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» de votre lettre , que quoique vous ne puijfej pas nie propofer
» un logement fort honnête, non plus qu à tIJle-de-France, & c.
» Je vous prie, Monfieur, de vouloir bien vous rappeler
» qu’à l’IiIe-de-France, il n’a jamais été queftion d’aucun loge-
» ment; que iorique je vous pariai chez M. de Bouloc, le 10
» Mars au foir, après la converfàtion que j’avois eue avec
» M. le Gouverneur, vous me refufates nettement, en m’al-
» léguant que vous n’aviez aucune place quelconque à me
» donner dans votre Vaiflèau; je ne pus-rien obtenir de vous,
» pas même un petit réduit à pouvoir mettre un hamac.
» M. Poivre me marque aufli par fon Secrétaire, le 19 du
» même mois de Mars au loir, qu'il a épuifé toute fa rhétorique
» pour vous engager à me prendre à votre bord; qu’il n’a eu qu’un
» refus formel, accompagné des motifs les plus déterminons; à" que
» vous ne receviei que ftx pajfagers. Dans tout cela, Monfieur
» il n’eft pas queftion de logement : il eft bien évident que
„ vous ne vouliez pas de moi, :
„ Rebuté du Gouverneur, refufé par vous, Monfieur, j’ai
„ recours à un Vaiflèau étranger : ce Vaiflèau me reçoit &
„ m’accueille; on ne peut pas mieux être traité que je le fuis à
>, bord de ce Vaiflèau. Nous arrivons aux portes de l’Europe;
„ je n’ai, pour ainfi dire, qu’un pas à faire pour y mettre le
j/ pied ; vous me propofèz de paflèr à votre bord : c’eft-à-dire,
„ de laiflèr là, d’une manière aflèz brufqué, mon bienfaiteur,
M. *de C ordoua. Ç ’eût été bleflèr.l’afile où je m’étois, pour
„.ainfi dire, fauvé du naufrage qu’il fèmbloit qu’ on voulut
„ me faire eflùyer à l’Ifle-de-France; ç’eût été me rendre
„ coupable d’ingratitude, défaut du coeur que je déteftë, & que
„ je ne crains pas qu’on me reproche. Au refte, Monfieur,
„ rien n’eft capable d’altérer en moi les fèntimens d’eftime que
* j’ai
d a j v s l e s M e r s d e l ’ I n d e . 73
j’ai conçus pour les talens que je vous connois pour la Na- «
vigation. J aurai toute ma vie les regrets les plus fincères «
de n’avoir pu, pendant le cours de ma miflion, faire un «
voyage avec vous pour profiter de vos lumières, & me «
perfectionner dans la connoiflânce d’un art que j’aime d’in- «
clination, & que je regarde comme le ch e f-d ’oeuvre de «
l’invention de l’homme. L ’amitié dont vous m’aviez comblé «
depuis 17(10, que j’ai l’honneur de vous connoître, l’offre «
obligeante que vous me fîtes à i’Ifle-de-France, en 1765, à «
votre retour de Chine, m’aVoient paru des titres qui devoient «
parler pour moi auprès de vous : devois-je m’attendre, après «
cela, que vous refufèriez de me paflèr fur votre Vaiflèau «
pour regagner ma patrie, & que je ferois forcé dimplorer “
le fecours d’un Vaiflèau étranger 1 “
J ’ai l’honneur d’être, &c. »
Nous fumes encore une fois contrariés par les vents pendant
huit à dix jours ; ce fut après avoir pafle les Açores :
enfin j’arrivai à Cadiz le i . cr Août, quatre mois deux jours
après être parti de l’Ifle-de-France.
J’ai obfervé avec le plus grand foin, plufieurs fois par jour,
tant fur mer que fur terre, depuis msn départ dé l’Orient
jufqu’à mon retour à C ad iz , le thermomètre placé dans la
meilleure expofition poflible.
Il y a des Phyficiens qui croient que I’hémifphère auftral
eft plus froid que le boréal : j’ignore fi le fait eft vrai. Il m’a
paru que depuis la Ligne julqu’à 3 7 , & même 40 degrés de
latitude, la température eft à peu-près la même dans les deux
hémifphères : je ne peux pas répondre des latitudes plus
méridionales. Il fe peut que des caufes locales, dans quelques
parages au-delà des 40 & 50 degrés, du côté du pôle
Tome J, IC