ont emmené en Chine avec eux cette divinité, & ils la difent
originaire de Ceylan ou de Negapatnam.
Il eil donc très-vraifemblable, en admettant la tradition
des Tamoults, que Baouth eil Indien, mais il pourroit être
Indien 8c de race Chinoife, c’eit-à-dire, qu’il pourrcît être
forti de ces mêmes Chinois établis de temps immémorial
à Ceylan ou à la côte de l’Inde.
Quelle apparence, en effet, qu’une Nation comme celie de
C h in e , qui avoit fans doute depuis long-temps un. cuite
lorfqu’eile commença à venir commercer dans l’Inde, Nation
fi peu curieufe de copier les autres Nations, eût emmené
avec elle, de l’Inde en Chine, une divinité qui neferoit point
née dans fon foin i Si donc les Chinois ont tranfporîé Baouth
ou Foé de l’Inde en Chine, il faut croire qu’il étoit de race
chinoife, c’eil-à-dire, forti des Chinois établis à Negapatnam
ou à Ceylan : au refie je ne prétends point décider la queftion;
je reviens aux Brames 8c à la religion qu’ils introduifirent dans
le fod de la prefqu’île de l’Inde en-deçà le Gange.
L ’inilant où ils levèrent l’étendard de leur religion, fut celui
de la chute de Baouth 8c de fes Seélateurs, 8c iàns doute
l ’époque de la ruine du commerce des Chinois dans l’Inde.
Aujourd’hui les Chinois ne peuvent plus paffer les détroits;
leurs io ix , à ce qu’on m’a affuré, ont limité leur commerce
du côté de l’ouell à Malacca 8c à Batavia, où ils font établis.
II va tous les ans de Quanton 8c d’Emouy, à Malacca 8c
à Batavia, des Bâtimens chinois, depuis deux cents juiqu’à
cinq cents tonneaux de port, on les nomme Sommes chinoifes;
à Manille, où il y en va auffi, on les nomme Champ ans.
Cette révolution dut faire une grande feniâtion dans le
pays ; il s’agiffoit en effet de changer totalement les préjugés
& la croyance des peuples ; ce n’étoit pas un petit ouvrage :
le plus difficile, à ia vérité, confiftoit à convertir le Prince.
L ’État étant delpotique; les Brames, elpèce d’hommes rares
pour la politique, la fïneffe 8c l’adreffe dans les affaires,
fe doutèrent bien qüe'Te peuple feroit de la religion du
Souverain; 8c que s’ils venoient une fois à bout de le
perfuader, fon exemple entraîneroit néceffairement tout le
peuple.
Voici comme la chofe fe paffa; ou plutôt, voici la fable
queles Tamoults m’ont racontée à ce fujet.
Les Brames étant venus dans le Tanjaour, commencèrent
à y prêcher de paroles 8c d’exemple; ils eurent i’adrefle de
s’inlinuer auprès du Roi ; iis firent jouer tous les refforts fecrets
de leur politique, pour engager ce Prince à chaffer ie dieu
qu’il adoroit, 8c à embraffèr leur religion, dont ils lui
repréfentèrent l'excellence bien au-deffùs de celle de la
religion de Baouth. Les Miniftres de Baouth opposèrent tout
leur crédit à l’innovation des Brames .* ceux-ci, ne pouvant
venir à bout de leur deflein, eurent la finefle de propoièr
8c l’adreffè de faire des miracles; ils demandèrent qu’on
leur amenât un homme qui eût ia fièvre; iis guérirent, devant
le R o i, la mokié du corps de cet homme, en commandant
à la fièvre de fe retirer de cette moitié; la fièvre obéit, 8c
alla fe loger dans l’autre moitié du corps : on font bien que
cette autre moitié devint bien plus malade qu’elle n’étoit
avant. Alors les Brames proposèrent aux Miniftres du dieu
Baouth de guérir cette autre moitié devenue fi malade ;
les Miniftres de Baouth, qui ne s’attendoient point à un
pareil tour, demeurèrent étonnés 8c confus, loin de pouvoiï
guérir la partie malade.