On s’attend peut-être que, pour rendre ce prétendu miracle
plus éclatant, les Brames guérirent tout-à-fait cet homme :
c’en ce qu’il aurait failu faire, & ce qu’iis n’entreprirent point;
malgré cela, le Roi fort fatisfait, & ne doutant point du
miracle, le mit en colère contre les Miniftres de Baouth,
les chaffa & renverfa fes idoles; dans le moment les Brames
arborèrent leur étendard, 8c leur religion fut reçue pour fe
véritable.
■Cette religion n’exclut point l’idée du Dieu de l’Univers,
dit Grofe; iis admettent des dieux lùbalternes, mais dépendans
d’un Dieu fupérieur & plus puiflant, & c’eit ce qui forme
parmi eux quantité de feéles.
C ’eft bien dommage que les lumières de la nouvelle Loi
h’éclairent pas un auflï beau peuple, qui fait depuis ii longtemps,
dit M. Holwell, l’ornement de la création : fi cependant,
ajoute cet auteur, eela fe peut dire d’aucun peuple qui exifte
fur ia lûrface de notre globe.
Selon prefque'tous les Doéleurs Gentils, il y avoit ait
commencement une femme appelée Paraxaüi, ce qui lignifie
très-excellente & très-fublime puijfance: cette femme eut trois
fois.
Le premier qui vint avec cinq tètes, fut nommé par la
mère Brama, qui veut dire fcience; il reçut d’elle le pouvoir
de créer feul toutes les choies vifibies & invifibles.
Le fecond fut appelé Vixnou ; la mère lui donna le
pouvoir de conferver tout ce qui avoit été créé par fon frère.
Le troifième, qui vint comme le premier ayec cinq têtes,
fut nommé Rutren, par fa mère, & elle lui conféra ie
pouvoir d’anéantir tout ce que fes frères auraient créé &
confervé.
Ces
Ces trois frères, qui font les trois Dieux füpérieurs des
Gentils, eurent pour femme, difent ces Docteurs, la mère
qui les avoit engendrés.
Ii paroît par-ià que les Indiens admettent dans la Nature,
trois principes, un principe créateur, un principe confervateur,
un principe deftruéteur; & il eft à remarquer que le
principe créateur & le deftruéteur ont apparemment befoin,
feion l’idée des Doéteurs Gentils, de plus de force & de vertu
que le confervateur, puifqu’ils donnent cinq têtes à chacun,
d’eux, & que le principe confervateur n’en a qu’une.
Cette doélrine des trois principes, avoit fans doute pafle de,
i’îude dans l’occident de l’Afie lorfque Mânes fit fon héréfie
des deux principes.
C e iÿftème des trois principes eft prefque généralement
reçu de tous les Doéteurs Gentils, comme nous l’avons dit;
mais ii a donné naiftànce à cinq feéles principales qui partagent
les Doéteurs à la côte de Coromandel; les uns veulent que
Paraxaâi foit fouie la caufe de toutes chofes, & que, par
conféquent, on doit l’adorer en cette qualité comme le feul
Dieu véritable.
D ’autres prétendent que ce foit Brama.
D ’autres, & ceux-ci forment ie plus grand nombre, fou-,
tiennent que c’eil Vixnou qu’on doit reconnoître pour premier
principe.
Quelques-uns attribuent cette éminente qualité à Rutren,
II y en a enfin qui ne veulent pas qu’aucun de ces trois
frères en particulier, foit Dieu; mais conjointement avec
Paraxaéli.
Par ce court expole, l’on voit que, quoique les.Gentils
ifosiaccordent pas entr'eux en fait de doélrine, iis recouupiifent
Tome I. u