m’efpionner. ÏI alla I’après-dînée voir M . le Gouverneur ; il le reçut
très-honnêtement, & ne iui parla de rien.
V o ilà ce que j ’avois à vous dire de Malacca. J ’oubliois à vous
parler des promenades : elles -font fort agréables ; on en a des deux
côtés de la v ilie , on y trouve quantité de jardins charmans : j’y
vis des Mangouftans beaux & fuperbes qui portent ce fruit qui
eft fi renommé dans l’ In d e , & que j ’ai entendu fi fort vanter.par
tous les Européens qui en ont mangé , en le mettant au-defîus de
tous les fruits connus. Je fuis fâché de ne pouvoir point vous dire
mon avis fur la qualité de ce fruit : les arbres en étoient couverts,
mais i l - n ’eft mûr qu’en Juillet; il arrive cependant quelquefois
q u ’on en rencontre de précoces. J ’offris a des Chinois une piallte
gourde pour un feui mangouftan , s ils venoiçnt à bout de- me le
trouver. V o u s favëz que les Chinois aiment beaucoup los pefios gordos ;
jls firent bien ce qu’ils purent pour me trouver le fruit en queftion,
mais inutilement. Iis m’en apportèrent de confits ; mais iis avoient, lans
doute, beaucoup perdu de leur g o û t; les Chinois auraient bien pris
une piaftre gourde de chacun , fi j’avois été dilpofé a la leur donner.
L e a 8 Févr ier , je quittai .Malacca ; notre Capitaine me fit embarquer
à dix heures du foir aveç beaucoup de précipitation, pour
j i ’apparcüier que le lendemain à fix heures du foir. U n Brigamin
de Macao avoit mis à ia voile le matin ; nous nous retrouvâmes le
i ,cr Mars à dix à dplize lieues de M ala c ca , où nous mouillâmes a cote
l ’un de l ’autre, à fix lieues du cap Ra chade, daps i ’Oueft de ce
C ap ; à quatre lieues de Pa rcela r, qui nous reftoit au Nord-quart-
N o rd -o u e ft ; & à deux lieues de la plus proche terre : nos cartes
m’ont encore paru défeilpeufes ici.
L e Brigantin dopt je viens de vous parler, avoit été envoyé de
Macao à notre Capitaine, par fon beau-père & (es afTociés ; il
portoit une cargaifqn d’ Âlun & d’Arreque pour la côte de l’Inde,
p r , comme le tr^nlport d’un bâtiment fttr l’autre n’avoit pu s’effectuer
à Mala cca, dans la crainte de confifcatlon, les deux Vaideaux
convinrent de fe joindre içi : nous fumes occupés pendant trois jpuls
à prendre fa cargaifop, & lui envoyâmes en. même-temps du bot?
de C am p ê ch e , avec lequel il a dû faire ion retour à Macao. V o ilà
ce que j ’appelle travailler en véritables Négocians. Ce tte opération
ne nous retarda point : tant que nous eûmes du v e n t ,
nous en profitâmes ; & la mer eft fi belle dans les D é tro its , que
les Vaifièaux y ont toujours leurs canots à la traîne. Le s Portugais
s’en fe rv ent, comme ils feraient s’ils étoient dans un p o r t , pour
faire entr’eux le commerce.
Jufques au 4 , nous ne fûmes occupés qu’à mouiller, & à
appareiller.
L e 3 , nous avions approché la montagne de Parcelar: de l ’endroit
où nous mouillâmes, elle nous reftoit au N o rd -e f t , à trois
lieues de diftance. C e s différens reièvemens m’ont fervi à redifièr
nos cartes.
L e 4 au matin, par un joli frais de P E U , nous allâmes chercher
les deux grands bancs qui forment fe détroit de Malacca.
C ’eft un pairage très-étroit, & où l ’on pourroit toucher, fi l’on
n’apportoit pas beaucoup de précautions. L e s deux bancs fè regardent
dans la direétion du Nord-oueft au S u d -e ft , l ’un git N o rd -
oueft & S u d -e ft , l ’autre approche un peu plus de fa diretftion E ft
& O u eft. L e banc du S u d - e f t fur lequel M . Daprès met 1 2 , 13
& 1 4 brafîès, n ’en a que 4 & 3. L a pointe du Nord-oueft près
de laquelle il faut paffer, n’a pas plus d’une braiïe , ou une brafîe
& demie de profondeur ; & en arrivant à ce b a n c , on tombe par
ce c ô t é , fubiteinent de fept braffes, à cinq & à quatre. L e fond
de l’autre banc eft tel que M . Daprès le repréfènte dans fes cartes;
fàvoir , d e deux & quatre braffes , ce pafîâge eft ce qu’on appelle fe
Détroit de M a la cca . L a pratique des VaifTeaux de Macao eft d’aller
attaquer le banc du S u d - e f t , & de gouverner directement deffus.
Lorfqu’ils l ’ont tro u v é , ils portent au Nord-oueft : C a r , difènt-ils,
on f i trompe prefque toujours en voulant enfiler direâement le canal fa n s
précaution. Si le vent leur manque, iis mouillent, comme ii nous
arriva à une heure après midi. L a brife que l ’on nomme de terre,
etoit tombée : nous étions dans le calme qui fuit cette b r ife , &
qui précède celle de mer ou- du large ; la mer venant du Nord»
Tome L H h h h