
arbres de quatre grandeurs difièrentes,
fans faire reflexion que cette difi^erence
de grandeur Sede grofleur peut venir de
l'âge de l'arbre, du terrain oii il eft
planté, de fon expofition au foleil, ou
au vent, & desaccidensqu'ila eu dans
fa croiflancc.
C'eft peut-être la bevûede cet Ecrivain
qui a engagé le Sr.Pomet Marchand
EpicierDroguiftedediftinguerle Cacao
en gros 5c petit Caracque, gros 8c petit
des Ifles. Je n'ai jamais entendu parler
de cette diftin&ion , ni en Amérique,
ni en Efpagne, ni en Italie. J e conviens
qu'on trouve des amandes de Cacao plus
grofles les unes que les autres , comme
on trouve fur un même Pommier des
pommes de différentes grofleurs ; mais
comme on ne s'eft pas encore avifé de
faire des différentes efpeces de pommes,
à caufe de cette feule circonftance,
auiTi les gens de bon fens ne doivent
pas faire quatre fortes de Cacaos, à
caufe qu'i s trouvent des amandes de
groifeurs différente». Jeleurenfeignerai
dans la fuite à connoitre le Cacao de
Caracque d'avec celui des Ifles Antifles
& celui de Saint Domingue , Couve,
& la nouvelle Efpagne.
Les Coifes,comme on dit aux Ifles,
ou lesGoufles; pour parler plus correctement,
font d'une couleur de chair pâle
par dedans. Elles renferment une fubftance,
pulpe ou mucilage de couleur
de chair pâle,, afléz legere, 8ctrès-delicate,
imbibée d'une liqueur aigrette,
à peu-près du goût des pépins de Grenade.
C'eft cette pulpe qui environne les
amandes que nous appelions Cacao j
elles y font attachées par des petits filamens
extrêmement délicats, qui partent
du gros bout de l'amande qui y portent
la nourriture, & la fait croître.
On ti'ouve prefque fans y jamais man-
quer vingt-cinq amandes dans chaque
Cofle. Il eft très-raie d'en trouver
moins, fi ce n'eft dans des CoflTes avortées,
ni d'en trouver un plus grand nombre.
Les arbres qui font puiflans, bien
nourris Se dedixàdouze ans, n'en portent
pas plus que les jeunes, mais elles
font plusgrollës } 8c c'eft toute la différence
que j'ai remarqué dans les Cacaotiers
des Ifles du Vent ôcde Saint Domingue.
Comme j e n'ai point vû ceux
de là Côte de Caracque &de la nouvelle
Efpagne, j e n'en puis pas parler pofi-^
tivement. Je croi pourtant , 8c avec une
jrobabilitc afl^ez bien fondée, que c'eft
a même choie qu'aux Mes, & que la
froflïur des amandes fupplée au nomre
qui feroit neceflTaire pour remplir
la capacité des Cofles,, qui font aflluxment
plus groflës.
Les Amandes, Graines ou Cacaos des
Ifles font longues depuis neuf jufqu'à
douze lignes ; elles font plus ovales que
rondes, pointues par les deux bouts, mais^
inégalement, y ayant un bout plus gros
que l'autre ; elles ont depuis cinq jufqu'à
fept lignes de diametre. La chair
en eft blanche tirant tant foit peu fui^
la couleur de chair. Elle eft compaéte,
afléz pefante pour fon volume y lors
qu'on la tire de la Cofle, elle eft hui-^
leufe 8c amére, fort douce au touch er
8c couverte d'une pellicule de même
couleur, fort unie.
Lorfqu'on rire de terre dès graines qui
y ont iejourné deux ou trois jours, Sc
qui fe diipofent à rompre leur envelop--
pe, on voit que la fubftance de l'amande
n'eft autre chofe que deux feuilles pliffées
& engagées l'une dans l'autre d'une
maniéré admirable , qui partent d'un^
jetit piftillerond8clong d'environ une
igne, pofé au gros bout de ramande,quii
eft le germe de l'arbre , 8c qui poufle
en terre la racine ^ui le foûtient 6c qut
le nourrit.
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