les Princes Mogols ne nous verront, fans jaloufie, polTefleurs
tranquilles de grandes provinces dans l’Inde.
Cette fomme de dix-huit millions paroitra bien forte» &
peut-être exagérée j le calcul en eit aiie » le voici en deux mots.
On ne peut pas avoir moins, en troupes du pays, que
trois mille Cavaliers & quinze mille Cipayes ; les Anglois
n’avoient point à la vérité de Cavalerie, auiîi firent-ils la — _ . A / 11 n
guerre avec le plus grand défavantage de leur cote; car nu elt-ce
qu’un Corps d’environ trois cents Cavaliers I Edev-AIî-kcn
au contraire avoit près de quarante mille hommes en cavalerie ,
avec iefquels il défoloit tout. O r , un cavalier avec fon cheval
coûte une roupie par jour ; fur ce pied - la, les trois mille
cavaliers montent à quatre-vingt-dix mille roupies par mois,
& ies quinze mille hommes d’infanterie ou Cipayes a cent
vingt mille roupies, à raifon de huit roupies par mois pour
chaque Cipaye, ce qui fait par an deux millions cinq cents
vinwt mille roupies, ia roupie évaluée a quarante-huit fous de
notre monnoie; ces deux millions cinq cents vingt mille roupies
font lix millions quarante-huit mille livres argent de France.
Avec cet objet, il feroit encore néceffaire de fournir les
chevaux aux Cavaliers, car ces militaires craignent autant &
plus pour leurs cheva’u x , que pour leur propre perfonne ;
& ils ne s’expofent pas volontiers aux rifques de les perdre.
Eder-Ali-kan avoit dans fon armée, prefque toute de
Cavalerie, comme je l’ai remarqué, quatre mille hommes
d’élite fur Iefquels il pouvoit compter, & dont les chevaux
lui appartenoient.
Les Cipayes ne font pas des troupes bien merveilleufes;
cependant il eit poflibfe de les aguerrir jufqu a un certain
point : on s’en fert dans une infinité de cas où ils font d’une
très-grande reflource, & peuvent fouvent décider du fort
d’une bataille quand ils font employés par une main habile;
mais il ne faut pas ufer de rigueur avec ces troupes, qui fé
regardent libres & indépendantes.
J’ai vu à Pondichéry, palier par les armes des Soldats
européens pour cauië de défertion ; les Cipayes ne voyôient
ces exécutions qu’avec ia plus grande répugnance. Les gens'
de l’Inde ne peuvent point fe familiarifèr avec cette idée,
de faire perdre la vie à un individu pour un fujet fi peu
grave, félon eux, que celui de ia défertion.
Voici un fait arrivé à un des Généraux Anglois, pour un
exemple de févérité un peu trop grand, qu’il avoit apparemment
cru nécelîâire dans ies circonftances où il le trouvoit
pour le moment, mais qui occafionna un événement bien
différent de celui auquel il s’étoit attendu.
Les Anglois ne iè voyant, fans doute, pas alfez de troupes
à la côte de Coro.mandel, pour faire face à tout, engagèrent
par la force de la perfùafion deux mille Cypayes de Bengale
à palfer à la côte; ils y confèntirent ; mais ils mirent dans leur
condition qu’ils ne s’engageoient que pour un temps , &
qu’on ies congédierait exactement après ce temps qu’ils
limitèrent.
Le terme fixé par la convention étant expiré, les Cipayes
demandèrent leur congé; les Chefs qui les commandoient
ïepréfentèrent au Générai Anglois que la troupe vouloit s’en
retourner dans fon pays , que la convention étoit formelle -
& le terme expiré, qu’elle ne ferviroit pas davantage : le
Général Anglois irrité, le voyant peut-être à la veille d’être
aux prifes avec l’ennemi, & trouvant que deux mille hommes
de moins dans fon armée y feroient une brèche confi^érahie »
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