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A la leélure de ce tour, on pourroit croire qu’il coniifle
dans un efcamotage; & ce qui favoriferoit cette croyance,
eft le foin que l'Indien prend de troubler fon eau ': mab
premièrement il vous faiffe le maître de verfer vous-même
l’eau dans le va fe, & d’y mettre la bouze de vache ; & fi
ceft lui qui l’aît fait, il vous permet, de plus, de fonder
& de porter la main dans tout le vafe & dans l’eau, pour
.Vérifier s’il n’y a point d’efcamotage.
Secondement, jai vu faire le tour à découvert; le jeune
Indien me l’a montré, je l’ai fait moi-ntême, & je fus fort
étonné de voir qu’il ne confiftoit qu’à faire fricaflcr le fable
dafis un pot vernifle avec un peu de c ire, à le remuer 8ç.
Je frotter contre le fond du p o t , au moyen d’un petit
tampon de linge, ce qui fait que chaque grain de fable eft
enduit de cire fans qu’il le paroiffe ; cela fa it, en prenant
une poignée de fable & en la ferrant dans fa main, il fe met
en pélotte, il refte dans cet état au fond de l’eau dans le
v a fe , fans que l’eau puiffe le pénétrer ni le mouiller; quand
on la froiifie légèrement entre les mains, la pejotte redevient
en grain, .& ainfi on le fait filer & tomber peu-à-peu dans
la main des fpeélateurs,
On affure qu il y a dans l’Inde des Devins qui découvrent
les chofes volées; mais on 11e m’a pu citer un feul exemple
vraifemblable fur ce fiijet. En voici un que je trouve
dans fe fixième volume des Cérémonies religieufes : D e tous les
djfeurs doracks, en qui Ion a le pim de confiance, font fans
contredit certains Devins qui fe mêlent de découvrir les voleurs
dent les vols font fecrets.
Qn ayait f i futilement & f i ficrétemem volé des bijoux
précieux au Général d’armée fa Maduré, que-celui qui en, était
coupable, fembloit - étre hors d'atteinte de tout foupçon ; aufii
quelques recherches que l’on fit du voleur, on ne put jamais
en avoir la moindre connoijjmce. On confulta à Ticherapali
( Trichenapali ) un jeune homme qui étoit un des plus fameux
Devins du pays, il dépeignit f i bien l’auteur du vol qu’on n’eut
pas de.peine à le recqpnottre ; le malheureux qu'on avoit foupçonné
(tant on étoit éloigné de jeter les yeux fur lu i), ne put tenir,
contre l’oracle : il avoua fon crime, & protefia qu’il ti’y avoit rien
de naturel dans la manière doltt fon vol avoit été découvert.
Je ne fais comment on peut citer avec tant de fang-froicÎ
de pareilles fables dans un livre grave, fins au moins chercher
à les réfuter.
Voici le. fait dont j’ai été témoin & qui prouve, à mort
avis, contre ces prétendus Devins-: un Daubachy (c ’eft un
elpèce d’homme d’affure & de confiance ) avoit été acculé
d’avoir volé à Pondichery une fournie très-confidérable à fon
maître ; il paraît même certain qu’il avoit effeélivement fait le
vol dont il étoit accufé; mais on ne pouvoit le convaincre, faute
de preuves : cet homme fu t mis en prifon ; au bout de quelques
jours il follicita fort élargiffêment, & né pouvant l’obtenir,
il propofa qu’on s’en rapportât à moi fur ce vo l, qu’il étoit
très-Conÿâincu que j’en découvrirais l’auteur; il demanda
donc d’être amené par-devant moi, qu’il étoit très-perfuadé
que jé lui rendrais juftice, qu’il ne demandoit pas mieux
qu’on le condamnât, fi je difois que c’étoit lui qui eût fait
fe vol ; mais aufii il demandoit qu’on le laifsât libre fi je né
fe déclarais pas auteur du vol.
II y a bien de l’apparence que cet homme, quoiqu’indien,
ne croyoit point aux Devins, & qu’il avoit été allez adroit
poui faire ion coup làns avoir été yu par des témoins.