à Pondichéry avec M . le Gouverneur. L e lendemain il me dit
d’aller chercher un emplacement pour me bâtir un Obfervatoire ;
lui-même fut avec l ’Ingénieur en c h e f reconnoître l ’endroit que
j ’avois défign é , & ordonna q u ’on y mît fur le champ dès maçons.
Je ne fuis pas plus éloigné du Gouvernement que vous ne l’êtes
de ce qu’on appelle le P a la is à Manille ; ce qui ell pour moi de la
plus grande commodité , parce que M . Law n ’a pas voulu que
j ’allaffe à l ’auberge : je mange au gouvernement, où ce Gouverneur
tient une table fort honorable, & tous les foirs nous allons louper
à fa maifon de campagne. M on Obfervatoire ell bâti dans les ruines
du palais élevé jadis par M . Dupleix , fur une épailfe & forte voûte,
que la mine a épargnée , & qui foutient encore deux pans de murs
de la chambre & du cabinet où a logé ci-devant M . de Laü y . Cet
ouvrage étoit fi bien fa it, que malgré les injures de l’air que ces
murs effuient en dehors depuis bien des années, l ’enduit dont ils
font recouverts e ll prefque auifi blanc que s’il venoit d’être appliqué,
II e ll auffi de la plus grande dureté, puifqu’on n ’ y peut point enfoncer
de clous , & qu’ils plient tous fous le marteau. Cette eipèce d’enduit
e ll très-beau & très-Iuifant, mais en même temps très-cher f ies
maifons des Européens en font toutes recouvertes ; au relie , il n’eft
pas par-tout du même prix. Il y a des moyens de le rendre plus
beau, plus luifant, & par conféquent plus cher ( a ) : pour moi je
le trouve très-mal imaginé ; car fi d’un côté il donne du luftre &
de l ’éclat aux maifons, de l’autre côté il éblouit. E n e ffe t, Pondichéry
étant aifis fur des fables , la v u e , lorfqu’on va dans les rues,
ne fait fur quel objet fe rep o fe r, & fe fatigue à un point incroyable.
M o n Obfervatoire confifte dans un appartement principal, où font
mes inflrumens , de 1 5 pieds en ca r ré , dont les deux anciens niurs
fon t partie; les ouvertures ou fenêtres font fort larges, & ont 9 pieds
de hauteur, ce qui me donne de la facilité & de l ’aifance pour
pouvoir o b ie rv e r , avec ma lunette de 1 y pieds de lon gu eu r , les
( a ) L on peut voir fur cet enduit les Lettres de M . de Bruno à M. de
la Fay.e, dans fon Mémoire fur la Chaüx des Anciens. Paris, de l ’ Imprimerie
Royale, ¡ 7 7 8 .
Satellites de Jupiter ; outre c e la , j ’ai un cabinet & trois terraflès
qui peuvent me fervir dans plufieurs cas ; deux de ces terraffes
font de plein-pied avec la falie o ù font mes inltrumens, & ne font
que les relies «des autres pièces qui complétoient l ’appartement ; fa
troifiètne terraffe efl de 5 à 6 pieds plus baffe, elle formoit ci-devant
une efpèce de galerie.
Je monte à mon Obfervatoire par un efcalîer en pente d o u c e ,
& fait en maçonnerie, qu’on a été obligé de pratiquer exprès; il ne
conduit q u ’à la terraffe inférieure ; de celle-ci on achève de monter
au moyen d'un autre petit efcalier en bois.
T e l e f l , Moniteur & cher ami, le fort qui m’attendoit à P o n d ichéry
, & que je dois à M . L a w , Gouverneur général pour le R o i,‘
de tous les établiflèmens françois dans l ’Inde. Sous fes aufpices , je
jou is,-à Pon d ich éry, de cette douce paix qui efl l ’ame & le foutien
des Mufes ; je m’o c c u p e , dans le fein de cette p a ix , à confàcrer
d ’heureux momens à Uranie; l ’ame contente & fatisfaite , j ’attends,
avec tranquillité , que la prochaine conjonction écliptique de V én u s
avec le Soleil, Vienne terminer mes courfes académiques.
V o u s me demandâtes, lorfque je partis, de vous envoyer une def-
cription de la nouvelle ville de Pondichéry : je vais vous faiisfàire.
Pon c iieh é ry , après fà deflruèlion, a dû préfenter un ipeèlaclè
véritablement digne de compaffion ; à en juger par quantité de
ruines qui exiflent encore aujourd’h u i, l’ennemi fut bien impitoyable!
fa fureur le porta jufqu’aux églifes , il ne les épargna pas plus q u e
le r e fie , elles ont é té renverfées comme tous les autres édifices ;
Si a propos de c e la , je croyois, avant qu e d’être i c i , qu’il n’ y avoît
qu’à Manille où les églifes des Religieux .fuffent des citadelles ;
c efl ici comme, à Manille ; car f é g l i f e des Capucins de Pondichéry,,
dont les ruines publient encore la grandeur & la magnificence pafîees ,
dit en même temps que cet édifice étoit une eip è ce de fortereffe
dont les murs étoient plus épais & plus forts que tout -ce que j ’aî
Vu jufqu’à préfent de plus folide en maçonnerie & en édifices de
cette efpèce. Je ne vous dirai rien de Téglife des Pères de la
Compagnie, comme vous les appelez à Manille,, car il n’en reite