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qui ejl à Paris , & qui pourrait vous en donner des nouvelles.
Je vous fuis, Monfteur, plus parfaitement dévoué que perfonne
du monde. Signé ie Duc de la V rilliere.
Si ces caiflès oŸit été véritablement portées chez M. Poivre,
ce n’a pu être qu’après mon départ de l’Iíle-de-France, par la
perfonne qui s’étoit chargée deles faire embarquer, car elles
ne pouvoiènt guère 1 être que par 1 ordre du Commillaire-
ordonnateur : mais j’ai laiffé tout là ; je veux bien croire que
les perfonnes qui ont difpofé de mes coquilles, n’ont pas cru
me faire un vol réel ; parce que ce n étoient que des coquilles :
e’eil une juftîce que je veux bien leur rendre. -
En arrivant à Paris, j’appris que j’avois été fait Vétéran
à l’Académie royale des Sciences, fous prétexte de ma trop
longue abfence. On m’avoit cependant confervé toutes les
prérogatives attachées à la place d’A ffocié, & mon droit à la
penfion ; mais en pareil cas, ces droits, lorfque l’occafion
le préfente de les faire valoir, n’ont pas toujours la force
qu’on a eu d’abord intention de leur attribuer. Auiïï ce fut
une des aventures à laquelle je fus le plus iênfible, ayant ete
ablent uniquement pour le lèrvice des Sciences, & n ayant
rien négligé pour revenirle plus tôt qui! m avoit ete poiîible •
mais j’eus tout lieu d’être fatisfaii par la fuite, ayant repris
ma place en vertu de la lettre de M. le Duc delà V rilliere,
que ce Miniilre m’écrivit de Verfàilles , le 28 février 1 7 7 2 ,
quatre mois après mon retour de l’Inde.
Je viens, Monfteur, décrire à lAcadémie, que Sa Majeflé
deftre que vous y repreniei votre place d AJjocié-Ajlronome, &
je vous en donne avis avec plaifir.
On ne peut vous être, Monfteur, plus parfaitement dévoué que
je le fuis. Signé le D u c d e l a V r i l l i è r e .
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 81
II paroîtra d’abord , à ceux qui me feront l’honneur de me
lire, que mon Journal devoit finir à mon arrivée en France;
parce que l’arrivée d’un Voyageur en fa patrie, eft ordinairement
la fin de lès aventures & ie terme où commence fon
repos ; mais le mien n’ayant commencé qu’à l’époque de
l’alliance que je contraélai, à mon retour, avec M.1|e Potier,
d’une des plus nobles & des plus anciennes familles du
Cotentin ; amie depuis très-long-temps de la mienne, je me
fuis cru errant jufqu’à ce momentheureux, où là fociété m’a
fait tout oublier. Je regarde donc comme une fuite de mes
aventures les attaques de mes héritiers, que mon. Procureur
eut à foutenir pendant mon abfence, pour les empêcher de
s’emparer de mon bien, & fur-tout le procès que j’ai perdu
contre ce même Procureur, qui eut l’imprudence de lailfer
voler Ton argent & celui qu’il avoit reçu pour moi.
Avant mon départ pour l’Inde, j’avois cru devoir alfurer
mes revenus afin de pouvoir les toucher à mon retour : il ne
s’agiffoit que de trouver une perfonne obligeante qui voulût
bien fe charger de recevoir à chaque terme le montant des
Fermiers 8c des Rentiers. Mes biens font en Normandie , aux
environs de Coûtances, où il eft rare de trouver quelqu’un qui
rende lèrvice par pure honnêteté ; je m’adreliai à un Procureur
de profefiïon qui conlèntit de le charger'de la recette d’une
modique fomme, d’une manière qui me paroiiToit devoir
être gratuite ; ce Procureur devenu Procureur de confiance,
& par-là relponlàble de mes deniers, fit la geftion convenue.
Pendant mon voyage de l’Ifle-de-France à Manille, j’eus le
malheur de perdre ma mère ; ce trille & fâcheux événement
pour moi, fut caufe que nies héritiers osèrent, quelque temps
après, convoiter ma fucceffion ; fous l’ombre du bruit de ma
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