les écoles publiques fous ces avant-toits ou auvens dont
j’ai parlé; les'jeunes garçons font là rangés par files, accroupis
à la façon de nos Tailleurs, tenant d’une main un petit livre
fait de feuilles de latanier, efpèce de palmier féché > làns autre
apprêt, & féparées par côtes, attachées enfemble par un bout;
ces livres, du moins ceux que j’ai vus, ont dix pouces au
plus de longueur ; de l’autre main, ces enfans tiennent un
petit ftyiet ou poinçon dont ils fe fervent pour écrire; ce
poinçon forme un trait léger, mais apparent, en déchirant la
pellicule légère qui recouvre la feuille.
On entend ces enfans former un petit murmure en
marmottant tout haut leur leçon ; un Br^me eft là, armé d’un
rotin qui eil fait pour en impofer, & même pour corriger en
cas de befoin.
On n’apprend aux filles que les chofes qui concernent la
religion : cette inftruélion fe paffe dans l’intérieur de la maifon.
Les Indiens font fort adroits, & font des miracles de
patience pour le travail : leurs pagodes en font la preuve la
plus convaincante.
La main-d’oeuvre eft pour rien dans l’Inde, parce que les
befoins des Indiens fe bornent à très-peu de chofe ; c’eft-à-dire,
à une poignée de riz & à un morceau de toile, ces chofes
y font aujourd’hui à très-bas prix, anciennement les Indiens
les avoient pour rien ; l’ambition des Conquérans du Nord
a perdu le pays : l’on peut juger de ce qu’a pu être ce pays
par ce qu’il eft de nos jours.
Aujourd’hui un Ouvrier à la journée, un Porteur, & g .
gagne trois roupies par mois, or trois roupies par mois font
cinq fous par jour; c ’eft auffi le fâlaire'd’un maître Maçon,
les Manoeuvres n’ont que quatre fous : avec cette fomme
modique un Ouvrier fe nourrit, lu i , là femme & fes enfans ;
les enfans qui font en état de travailler, ne gagnent que deux
fous & demi ou trois fous par jour.
Il eft vrai que ces gens avec fi peu de nourriture ne font
pas capables de réfifter à une longue fatigue; cependant ils
fupportent l’ardeur inconcevable du foleil pendant la plus
grande partie du jour, mais ils font très-peu d’ouvrage, &
les travaux n’avancent qu’à force d’ouvriers, qui, étant conii-
dérablement multipliés & patiens, mettent par ce moyen fin
aux travaux qu’on leur fait faire.
Pour tailler leur granit qui eft de la plus grande dureté,
ils n’ont qu’un mauvais petit cifeau pointu ou elpèce de
poinçon, & un petit marteau; c’eft avec ces feuls outils
qu’ils ont tiré de la carrière ces blocs immenfes de granit
que l’on voit à leurs pagodes de la côte de Coromandel;
mais le plus difficile, félon moi, a été de tranlporter ces
blocs fur les lieux, car il n’y a point de granit ni aucune
efpèce de pierre à Pondichéry, il faut l’aller chercher à quinze
lieues & plus, dans les montagnes de Gingy.
Je me fuis informé de la façon dont ils tiroient ces blocs
des carrières, & par la defcription qui m’en a été faite,
j’ai vu qu’ils fe fervent du même moyen dont M. Goguet a
fuppofe qu’avoient anciennement ufé les Egyptiens pour tirer
leurs obélilques des carrières.
Ils ont la patience de tailler & de former horizontalement,
dans la carrière, la colonne avec le poinçon & le marteau,
en forte qu’elle ne tienne plus qu’à un filet for la longueur
& en-deffous, après quoi ils achèvent de détacher la colonne
en rompant ce filet, toujours avec les mêmes outils.