enfin été chaffés par les Indiens & les Brames; Sc qu’H
pourroit bien fe faire que les Chinois euffent appris quelque
choie de l’Ailronomie des Indiens, 8ç qu’jls euiîènt défiguré
le peu qu’ils en favoient. Je hafarde ici cette conjeélure fans
prétendre en faire une alîèrtion.
Selon les Tamoults, l’époque de l’arrivée des Brames dans
le Maduré & le Tanjaour, n’eit pas bien ancienne, mais félon
eux une époque de mille ans eil allez récente. Au relie,
ils ne difent rien de cette époque ; feulement ils conviennent
qu’il y eut une réforme dans l’Ailronomie fous le règne d’un
R o i, qu’ils nomment Salivagena ou Salivaganam : ce Roi
Salivaganam eil fans doute le même dont parle M. Holwell,
connu des Bengalis, fous le nom de Succadit ; là mort fut
une nouvelle époque pour les Gentils ; il mourut, feion
M. Holwell, l’an 7 9 de Jéfus-Chrilt *.
Salivagena aimoit, dit-on, beaucoup l’Aitronomie ; cette
fcience prit tant de faveur fous fon règne, que l’époque de
Salivagena eil auffi fameufe dans l’Inde parmi les Tamoults.
que celle de Nabonaiîar l’eil chez les Chaidéens. Or, felon le
calcul que m’en ont donné les Brames & les Tamoults, en
(1 7 6 9 , il y avoit alors feize cents quatre-vingt-onze ans
que Salivagena étoit mort. La mort de ce Prince tomberoit
donc l’an 78 de J. C . ce qui femble prouver que dès ce
temps-là les Brames étoient dans cette partie de l’Inde-, &
qu’on y favoit déjà calculer les Éclipfes de Soleil & de Lune,
dans un temps où le nord de l’Europe étoit encore plongé
dans les ténèbres de l’ignorance & de la barbarie.
Mais quels progrès n’a pas faits depuis ce temps, l’Aitronomie
* Évèneraens hàilx/ jues, chap, iy, pag, 24, éditt (EAmflerdam, 1768.
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 2 r j
parmi nous, tandis que les Brames font aujourd’hui ce qu’ils
étoient du temps de Salivaganam, il y a dix-fept cents ans!
Et foit qu’on doive attribuer cette indolence à des caufes
phyfiques, telles que le climat ; foit que des caufes morales y
aient part, il eil certain que les Brames ne penfent point à
étendre leurs connoiffances ; & tous ceux que j’ai vus, m’ont
paru peu curieux de perfectionner leurs calculs, ne faiiànt pour
cet effer aucune obfervation allronomique, ni aucune autre
efpèce de recherche : ils s’imaginent même que celles que nous
faifons chez eux font une lùite de notre ignorance, & de ce
que nous venons pour nous initruire chez eux, dans une fcience
que nous ne connoilfons point en Europe.
Ils font leurs calculs ailronomiques avec une vîteife & une
facilité fingulière, fans plume & fans crayon : ils y fuppléent
par des cauris ( efpèce de coquilles ) qu’ils rangent fur une
table, comme nos jetons, & le plus fouyent par terre.
. Cette méthode de calculer m’a paru avoir fon avantage ,
en ce qu elle eil bien plus prompte & plus expéditive que la
nôtre, mais etjitnême temps elle a un très-grand inconvénient;
il n’y ;fpas moyen de revenir fur fes calculs , encore
moins de les garder ; puifqu’on efface à mefore qu’on avance.
Si on s’e lt, par malheur, trompé dans le réfuitat, il faut
recommencer for nouveaux frais.
Mais il eil bien rare qu’ils fe trompent. Ils travaillent avec
un fang-froid fmgulier, un flegme & une tranquillité dont
nous femmes incapables, & qui les mettent à couvert des-
méprifes que nous autres Européens ne manquerions pas de
faire à leur place : il paroît donc que nous devons, les uns-
& les autres-, garder chacun notre méthode ; il femble que
la leur ait été faite uniquement pour eux.