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Ingénieur en chef de Manille, qui ma donné dans tous les;
temps des marques d’une amitié confiante, & qui m’a fouvent
aidé de fes confeils.
M. de la Lande me fit obferver à la fin de fa lettre, qu’iï
avoit été lu à l’Académie par M‘. Pingre, un Mémoire dans.
lequel il fè plaignoi't que j’allois trop loin; il aurait voulu:
que je fuiîe revenu à Pondichéry. Ali refie, il étoît allez
égal, félon M. delà Lande même, que je relïaiîë à Manille,,
ou que je revinflè à Pondichéry; & li me dit que e’etoit a
mon gput à me décider.
J’avpis beaucoup de temps devant moi pour prendre un:
’dernier parti, & pour me rendre à la côte de Coromandei.
Lorfque j’eus bien réfléchi fur cet objet, calculé les incon-
véniens des deux- côtés , je me décidai à- partir pour Pondichéry.
Le climat de Manille fut la feule caufe qui balança*
un peu mes rations. Sur plus de quatre-vingt-dix journées
que j’avois vu s’écouler depuis l’entrée d’A vril julqu’au 1®
du mois de Juillet, j’en!comptois à1 peine trois de-temps
abfolument couvert pendant la matinée.; au lièu que- je- ne-
connoiflois point le climat de Pondichéry» Ma. propre expérience
ne m’a voit rien appris dé. ,ce climat : mais quoique:
lès làiibns reviennent aifez exaélement les mêmes chaque
année dans la Zone torride, cependant iî pouvoit ahfolu—
ment arriver que le ciel fût couvert à Manille le jour de l’ob-
fervation. de Vénus, & qu’il fk beau à Pondichéry. A. ces-
raifons, il s’en joignit d’autres, peut-être d’une plus grande
importance. Je confidérai, dis-je , que je courrais de. très-
grands rifques en reliant à Manille; que je ne m’expofois pas
feulement aux rifques de voir le temps couvert le jour de
jv a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 29
mon obfervation, mais encore au caprice de celui qui
gouvernoit. Je voyois que le Gouverneur agiffoit defpoti-
quement & tyranniquement en tout; je voyois que dans ce
pays éloigné, on ne manquoit point de raifons pour arrêter
un homme dans le cours des affaires les plus férieufes & les
plus importantes : j’en avois des exemples très-frappans fous
les yeux, qu’il feroit trop long de rapporter ici. J’avois auffï
cherché à palier à Acapulco, fur le galion la Sainte-Rofe ;
& dans une lettre que j’avois écrite à ce fujet au Gouverneur,
j’avois cru pouvoir m’appuyer du pacte de famille fait
entre les Cours de Verfailles & de Madrid, & que la îe—
nommée avoit publie julquaux extrémités de lAfie*. Le
Gouverneur me répondit par une lettre que je conferve •-
Qu'on ignorait à Manille fon extenfion. (A l punélo del paño de
familia entre las dos naciones, Catholica, y Chriftianiffima 'que
V- M .¿ alega, fe ygnora aqtti fu extenfmt.)
Je n’avois pas 11011 plus oublié le ioupçon mal fonde de
cet homme inquiet. Je conclus de tout cela, que fi quelque
événement imprévu faïfoit que je ne reçuffe pas à temps les
lettres de recommandation qu on m avoit fait eiperer d Europe,
événement qui était dans 1 ordre des chofes poflibles,
cet homme, mal intentionné d’ailleurs, ne manquerait pas
de raifons pour me fufciter des tracafleries, & pour m empêcher
de faire une oblervation importante qui me rendoit
errant depuis plus de fept ans : je relus donc avec une nouvelle
attention la note de la lettre de M. de la Lande, & je
pris le parti d’aller chercher un pays libre, puifqu il étoit à
mon choix de le faire. Les voyages par mer ne me coûtaient-
plus rien, tant j’étois devenu familier avec cet élément;
j’écrivis à M> le Duc de Chaulnes &. à M. de la Lande, que