gleterre qui vont en Amérique, s’élevant ordinairement
jufqu’au Tropique du Cancer : M. de Cordoua répondit
fort obligeamment au Capitaine du Duras, commandant la
petite divifion, « qu’il ne demandoit pas mieux que de l’eT-
corter; mais qu’il craignoit de lui faire perdre du temps,
parce que fa Frégate n’alloit pas auffi-bien que les deux
Vaiffeaux François; qu’il ferait cependant le plus de voiles
qu’il lui fèroit poflible. » M- Dordelin, commandant le Duras,
étant convenu qu’il proportionnerait fa marche fur celle de
ÏAflrée, nous allâmes de conferve depuis le i i Juin jufqu’au
24 du même mois: ce jour-là, qui étoit le deuxième depuis
que nous avions dépafîe le Tropique, nous rencontrâmes
un Vaiflèau Anglois, à trois mâts ; nous l’arrêtames : on mit
le canot à la mer, & on envoya chercher le Capitaine &
le Supercargùe, avec ordre d’apporter la facture du Bâtiment.’
Le Capitaine Anglois ne lâvoit pas trop ce qu’on vouloit
lui dire : 31 ne s’iraaginoit pas que nous vinifions de fi loin,
& que nous fuifions auffi peu au fait des a flaires d’Europe
que nous l’étions. Lorfqu’ii fut arrivé'à bord de i’Ajîre'e,
Don Jofeph de Cordoua, pour mieux tirer les éciaircifîè-
mens que nous délirions, lui déclara qu’il étoit fon prifon-
nier,« parce qu’il avoit, lui dit-il, rencontré, il n’y avoit que
deux jours,' un avifo d’Efpagne, qui portoit en Amérique
la nouvelle de la déclaration de guerre entre i’Efpagne &.
l’Angleterre. » Le Capitaine Anglois parut fort furpris du
compliment: il répondit, « qu’il 11e concevoit rien à ces-
nouvelles; qu’il étoit bien vrai qu’il y avoit eu beaucoup-
de préparatifs en Angleterre ; qu’on avoit armé ; mais
qu’à ion départ, on étoit occupé â défarmer, parce que les
différends qui s’etoient élevés, entre les trois Puifîànees»
d a n s l e s M e r s d e l ’ I n d e . 6 7
l’Angleterre , la France & l’Efpagne , étoient arrangés : »
0n lui demanda s’il pouvoit nous donner quelques preuves de
ce qu’il avançoit. Il offrit de nous faire voir la gazette de
Londres qu’il envoya chercher à fon bord, & dans laquelle
nous vîmes la vérité de ce qu’il nous avoit avancé. Don
Jofeph de Cordoua fit apporter des vins d’Efpagne-de
plufieurs efpèces, des bifcuits, macarrons, &c. & nous
humes à fon bon voyage* Les pommes de terre étoient, fans
doute, en vogue en Angleterre, comme je les trouvai en
France en arrivant; car lorfque le Capitaine Anglois eut
rejoint fon bord, il nous en-envoya un grand fac, & du
beurre à proportion. En mer, on trouve tout bon : cette
elpèce de rafraîchiffement nous fit grand plaifir.
Les Vaiffeaux de Chine , meilleurs voiliers que l’Aftrée,
remercièrent Don Jofèphde Cordoua, & nous quittèrent,
Le Capitaine d’un de ces Vaifîèaux, m’écrivit pour m’engager
de paffer à fon bord. Il étoit trop tard pour profiter
de fon offre; il m’avoit refufé à i’ffle-de-France; Don Jofèph
de Cordoua m’avoit au contraire reçu avec beaucoup de
bienveillance ; j’en avois reçu jufqu a ce moment toute foi te
de bons traitemens : m’étoit-il poffible de meconiioitie un fi
grand fèrvice, en abandonnant mon bienfaiteur au moment
où nous touchions Cadiz l
Je vais rapporter la lettre de ce Capitaine la réportfe
que je lui fis ; mais il faut auparavant retourner pour un
moment à l’Ifle-de-France,. afin d y reprendre le fil de mon
aventure : c’eft ce que je vais faire en moins de mots qu il
me fera poffible.
Les Vaifîèaux François qui étoient allés en Chine,
qui en revenoient cette année 1 7 7 1 , appartenoient à des
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