aucun veltige ; ces Pères m’ont afluré qu’elle ¿toit de la plus grande
beauté ; on voit encore une aile du bâtiment qui leur fervoit de
maifon à un é tag e , & les reftes de la voûte qui (e boudent en l’air;
le tout annonce que ces Pères étoient bien & grandement logés,
car leur bâtiment de M an ille , qui certainement eft très-beau Sc
très-folide, ne l’emportoit pas, du moins, fi j ’en juge par ce que
je v o is , fur celui qu’ils avoient à Pondichéry dans fa fplendeur.
L e s Pères des Millions Etrangères ont eu le même fort ; enfin
rien n ’a ‘été épargné : on m’a afluré que près de cent mille perfonnes
ont été ruinées.
Trois ans & plus s’étoient déjà écoulés depuis le fac de Pondichéry
; les herbes , les ronces , les épines avoient recouvert une
partie des ruines de la v ille ; ce qui offrait à la vue un objet de
confufion & de la pius grande horreur : P on d ich éry , cette ville
f i célèbre & fi floriflanté du temps de M . D u p le ix , il n ’ y avoit
pas plus de douze ans, étoit devenue comme Jérufalem, le repaire
des couleuvres & des ferpens ; mais enfin M . Latv arriva dans l ’Inde
au nom du Roi. A peine la nouvelle de fon arrivée fe fut-elle
répandue ; à peine eut-il planté le pavillon du R o i , que vous euflîez
vu tous les François, jufqu’alors dilperfés, accourir & s’ y rallier,-
O n dreffa des ten te s, on fe logea delïous ; on mit le feu aux
brouflailles, on nettoya les rues , & chacun à l’envi l ’un de l ’autre,
chercha au milieu de ce chaos dont je viens de vous parler, fon
emplacement, le n e tto y a , ' & fe bâtit une nouvelle demeure fur
les mêmes fondemens de ion ancienne maifon ; car il elt bon de
vous faire obferver que les An glo is laifsèrent fubfilter les fondemens
des maifons, & que quelques-unes les avoient encore à deux à trois
pieds au-defîus de terre ; ce qui a fait dire ici à bien du monde,
que les Anglo is n’entendoient rien à détruire les villes. L e travail
infatigable des François dans la réédification de Potid ich é ry, me
rappelle la fourmi & cette belle & élégante comparaifon de Virgile:
j4c velutï ingentem, ¿i^c. Énéide, a,. iv , ver* 40*.
E n e ffe t, on ne-voit pas la fourmi travailler avec plus d’adlivité
que nos François travaillèrent dans ce premier moment. En trèspeu
peu de temps , les rues parurent, les maifons fe relevèrent ; &
Pondichéry fait aujourd’hui l ’admiration de tous ceux qui le voient
& qui fàvent que trois ans auparavant il n ’étoit qu’un tas de cendres,
de pierres & de poufîîère. L e Gouverneur connoifîànt que le réta-
bliflèment prompt & folide de fa nouvelle C o lo n ie , dépendoit de
la fureté avec laquelle on y ferait contre les armées Marattes, qui
pillent iouvent le parti ami comme le parti ennemi, ramafla plufieurs
milliers d’ouvr iers, q u i, en très-peu de temps enfermèrent fa V ille
dans l ’enceinte d ’un m u r , avec fon parapet & feize baftions ; ce qui
l’a rnife à l ’abri d’un coup de- main, & a produit un fi bon e ffe t,
que lorfque j ’y fuis arrivé on comptoit à Pondichéry près de
foixante mille perlonnes * il ne celle d’ y venir encore tous les jours
du monde pour y habiter.
Je ne m’étois jamais figuré que je trouverais Pondichéry relevé
au point qu’il l ’eft. Je me rappelle qu’étant à M an ille , je n ’avois
p u me rendre à ce que nous difoit, de cette v i lle , le, Capitaine
portugais, D o n Raimond Magallanes , avec lequel je fuis paifé ici ;
& que tout le monde penfoit a Manille, que la defcription qu’il
nous faifoit de Pondichéry étoit outrée; on avoit de la peine à
croire qu au bout de trois ans , une ville pût être relevée au point
q u il le difoit de Pondichéry. Je puis vous certifier aujourd’h u i ,
Monfieur & cher ami, qu’il a été modefte dans fa defcription, ou
bien- Pondichéry eft augmenté de beaucoup depuis fon départ,
c’e ft-à-dire, depuis environ un an q u ’il ne l ’avoit v u , car je me
rappelle très-bien qu’il ne comptoit que trente mille ames dans
Pondichéry, & il très - certain q u ’il n ’y en a guère moins, de
foixante mille aujourd’hui.
Cette ville eft renfermée dans la même enceinte qu’elle avoit
avant la guerre; on a relevé l’ancien m ur , les baftions & cavaliers ;
les rues font tirées au cordeau, ce qui produit un effet d’optique
charmant dans beaucoup de ces rues , parce que , fi on en excepte
le quartier des Européens, qui ne fait p a s , pour l ’étendue, le
fixieme de la v ille , le relie des rues eft planté d’arbres des deux,
côtés, d’une efpèce qui vient t r è s - v i t e ; les rues où logent les
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