Pour revenir au ferpent capel, j’obferve en fécond lieu
que cet animai ne rampe point a la façon des autres ferpens
qui fe fervent de tout leur corps pour fe traîner ■; c eft-a-dire ,
que ie ferpent capel fe traîne fur deux à trois petits plis feulement
qu’il forme de ia moitié de fon corps & de là queue, &
c’eft en cela que je crois différer beaucoup de Koempfer, car
après ia pompeufe defcription quil a faite de ce ferpent, il
me paroît donner à entendre que ia nature eft de rampei :
ii dit en effet, que/or/que ce ferpent veut entrer en combat, il fe
drejfe (fur fa queue ), le corps élevé & tout droit, étend arro-
gamment des déux côtes de fa tete fes deux ailes, qui font les
fignes de fa colère. Or je n’ai point remarqué que ce fût dans
un moment de colère que ces ferpens s eiêvaffent ainfi fur
leur queue, & fiffent montre dé leur chaperon (car c’eft
ainfi qu’on doit appeler leurs prétendues ailes) : je me
rappelle parfaitement bien que lorfque mon jeune homme
eut mis, félon mon defir, ces ferpens fur le plancher de ma
iàlle, pour me donner le plaifir de les voir ramper, ils refterent
la tête & le corps levés, comme on les voit dans la figure
que j’en donne : je fus dans le plus grand etonnement de
les voir dans cette attitude ; j’avois penfé qu’ils ailoient
ramper comme les couleuvres ordinaires ; je crus donc dans
le premier moment que je les v is , car je ne faifois attention
qua leur tête, qu’ils ne bougeoient pas de leur place; mais
je m’aperçus bientôt que chaque ferpent tiroit de fon cote
pour fuir .& pour s’échapper, en fe traînant màjeftueufement
fur deux à trois plis. Il eft fans doute dans la nature de ce
ferpent d’être toujours fur la défenfive quand il le tranlporte
d’un lieu à un autre.
Koempfer prétend, çn troifième lieu, que ces Charlatans
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . «12$
qui font danfer les couleuvres, les privent, avant tout, du
venin que ces reptiles ont dans les gencives à côté de leurs
dents canines, comme il les appelle ; & la raifon qu’il en
donne, eil qu’il arrive quelquefois à ces gens d’être mordus
par ces ferpens, qui leur font de légères bleftures d’où fort
le fàng, & cela fans aucune conféquence : mais 11e feroit-ce
point une adreffe de ces Charlatans, qui fe feroient adroitement
de petites incifions pour mieux jouer leur rôle &
vendre leurs racines? Car il faut convenir que les joueurs de
gobelets & les Charlatans que j’ai vus dans fln d e , font bien
adroits; d’ailleurs cette adreffe confifte peut-être à fé faire
mordre par les dents de devant uniquement, & en ce cas,
ils n e .rifqueroient rien; car à la façon dont ces gens-ià
préfèntent aux lèrpens le deffus de la main, le poing fermé,
en obfervant de rencontrer toujours le bout du mufeau du
ferpent, il eft impoffible que ces.animaux puiffent jamais les
mordre qu’avec leurs dents de devant ; ce que je fais, eft que
mon jeune homme ne cherchoit point à fe faire mordre paries
ferpens, au,contraire, il avoit beaucoup d’attention en les
agaçant pour leur faire faifir le mouchoir, de leur en préfenter
1111 afîèz long bout, pour ne pas s’expofêr à être fâifi à la
place du mouchoir : je ne penfé pas encore qu’il foit poffible
avec un mouchoir ou un morceau de drap très-mou, d extraire
abfolument, comme le dit Koempfer, tout le venin de ces ^
ferpens, & d’empêcher qu’il ne revienne, quand on réitéreroit
l’opération de deux en deux jours, comme il le prétend.
Car, félon. Koempfer lui-même, ie venin de cette vipère n’eft
autre chofe qu’une humeur ou efpèce de fàiive qui découle
de la tête & qui va fe rendre & féjourner^dans cette partie
de ii gencive où font placées les dents canines, cette faiive
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