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zSá NOUVEAUX VPYAGES AUX ISLES
i7oi. grandes richefles des Habi t aos , ils n'ont
pû venir à bout d'en faire un, parce
qu'ils n'ont piâ encore convenir à quelle
mrnhre Religion il feroit aiFefté, 6c que l'enauroit
furpaiTé infiniment leurs
de Mi,- forces, 8c s'il avoit fallu bâtir autant de
nijlres. Temples qu'il fe trouvoit parmi eux de
Religions ou de Seftcs différentes. Cependant
généralement parlant, il n'y a
que deux Religions dominantes à Saint
Thomas, & il me femble que cela eft
aflez honnête pour un auffi petit lieu,
c'eft-à-dire, la Lutherienne & la Calviniile.
Celle-ci avoit-ordinairement
deux Miniftres, un François,& un Hollandois.
La premiere n'enavoit qu'un,
qui parloit Flamand & Allemand. J e
ne fçai pas s'il étoit de la Confeilion
d'Ausbourg, ou de quelqu'autre Reforme.
Chirur- Un Chirurgien François, qui étoit le
feul Catholique Romain blanc qui fût
l ' i f l e , vint au-devant de moi dès
thalique queje mis pied à ter re, & me d i t , qu'étant
de même pais, & de même Religion
que moi , ilefperoit quej e prefererois
fa maifon à toute autre. Je crus
d'abord qu'il tenoiccabaret, & jene fis
point de diiïiculté, ni de ceremonie
d'acepter fon offre. Mais quand je vis
que c'étoit un Officier d'Efculape, je
lui¡ demandai excufe de maméprife, 6c
je voulus faire porter mes hardes ailleurs.
Il ne le voulut jamais permettre, £c il
engagea même M. des Portes à demeurer
avec moi. Il envoya chercher une
blanchiiTeufc, à qui je donnai tout mon
linge, qui confiftoit en deuxchemifes,
deux calçons, trois mouchoirs, un bonnet
de nuit, & une paire de bas de coton.
Les Efpagnolsm'avoient débarafle
du furplus, & mon Negre s'étoitdonné
la liberté de vendre une partie de ce
que nous avions retrouvé. Ce mime
Chirurgien me fit la barbe & les cheveux
, & eut l'honnêteté de me preiler
du lingue, fans quoi j'aurois été obligé
de faire faire deux leffives. M. des Portes
étoit à peu près dans le même cas.
Lorfque nous fûmes en état, nous allâmes
faluerle Gouverneur. Le Maître
de la Barque lui avoir déjà porté nôtre
Pafle-port, & il fçavoit , qui nous étions
avant que nous "^ous prefentaffions au
Fort .11 nous reçût avec beaucoup d'honnêteté,
& nous arrêta à dîner. Il étoit
Danois : il avoit voïagé en France, en
Efpagne, & en Italie. Il parloit François
aflez correftement.Laconverfation
roula fur l'avenement du Duc d'Anjou
à la Couronne d'Efpagne. Il nous en Bit
parla en homme de bon fens, & nous ""
d i t , qu'il comptoit la Paix finie, Scune^^
longue Guerre commencée. jj;
Entre autres Domefbiques qui le fervoient,
il avoit deux jeunes Negresde
douze à quatorze ans, les mieux faits,
& les plus beaux enfans qu'on pût voir.
Comme il vit queje les regardois attentivement,
il me demanda fi cesNegres
me plaifoient.Jelui dis, que s'ils étoient
en d'autres mains, & qu'ils fuffent à
vendre, j'en donnerois volontiers cinquante
piftoles de chacun. Il me répondit
, qu'ils n'étoient point à vendre, mais
qu'ils éroient à mon fervice, & nonfeulement,
il me preiTadeles accepter,
mais il me les envoya à mon logis. Je
les lui ramenai, ôcje ne voulus pas les
prendre, à moins qu'il n'en reçût le
prix. Nous en demeurâmes de part 6c
d'autre fur la civilité. Quoique je n'euffe
pas d'argent avec moi pour cette emplette,
j'étoisbienfûr de n'en pas manquer.
Il y en avoit dans nôtre Barque,
éc d'ailleurs j'en »aurois trouvé chez les^
Marchands de nôtre connoiilance. „
Après dîné j'allai voir M. Vambdliit
Direéleur de la Compagnie Danoife. Ilf^'J
me reçût avec toutes iortes d'honnêtetez.
F R A N C O I S E S DE L'AMERIQUE; 287
tez II me dit, qu'il étoit bien fâche que Croix d'or au col. Elles médirent, que
l'évacuation de l'IOe de Sainte Croix leur Maître & leur Maîtrefle avoient
lui eût fait perdre l'occafion de yoir fou- grand foin de les inf t rui r e , 8c de les faivent
nos Peres, £c de leur rendre fervi- re confefier quand il paiToit quelque Ec
iioti
ce comme il faifoit, quand cette Ifle
étoit habitée. Que depuis ce tems-là, il
n'en avoit vû aucun, 8c qu'il croyoit que
j'en uferois avec lui comme mes Confreres
en avoient ufé, 8c quejeprendrois
mon logement chez lui. Je le remerciai,
8c je lui dis l'engagement où j'étois,
mais je ne pus m'empêcher de lui promettre
de venir manger chez lui. Il tient
une efpece de table ouver te, pour tous
les honnêtes gens qui viennent dans
clefiaftique dansl'Iile.
J'écris ici l'exemple de M. Vambel,
pour couvrir de confufion une infinité
de Maîtres Chrétiens non-lèulement des
Mes, mais encore d'Europe, quin'onc
aucun foin du falut de leurs Domeftiques,
ccoommee ss 'iulss nn 'yy étoient pas obligez,
8c que les paroles de l'Apôtre ne
s'adreflaflent pas à eux : fi quelqu'un n'a
pas foin des fiens, 8c particulièrement
de fes Domeftiques, il a renoncé à la
l'Iile, 8c c'eft"la Compagnie qui la lui foi, 8c eft pire qu'un infidele.
paye. Nous y foupâmes. Il y avoit un Marchand Hollandois M.Phrè
M. Vambel étoit marié depuis peu établi dans le Bourg nommé Pierre
avec une Françoife de Nîmes en Lan- Smith, que j'avois connu à la Martiguedoc,
que la difference de Religion, nique. Je le trouvai qui m'attendoit au chand
8c le chagrin d'avoir quitté fon païs, logis de nôtre Chirurgien : _ il venoit
n'empêcha pas de nous faire bien des m'offrir le fien, 8c nous prefla fort M.
amitiez. des Portes 8c moi de l'accepter. Il m'of -
J e remarquai une chofe chez M.Vam- frit de l 'argent, 8c tout ce qui étoit en
bel, qui me fit un vrai plaifir. Ce fut fon pouvoir. Il envoya chercher des lique
quelque tems après le foupé, on fon- queurs chez lui, 8c du chocolat pour
nousregaler. Nousl'allâmes voir le lendemain
matin, il nous pria àdînerj 8c
comme nous lui dîmes , quenous étions
engagez chez M. Vambel. Il nous dit,
qu'il prenoit fur lui l'engagement, 8c
que M. Se Madame Vambel dîneroient
avec nous. Nous prîmes du chocolat, 8c
allâmes nous promener dans le Bourg Se
au Comptoir. Je fis prefent à Madame
P'uié h na une c oche, pour appeller tous les
U.& Nègres Chrétiens à la priere. Madame
Vambel alla voir fi perfonne n'y mantoW.
quoit. Son mari me dit, qu'il y avoit
long-tems que fes Efclaves Chrétiens
n'avoient fait leurs devotions. 11 me
pria de les confeffer, 8c de les inftruire,
8c médi t , que quoiqu'ils ne fuflent pas
de fa Croïance, il étoit perfuadé qu'étant
Chrétien, il devoit avoir foin de Vambel d'un paquet de Vanille, Se de
leur falut , puifqu'il croyoit qu'ils pou- quelques Vafes de terre figillée. J'en
voient fe fauver dans leur parti comme
lui dans le fien. Je loiiai fon zele, Se
l'exhortai à continuer, l'ailûrant que
Dieu recompenferoit cette bonne oeuvre
en lui donnant les lumières dont il
avoit befoin, pour aflûrer fon falut.Je fus
donnai autant à Madame Smith. Je
remarquai qu'on me regardoit beaucoup
quand je paiTois dans le B o u r g , 8c qu'on
fe mettoit aux portes, & aux fenêtres
pour me voir. Ces Meilleurs me dirent,
qu'on s'étoitdêlaccoûtuméde voir nos
furpris que toutes les Negreflès qui fer-• Religieux depuis qu'on avoit quitté
voient Madame Vambel avoient des Sainte Croix. Cela m'obligea d'envoyer
Ü0 2 cher-
» 1.