T o u t ce dont je puis convenir avec Vous, eft que ce mauvais temps
eft v enu deux jours après ia Nouvelle lu n e , comme il en arrive
fouvent d’autres trois à quatre jours avant où après la Nouvelle
ou Pleine lune.
Je place ici la route que nous avons fui vie depuis Nicobar,
ju fqu ’à Négapatnam , où nous avons attéri.
Le 17 .
Latitude obfervée. . . . . . ............................................................... 7 J 45*
Longitude eflimée depuis Nicobar à l’Oueft. 2. 35
Le 18.
Latitude obfervée. 8J 9'
Longitude eilimée...................... 4 . 3 5
D u 1 S au 2 4 , on ne put voir le Soleil à midi; ce }our-là on
obferva la latitude de 1 o degrés 3 9 minutes : nous nous faifions
de 2 2 lieues environ à l ’E l l de Négapatnam.
Dep u is le 2 2 nous cherchions à entretenir la latitude de 1 o degrés
7 minutes ; & nous gouvernions en conféquence pour attérir au
fud de Négapatnam que les cartes de M . Daprès mettent à 10
degrés 3 5 minutes ; la latitude que nous oblèrvames le 2 4 de
10 degrés 39 minutes, nous fit voir que nous avions été portés
dans le N o rd de 32 minutes, ou d’environ 1 1 lieues : après midi
on mit la route à i'Oueft-fud-oueft. C e c i confirme ce que m’avoient
dit les Pilotes portugais ; & fi les courans , à plus de ving t lieues
de la c ô te , nous ont portés dans le N o rd , d’environ onze lieues,
ils doivent etre plus rapides à une moindre diftance de la côte. Il
faut donc de toute nécellité fe méfier des courans, lorfqu’on vient
à cette côte en Mars & A v r i l ; & il faut toujours attérir au Sud de
l ’endroit où l ’on veut aller mouiller ; avec cela dans cette faifonon
trouve à cette côte les vents de Su d-e lt au S u d , qui ont beaucoup
de fo r c e , avec lefquels on va avec la plus grande facilité du Sud
au Nord : mais quand on eft une fois dans le N o r d , 011 ne peut
revenir fur lès pas ; il fau t, fi l ’on veut gagner dans le Sud , s’élever
beaucoup dans i ’E f t pour y chercher d’autres vents ; de façon que
pouf
pour remonter de vingt à trente lieues , on emploie fouvent
quinze à ving t jours.
Nous fondantes à différentes repriiès pendant la nuit, nous trouvâmes
d’abord cent ving t braffes ; vers le matin nous eûmes v in g t ,
puis trente braffes.
L e 2 j , dès que le jour nous éut permis de v o i r , nous aperçûmes
fort loin devant nous un Vaifîèaü mouillé, cela nous fit
penfer que nous n ’étions pas loin de la côte; car nous ne pûmes
pas voir la terre : à n e u f heures on fonda , & on trouva fond à
quatorze braffes. Notre pilote ayant ju g é que ce ttefon de le mettoit
fur le banc qui eft au Nord de l ’île de Ce y lan , il fit gouverner
au Nord-oueft; à onze heures, nous commençâmes à diftinguer la
cô te , & à midi, nous vimes très-diftintftement Négapatnam,
C e tte terre, ainfi que toute la côte de la prefqu’ île fur le golfe
de B en g a le, eft une terre b a lle , & pour ainfi dire n o y é e , q u ’on
n aperçoit fouvent que lorfqu’on n ’en eft plus qu’à .trois à quatre
lieues. L a fonde ne s’étend point ici à foixante lieues au la rg e ,
comme fur la côte de Malabar; douze braffes de fo n d , ne vous
mettent q u ’à une lieue & demie à deux lieues de la terre : il eft vrai
que cette côte eft fort faine, & q u ’on a ici quelques fignes de terre.
O n m’a afluré que iorfqu’on eft proche de 1a côte , le Vaiffeau fe
couvre le loir d ’un fèrein abondant, & le matin d’une rofée copieule.
Les brifes du large & les brifes de terre font encore un fîgne certain
du peu d’éloignement dont on eft de la côte : cependant ces fignes
ne fe rencontrent pas toujours ; il feroit fort imprudent de les
attendre pour fe méfier de la terre.
A trois heures après midi, nous mouillâmes à Négapatnam. Depuis
notre débouquement du détro it, le v ent de la mouffon du Nord
nous a conftamment accompagné jufqu’à Négapatnam. Pendant
tout ce temps , je n ’ai pas vu lever ni coucher le Soleil une
feule fois. C ’étoit quelque chofe de trè s -fin gu lie r que de voir
l’horizon le matin avant que le Soleil fe levât ; je ne fais fi quelqu’un
l’a remarqué. L ’horizon étoit fans nuages & fort net en apparence ,
Tome I. K k k k