je ferais à Pondichéry à temps pour le pafîâge de Vénus
fur le Soleil; que puifqu’on defiroit que je me rapprochaiTè,
j’allois le faire; que ma démarche, en allant aux Philippines,
n’avoit eu d’autres vues que de me rendre utile. Je déduilis
enfuite fort en détail à M. de la Lande, les raifons qui rn’a-
voient fait préférer Manille, ou les îles Mariannes, à la côte
de Coromandel; mais que, malgré toutes ces raifons qui me
paroillbient bonnes, j’allois cependant faire mes préparatifs
pour partir.
Ce ne fut qu’avec la plus grande répugnance, que Don
Eilevan Melo confentit à mon départ. Son amitié pour moi
lui fit faire l’impoffible pour m’empêcher de partir & pour
me retenir à Manille; elle alla jufqua m’offrir un logement
chez lui, là table & là bourfè; il m’alfura que je ne manquerais
de rien.
Don Feliciano Marqués vint auffi m’offrir fà bourle en
me témoignant fon regret de me voir partir fans faire mon
Obfêrvation. Le Père Don Eflevan Melo avoit chez lui u n 1
Père Théatin, Italien, bon Mathématicien & Millionnaire ;
jl parloit le François. Je leur laiflài à l’un & à l’autre une
petite inftruétion pour obfèrver la fortie de Vénus de defïïis
Je Soleil, & pour bien régler leur pendule; je rétablis la
méridienne qui étoit dans la maifon : elle étoit fur un plan >
de cuivre ; j’y fubflituai un plan de marbre. Don Eilevan
Melo avoit encore deux téiefcopes de deux pieds de longueur, »
dont un fur-tout étoit très-bon.
Ces préparatifs finis, je làifis l’occafion d’un Vaiflèau Portugais
de Macao : ce Vaiflèau étoit venu de Madras & il y
retournoit. Nous mimes à la voile le 2 Février 1 7 6 8 , à
6 heures du foir, par un petit frais du Sud-eft; mais notre
Vaiflèau mal chargé 11e put faire deux lieues làns plier; il fe
c o u ch a même aifez conlidérahlement, n’ayant cependant que
fes quatre balles voiles; & quoique le vent fût fort égal,
nous fumes obligés de virer de bord, & de revenir mouiller
à la barre de Manille.
Le lendemain, de grand matin, je reçus une lettre de
Don Eilevan M e lo , qui m’exhortoit très-fort de defcendre
à terre Si de refier à Manille : il me difbit que ce que je
venois d’éprouver étoit bien fuffilànt pour me décider à refier;
que j’en avois aiïèz fait pour prouver mon zèle; que Dieu
me défendoit de m’expofer à un danger auffi évident que
paroiffoit être celui que je courrais, fi je m’obftinois à
m’en aller fur le Vaiflèau Portugais. La lettre de mon ami
fut bientôt fui vie du Père Théatin; il vint au nom de cet
ami, dans l’intention de m’amener avec tous mes effets. Je-
fis réponfe à Don Eilevan Melo, que j’allois refier à bord
pour affilier au déchargement du Vaiflèau & aai changement
qu’on fè propofoit de faire à fon arrimage; que je verrais le
tout de mes propres yeux; qu’enfuite je lui en marquerais
mon avis ; que fi je remarquois quelque défaut dans le
nouveau chargement, je le lui manderais, en le priant en
même temps de m’envoyer une Pamgue ( fbrte de Bateau du
pays) pour débarquer avec mes effets.
Le } Février, nous fumes en état d e mettre à la voile.
J’écrivis à Don Eilevan Melo , que je pourfuivrois mort
voyage ; que le Vaiflèau me paroiffoit en état de nous mener
au moins jufqua Mafacca; d’autant plus que de Manille
jufqu’au détroit, on a dans cette fàifôn vent arrière ; que
dans-le détroit, les mers font très-belles; qu’en outre, il
lavoit comme m oi, que je trouverais à Maiacca un Br-igantii*