de cette montagne, les Cartes placent un banc qui s’étend du Nord-
oueft au Sud-oueft , pendant I’éfpace de trois lieues , & fur lequel
ces mêmes Cartes ne mettent que 3 & 4 braffes; en forte qu’il ne
permet d ’approcher de la côte , félon M . d A p r e s , q u a une
lieue deux tiers ou deux lieues au plus de dillance. Cette inflruélion
de M . d’Après m’a paru exacte & conforme à ce que fa i vu
moi-même.
E n e ffe t, je trouve dans mon Journal, que le 1 7 dans la matinée,
notre premier Pilote fe jugeant trop éloigné de la te r re , penfa à
s’en rapprocher ; il nous fit en conféquence courir une bordée dans
P E U à trois heures & demie après midi, ayant reviré depuis
m id i, par un petit frais qui nous faifoit faire un noeud au plus par
heure ; & préfentant au Nord-ouelt j O u e l t , au plus près du vent,
les amures à b âb o rd , nous avions le mont Formofe , par notre
travers de ilribord , à une lieue & demie au plus de dillance : ainii,
le banc en quellion ne s’étend guere qu a une lieue au large , comme
l ’infinue M . d’Après.
N ous n’ étions encore qu’au 1 7 Février, & cependant nous nous
trouvions à la porte de Malacca. Peftdant la journée, les v en ts , après
un ealme de deux à trois heures, paftèren» vers le midi à i ’Ouelt-
fu d -o u e ft; à quatre heures ils tombèrent, & repafsèrent peu-à-peu
au Nord-nord-eft ; c ’e ll ce q u ’on appelle brife du large & brife il
terre, brifes affez régulières à une médiocre dillance de terre, & dont
les Marins favent fe fervir fouvent très-à-propos; mais ces brifes
font fujettes à bien des irrégularités, qu’il elt impolfible de connoitre.
N ou s mouillâmes à Malaçca le 18 à fept heures du matin, par fc
braffes, à une demi-lieue de te r re , n ’ayant mis, comme vous voyez,
que douze jours de navigation ,à nous y rendre de Manille.
J e trouvai encore à Malacca votre ancien ami M . Bertelin avec
fon Brig antin, qui fe djlpofoit à retourner à la côte de Cororoandeh
vers le midi, il m’envoya un Praw avec fon D an b a ch i, & une
lettre par laquelle il me féliçitoit fur mon heureufe arrivée; il ajoutoit,
qu’il avoit appris que j ’avois des lettres à lui remettre, qu’il me
prioit de les lui envoyer.
Je defcendis à terre dans le p r aw , & je remis mes lettres à M .
Bertelin ; il me pria d’accepter un logement chez lui pendant ma
relâche à Malacca.
Vers les cinq heures du lo ir , je fus conduit chez le Gouverneur
par le Chabandar, dont la charge ou la place confiile à préfènter les
Étrangers, & auquel il faut q u ’ils s’adreffent lorfqu’ils ont affaire à ce
Gouverneur. J ’a vois, comme vous fa v e z , une lettre à lui remettre de
la part du fieur P ig n o n , & je voulois la rendre moi-même. Je ne fais
pourquoi le Chabandar vouloit lu i-m êm e la lui donner. Il me dit
! que je ne pourrais peut-être pas voir Moniteur le Gouverneur ce
jour-Ià, ni Je jour fuivant, parce q u ’il étoit fort o c c u p é ; , que f i
je voulois lui confier ma le ttre , il la remettrait très-certainement
le foir même. Je lui fis réponfe que j ’avois promis de la remettre
moi-meme à M . le Gouverneur; je le priai de ne pas prendre fe
refus que je faifois de lüi remettre cette lettre pour un défaut de
confiance de ma p a r t , que j ’étois efclave de ma parole ; & que fi
je ne pouvois pas remettre moi-même la lettre à Monfieur le G ou verneur,
je l'emporterais avec moi à Pon d ich éry , & la renverrais
à Manille par la première occafion,
A cette réponfe I formelle, il fe rendit; il me fit cependant
encore attendre près de deux heures. E n f in , je fus introduit :
ce Gouverneur me reçut très - poliment, il parle bien françois :
il me dit en le quittant, que nous nous reverrions”; la ehofe en
rçila-là.
Je fus près de trois quarts d’heure avec lui. II lut là lettre en ma
préfence;; me fit, à cette occafion, beaucoup de quellions fur le
commerce de la côte de l’ Inde avec votre ville- Je lui dis les chofes
comme je les làvois. Mais parlons de Mala cca, dont je veux vous
faire une courte defcription.
Malaçea paife , comme vous le favez, pour un endroit allez coufi-
dérable; mais foit qu’il ne l ’ait jamais é té , & qu’on l ’ait trop vanté,
foit qu’il ait beaucoup déchu , il eft certain que dans fon état a étuel,
cette ville eft très-peu conftdérabie ; elle mérite à peine q u ’on parle
Tome I G g g g